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Pour Une Réforme De La Retraite Des Dirigeants D’entreprises Publiques

L’âge de la retraite des personnels d’encadrement est fixé au Sénégal à 60 ans sauf pour certaines catégories de professions notamment les magistrats, les inspecteurs généraux d’État et les professeurs d’universités, lesquels partent à la retraite à 65 ans. Tous les cadres de l’État nommés à la tête des entreprises publiques, en qualité de directeurs généraux, se voient obligés de quitter leurs fonctions pour faire valoir leurs droits à une pension de retraite une fois les 60 ans atteints. C’est ainsi la règle. Aucun compte n’est tenu des progrès de la médecine, de l’augmentation de la qualité de vie et, surtout, de l’accroissement de l’espérance vie, qui sont autant de facteurs qui ont fait reculer l’âge de la retraite dans bien des pays.

Cette situation a pour corolaire de voir partir à la retraite des managers qui viennent de terminer leur phase d’apprentissage ou qui sont au sommet de leur art, sans avoir eu le temps de réaliser des choses importantes qui survivront à leur départ forcé alors qu’ils se sentent en avoir les moyens (physiques, intellectuels, réseaux, etc.). Cela pose, avec acuité, la nécessité de réformer les règles de nomination des directeurs généraux des entreprises publiques, lesquelles s’inscrivent davantage dans une logique de favoriser la poursuite de la carrière administrative des hauts cadres plutôt que celle de la mise en œuvre de mandats limités dans le temps avec des objectifs clairs et des résultats à atteindre.

Limite d’âge des directeurs généraux à 60 ans : un gâchis

Les résultats de quelques recherches établissent l’existence d’un lien entre l’âge avancé des dirigeants et la création de valeur. C’est ainsi que les réseaux sociaux et d’information que les dirigeants d’un certain âge ont pu se constituer, dans le temps, sont considérés comme une composante essentielle de leur capital managérial. Ainsi, ces réseaux sociaux et d’information les aident à accéder, de façon privilégiée, à des ressources stratégiques nécessaires au développement de leur organisation. La littérature nous renseigne aussi que l’âge avancé des dirigeants contribue à accroître leur pouvoir d’expertise, donc favoriserait la mise en place d’initiatives positives en termes de création de richesses.

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Une simple et rapide comparaison entre les dirigeants des sociétés privées commerciales et leurs homologues des entreprises publiques permet de constater que la limite d’âge à 60 ans à laquelle ces derniers sont assujettis est révélatrice d’une rigidité susceptible de priver les organisations publiques de compétences mûries, de talents éclos et d’expertises avisées. De plus, au moment où l’État met systématiquement à la retraite tous ses dirigeants de sociétés publiques atteints par la limite d’âge de 60 ans, d’autres cadres de la fonction publique (civile et militaire) sont maintenus ou nommés à des postes d’ambassadeurs au-delà de 65 ans ! Une iniquité qui est difficilement justifiable. Tout cela rend impérieuse la nécessité d’apporter une souplesse aux modalités de fixation de la limite d’âge des dirigeants d’entreprises publiques. Pour ce faire, deux mesures pourraient constituer une réponse adéquate au problème soulevé. La première serait une rupture avec la perspective carriériste qui sous-tend les nominations à la tête des entreprises publiques en privilégiant des nominations par mandats de trois années. La seconde consisterait à maintenir les dirigeants âgés de plus de 60 ans en poste dans la limite des mandats en cours jusqu’à ce qu’ils aient 65 ou 70 ans au maximum.

Nomination sur la base de mandats : une piste de réforme intéressante

En effet, il est venu le temps de mettre fin, outre aux nominations partisanes (voir notre chronique intitulée : En finir avec les nominations partisanes dans le service public), mais également celles dictées simplement par le désir d’assurer la poursuite de la carrière d’un allié, d’un partisan ou d’un parent tout simplement à la tête d’une entreprise publique. Autant, il est démontré que l’âge avancé du dirigeant peut jouer favorablement dans la création de valeur de l’entreprise publique, autant son maintien à la tête de celle-ci durant une décennie ou plus est souligné, par plusieurs recherches, comme un facteur d’inertie, un frein à la prise de risque et une entrave à l’innovation. Pour éviter la sclérose des dirigeants qui sont, depuis plusieurs années, à la tête des entreprises publiques, il serait mieux de les nommer par mandats de 3 ans assortis d’objectifs clairs et de résultats à obtenir. Ce mandat ne sera renouvelable que si les résultats attendus sont au rendez-vous. En tout état de cause, le nombre de renouvellement de mandats ne pourra entrainer le dépassement d’une limite d’âge fixée à 65 ou 70 ans. La nomination par mandats ne ferait pas obstacle aux mesures individuelles que pourrait prendre l’autorité compétente pour mettre fin, à tout moment, aux fonctions des personnes visées surtout lorsqu’il est prouvé des manquements graves aux règles d’éthique, de gestion, etc. En l’absence de faute, l’autorité compétente pourrait, aussi, écourter le mandat d’un dirigeant d’une entreprise publique à condition, dans ce cas, d’en informer le concerné au préalable et de recueillir ses observations éventuelles. C’est comme cela que ça se passe en France, par exemple, conformément à une jurisprudence du Conseil d’État.

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La souplesse proposée dans la détermination de la limite d’âge des dirigeants des entreprises publiques consisterait, lorsque ces derniers atteignent l’âge de 60 ans, à différer leur radiation dans leur corps d’origine et la liquidation de leurs droits à une pension de retraite jusqu’à la date de cessation de leurs fonctions de directeurs généraux. Ainsi, l’atteinte de la limite d’âge de 60 ans dans leur corps d’origine ne mettrait plus fin, automatiquement, aux fonctions de directeurs généraux qu’ils occupent. Cela rétablirait, tant soit peu, les inégalités relevées, concernant la limite d’âge de 60 ans, entre les dirigeants d’entreprises publiques et leurs homologues des entreprises privées commerciales. De plus, cela mettrait plus de cohérence et d’égalité entre les cadres de la fonction publique, surtout entre les dirigeants des entreprises publiques et leurs collègues qui se sont vu offrir (ou sont maintenus à) des postes d’ambassadeurs. Enfin de compte, le mérite de cette réforme, plus que nécessaire, serait de permettre aux entreprises publiques de tirer profit, le maximum possible, de leurs dirigeants lorsque le capital managérial de ces derniers atteint son apogée correspondant à ce que nous appelons communément l’âge de faire valoir ses droits à une pension de retraite (60 ans). Aujourd’hui, on est encore jeune à cet âge avec du talent à revendre !

 

Cheikh Faye

Cheikh FAYE
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