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Pénurie D’eau à Dakar : Les émeutes De La Soif Sont Pires Que Les émeutes De La Faim

Il faut reconnaître aujourd’hui, contrairement aux attentes après le départ du régime néolibéral précédent, que les problèmes se multiplient et se complexifient davantage dans notre pays sans que des débuts de solutions ne soient visibles. Aux coupures d’électricité, viennent s’ajouter les pénuries fréquentes d’eau dans de nombreuses localités de Dakar et environs, non sans mentionner au passage, la crise universitaire durable, l’accélération de la croissance du chômage des jeunes et adultes, les difficultés du monde rural, aggravées par le retard des pluies.

Au rythme par lequel évolue la situation actuelle du Sénégal, le front social risque de s’alourdir et l’avenir devenir morose, en dépit des meilleurs plans et des espoirs entretenus. Cependant, les pénuries d’eau et les déficits pluviométriques sont les pires choses qui puissent nous arriver, comme si nous étions poursuivis par le démon.

En effet, parmi les biens indispensables à la survie de l’espèce humaine, animale et végétale, la disponibilité permanente des ressources en eau constitue le facteur vital de premier ordre. Dans le passé et plus particulièrement de nos jours, la mobilisation des ressources en eau dans notre pays est confrontée à de nombreuses difficultés relatives à la prise en charge correcte de l’évolution de la demande en raison de l’extraordinaire croît démographique, de l’exode rural et de l’insuffisance des investissements dans ce secteur.

A l’horizon 2030, les besoins en eau pour l’agriculture, l’industrie et les usages domestiques connaîtront une variation à la hausse d’au moins de 50%, ce qui est phénoménal au regard des potentiels et du rythme lent des investissements pour couvrir tous les besoins et assurer la sécurité de l’approvisionnement en eau potable des populations. Or, la zone sahélienne se trouve parmi les espaces au monde où le stress hydrique reste l’un des plus accentués et, où paradoxalement, les moyens mis à disposition pour une exploitation convenable des eaux de surface et des nappes aquifères ne suivent pas l’évolution de la demande. Cette situation anachronique a été d’autant observée durant le magistère du Président Abdoulaye Wade, laquelle situation a crée un retard d’investissement pour l’augmentation des capacités sur plus d’une décennie, en plus du défaut de dotation de budgets suffisants pour l’entretien préventif des installations. Déjà, un important déficit d’approvisionnement en eau de Dakar et environs se creuse en raison de la faiblesse des investissements relevés ces dernières années dans ce secteur, pour la disponibilité de la ressource à long terme et des défauts d’entretien préventif sur les ouvrages. Le dessalement des eaux de mer ou la création de fleuves artificiels et de grands canaux pour des pays à revenus faibles insuffisamment dotés en facteur capital comme les nôtres, présentent beaucoup d’inconvénients au vu des coûts prohibitifs qui impactent sur la compétitivité du prix du mètre cube d’eau. Nous devrions plus encore donner une importance primordiale au secteur vital de l’eau dans notre zone climatique, où les conditions pluviométriques sont défavorables.

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De sorte que la politique de la maîtrise de l’eau au moindre coût pour l’agriculture, l’industrie, l’alimentation humaine et pour le bétail par l’exploitation des eaux de surface et des nappes phréatiques reste le moyen le plus approprié pour le développement économique et social du Sénégal. Il ne doit pas sur ce plan exister de retards d’investissement ; si bien que les politiques de construction de petits barrages, de forages et de revitalisation de vallées fossiles devront être réhabilitées et renforcées.

Nos gouvernants actuels doivent prendre conscience de l’importance stratégique de la maîtrise de l’eau au niveau des politiques publiques, en prenant à bras le corps les problématiques y afférentes pour une satisfaction optimale des besoins des populations dans les divers domaines de l’agriculture, de l’industrie et des usages domestiques. Les populations et agents économiques ne pourront plus supporter des coupures récurrentes et durables d’eau et d’électricité après en avoir souffert durant plus d’une décennie.

Nous nous souvenons qu’en 2007-2008, le Sénégal avait connu de violentes manifestations qui avaient éclaté à la suite de la colère des populations sur toute l’étendue du territoire contre le coût cher de la vie. Ces émeutes de la faim résultaient de la faillite d’un secteur agricole qui, bien qu’employant 60% de la population active, n’arrive pas à nourrir la population sénégalaise. Toutefois, les émeutes de la soif sont pires que les émeutes de la faim au sens où, en plus de la colère immédiate que peuvent créer les pénuries d’eau à usage domestique, il faut entrevoir aussi les conséquences sur l’agriculture lorsqu’apparaissent des déficits pluviométriques inquiétants pouvant compromettre les prochaines récoltes (Prions Dieu que cela ne soit pas le cas). Comment au Sénégal pourrait-on révolutionner l’agriculture sans une maîtrise de l’eau ? Comment dans ces conditions pourrait-on mettre le pays au travail pour au moins 60% de la population active ?

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Beaucoup d’efforts restent à faire pour l’accroissement des investissements, pour la maîtrise de l’eau et la production suffisante d’énergie à moindre coût, les deux mamelles de notre voie vers le développement. Point de secret ! La disponibilité permanente et à moindre coût de ces deux facteurs techniques de production essentiels est la clef du succès vers l’augmentation sensible de la production nationale de biens et services et la compétitivité et, partant, vers une croissance économique en accélération.

L’autre problématique sous-jacente aux pénuries d’eau à Dakar et environs est relative au phénomène de l’exode rural et de la lutte contre la sur-urbanisation des villes, pour un retour dans les campagnes. A cet égard, le pôle économique intégré de Diamniadio est pertinent. Toutefois, réaliser un nouveau pôle urbain dans le même espace économique en plus de la vocation agro-silvo-pastorale du milieu écologique, ne participe pas à l’objectif de la préservation de l’environnement, d’un aménagement équilibré de l’espace et de la lutte contre le phénomène de l’exode rural, Car, Diamniadio se trouve à proximité de la capitale et vouloir en faire un pôle urbain revient à étendre la mégalopole de Dakar sur la zone écologique des Niayes. Dans l’objectif d’un développement économique harmonieux et intégré et d’une division équilibrée de l’espace en zones de production, zones d’habitat et forêts classées, il serait, à notre avis meilleur de créer de nouvelles villes dans les périmètres de Tivaouane-Lompoul et Mbour- Fatick par exemple, tout en évitant la sur-urbanisation des villes et les rattachements et en veillent à la protection de l’environnement.

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De même, en matière d’infrastructures routières, l’autoroute Thiès-Touba n’est pas mauvaise, mais, une autoroute Diamniadio-Kaolack serait d’un meilleur apport, d’un point de vue des opportunités économiques et du désenclavement des zones Sud, Centres et Est du Sénégal.

Un plan, quel qu’il soit et quelle que soit son appellation, reste théorique s’il n’est pas suivi d’effets, notamment, sur les questions fondamentales de maîtrise de l’eau et de l’énergie, lesquelles questions continuent de poser aujourd’hui de nombreuses difficultés dans notre pays.

En ce mois béni du Ramadan et de la forte canicule, la soif fait monter très vite l’adrénaline et la colère des populations ; prions Dieu pour que les pénuries d’eau à Dakar et environs s’estompent à jamais.

 

Kadialy GASSAMA

Economiste

kadialygassama@yahoo.fr

Rue Faidherbe X Pierre Verger

Rufisque

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