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Hey! Elle M’a Appelé Tonton

À l’arrêt de l’autobus, en partance pour la kermesse Cathédrale, une jeune femme m’apostrophe. Tonton, ça va? Catastrophe! Ma bulle de jouvence s’écroule, la joie enivrante du samedi soir décampe, l’horizon lointain de la solitude se rapproche. Qu’à cela ne tienne! C’est exactement à ce moment précis que nous perdons toute jeunesse, toute légèreté, toute fougue. Un déséquilibre, oui une sourde vibration me secoue et rebute ma désinvolture d’éternel garçonnet.

Tonton, cette formule de destruction massive secoue, émousse et brasse jusqu’à l’estime de soi. Ce n’est pas tant une frustration qu’une réalisation brusque et violente d’avoir épuisé plus qu’une cartouche, certainement la plus virulente. Mais, nous n’en sommes toujours pas à l’étape plate de l’acceptation. Juste des questionnements analogiques: quand mon père avait mon âge, je le voyais déjà comme presque fini. Mon oncle Joe, à l’âge que j’ai, était beaucoup plus sage et tempérant.

Les réponses d’abord trouvées sont évidemment les plus réconfortantes. Le monde a changé; le bien-être et l’espérance de vie font que même dans la quarantaine, la jeunesse persiste et signe. Malgré tout, la réalité nous rattrape par le moyen sophistiqué des responsabilités d’adulte. Disons adulte à la sénégalaise, autrement dit à la retraite. Entre temps, nous nous sommes tellement démultipliés qu’enfants, épouse, neveux et belle mère compliquent notre existence.

Fini les belles années quand nous pensions par nous et pour nous, excepté la considération pour la « disquette », fille du chef de quartier. Le regard complice presque révérencieux du beau-père et celui tordu des cadets nous poursuivent et nous hantent dorénavant. La tendresse intacte de maman est piège, l’autorité simulée de papa devient factice, au bord de ludique.

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Tonton! Cette interpellation tortionnaire liquéfie toutes les illusions nées de la chaleur des convoitises radieuses et de la fougue juvénile. Cependant, les aspirations et envies ne sont pas encore assouvies. Pour autant, il n’est toujours pas question de les résilier. L’éprouvante conquête d’accomplissement personnel est-elle conciliable avec les responsabilités subitement encombrantes, jusque-là refoulées sinon minorées?

Jeune femme, chaste et cruelle, je ne suis pas votre oncle! Vous me dépouillez des œillères-armures pour m’indiquer la tortuosité du chemin déjà parcouru. Déesse immaculée, déesse immortelle, vous êtes venue troubler une cadence aventurière, une passion impudique et un sain appétit insatiable. Maintenant, la saisissante désillusion traumatise avant que cette lâche sérénité  du vaincu ne vienne soulager, en désespoir de cause.

Quand survient ce moment paradoxalement affligeant et vital, nous résistons par le sport ou par le relookage à la fatalité bien avant de capituler sous les ordres tyranniques du corps éprouvé et de l’âme désabusée. Rien de nouveau! Nos prédécesseurs, eux, feintaient l’estocade du démon de midi. Ils se faisaient enlever les indiscrets cheveux blancs dans l’intimité du foyer au mieux. Encore mieux, ils se réinventaient jouvence et vigueur nouvelles à travers une toute jeune et gracieuse muse, épouse légitime bien sûr.

Birame Waltako Ndiaye

 

Birame waltako NDIAYE
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