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Maison D’éducation «mariama Bâ» : Elle Sert En Fait à Entretenir Au Frais De L’etat Des Enfants Dont Les Parents Seraient Riches

J’aurai pu me dispenser de réagir. Mais je n’ai pu me retenir. Quand j’ai parcouru l’article paru dans le Populaire du vendredi sur la maison d’éducation «Mariama Bâ», les couronnes qu’on lui y tressait et jusqu’au petit nom affectueux de «Memba» qu’on lui y donnait, mon sang n’a fait qu’un tour, comme on dit. Aussi ma réaction ne prendra que la forme d’un billet, sans phraséologie ni fioritures stylistiques.

Que peut signifier une compétition entre des élèves d’une école d’un hameau de derrière Thiago au Walo ou de derrière Fongolémbi, qui n’entendent parler français qu’à la radio et la télévision, si le signal de cette dernière parvient jusqu’à leur «bled», et d’autres de quartiers somme toute résidentiels, de Dakar, Thiès, Diourbel ou Saint-Louis, que leurs parents inondent de cours «particuliers», de cours de «soutien», de cours de «renforcement», encadrées, «littéralement travaillées au corps» systématiquement et quotidiennement ?

De fait, les premières sont exclues d’office du concours ou de la sélection, à cause et au nom des «conditions» dont celle de l’âge. Le concours est réservé aux filles de moins de treize ans à l’année de celui-ci, c’est à dire en fait douze ans et en dessous, et on sait comment on fait pour parvenir à être au Cm2 à cet âge. Il faut avoir été à la maternelle (pas la Case des tout petits), avoir «sauté» le Ci et souvent avoir été inscrit directement au Cp.

Je mets ma main au feu que vous ne trouverez que peu de filles de paysans et d’artisans parmi les pensionnaires de «Memba» ou, pour parler comme les spécialistes, les couches populaires et rurales y sont sous-représentées, voire absentes.

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«Mariama Bâ» sert en fait à entretenir au frais de l’Etat des enfants dont les parents seraient riches mais pas suffisamment pour les envoyer à «l’extérieur» ou dans les établissements sénégalais qui appliquent le programme français : enseignants, médecins, cadres moyens de la fonction publique ou du privé. Qu’est-ce qu’une fille de ministre ou de directeur général a à faire de Mariama Bâ ? Les accusations de fraude et autres querelles de transparence sont les échos des querelles de la queue de la meute se disputant ce qui reste de la curée qu’ont bien voulu laisser les grands.

Mariama Bâ n’est pas équitable. C’est une institution injuste, inique. «Mariama Bâ» ne peut promouvoir l’excellence. Comment un système dont la non-performance est reconnue de tous peut-il produire de l’excellence ? Les 25 moins mauvais d’une promotion ne font pas 25 excellents. De toute façon, ce ne sont pas 25 jeunes sénégalaises par an, aussi brillantes qu’elles puissent être, qui vont faire «émerger» le Sénégal.

Non, il ne faut pas réhabiliter «Mariama Bâ» sous quelques formes que ce soit. Il faut «brûler», il faut fermer «Mariama Ba» et tout ce qui en reste des établissements similaires, tout ce qui en reste des «maisons d’éducation» des «écoles de pupilles», toutes les «écoles de filles», les «petits lycées» et compagnie. Certains d’un certain âge, se souviendront de ces dénis de justice. C’étaient des types d’établissements, où la «bourgeoisie» nationale coloniale de Saint-Louis et Dakar, ces fonctionnaires du «cadre commun supérieur», mettaient à l’abri leur chère progéniture. Les effectifs y étaient réduits, les enseignants souvent des «expatriés». Les élèves n’étaient pas soumis au concours d’entrée en sixième (d’où le sobriquet de «petits lycées»), ou s’ils l’étaient, c’était pour aller au lycée (c’est dire qu’ils entraient dans l’enseignement secondaire) et non à Blanchot, qui était établissement d’enseignement primaire supérieur. Si le bac de Senghor n’a pas été contesté, comme celui de son concitoyen Lamine Guèye, c’est que Senghor, exclu du séminaire, avait été «récupéré» à Van Vollen Hoven, qui était classé lycée, c’est-à-dire établissement d’enseignement secondaire. Lamine Guèye était lui, sorti de William Ponty, établissement d’enseignement supérieur mais d’enseignement primaire quand même.

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Promouvoir un enseignement de qualité, («le Paquet») ne peut consister à promouvoir un enseignement qui produirait quelques «élus», quelques «happy few» mais un enseignement de valeur pour le plus grand nombre, voire pour tous.

 

Alioune SALL

Inspecteur d’Enseignement à la retraite

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