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L’opinion Publique : L’objet De Toutes Les Manipulations

Dans le landerneau politique comme dans les relations internationales, chaque partie veut forcer l’adhésion de l’opinion publique à sa cause, à ses intérêts. Selon le Larousse « L’opinion publique est la manière de penser la plus répandue dans une société, celle de la majorité du corps social. » C’est dans cette perspective que tous les moyens sont bons pour courtiser l’opinion ou pour l’amener à épouser sa vision des choses.

Gagner la bataille de l’opinion devient un objet de tous les enjeux et un prétexte à tous les abus, à toutes les manipulations médiatiques, à toutes les supercheries informationnelles. Pour remporter la bataille de l’opinion publique, les formations politiques, les lobbies multiformes ne lésinent pas sur les moyens financiers, techniques, communicationnels et humains. Dans son ouvrage intitulé Les exploits de la propagande, l’intellectuel américain Chomsky montre que pour forcer l’adhésion de l’opinion publique, les milieux politiques font souvent recours à la propagande en s’appuyant généralement sur le milieu des affaires et des médias.

L’invasion de l’Irak par les États-Unis de Georges W Bush a été rendue possible par une campagne médiatique mensongère au prés de l’opinion publique dont le point d’orgue fût le fameux discours de l’ex secrétaire d’État à la défense Colline Powell devant le Conseil de sécurité des Nations-Unies faisant croire que Saddam Hussein détenait des armes de destructions massives. La diabolisation du Colonel Kadhafi au prés de l’opinion publique à coup de campagnes calomnieuses orchestrées par les médias occidentaux sous le joug des intérêts politico-économiques des puissances occidentales présentant le guide libyen comme un dictateur sanguinaire fossoyeur de son peuple ont causé la perte du leader panafricain dont le seul tort était d’avoir osé prôner l’émancipation de l’Afrique vis-à-vis des puissances impérialistes désireuses d’étendre leur influence dans toutes les régions du monde. Les exemples de manipulation de l’opinion publique font légion dans le but d’ébranler ou de ternir l’image de certains États qualifiés de ’’terroristes’ ’(Syrie, Iran, Venezuela ,Cuba…) pour avoir refusé farouchement de se plier à la volonté hégémonique ou la ligne doctrinale des Puissances occidentales .

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L’opinion publique est d’autant plus malléable et manipulable dans le monde moderne qu’on assiste à une expansion fulgurante des médias sociaux lesquels sont sous l’emprise des Multinationales aussi puissantes que Google, Facebook dont l’impact et la portée sur la formation ou le formatage de la conscience des internautes ne sont plus à démontrer. La profusion et la vitesse de diffusion des informations sur internet brouillent l’esprit des internautes peu avertis ou dépourvus de sens du discernement ; ce qui les amènent à tomber souvent dans le piège de la désinformation. Or, le propre de la propagande médiatique, c’est de faire passer la position dominante, même si elle n’est pas toujours fondée ou fiable, pour la vérité. C’est en faisant écho à l’idée que la manipulation réussie de l’opinion fait passer pour ‘’justes’’ les intérêts de l’idéologie dominante que Jean-François Lyotard écrivait dans son ouvrage intitulé La condition Postmoderne que ‘’le droit de décider de ce qui est vrai n’est pas indépendant du droit de décider de ce qui est juste.’’

Conscients du rôle déterminant des médias en général et des journalistes en particulier pour susciter la sympathie de l’opinion publique à leur vision de la réalité ou pour provoquer son empathie à l’égard du camp adverse les hommes politiques et les milieux d’affaires n’hésitent pas à mettre sur pieds des structures médiatiques, à corrompre les médias privés ou à s’accaparer des médias publics pour soumettre l’opinion publique à leurs volontés.

C’est ainsi que les journalistes des médias d’État et même le plus souvent privés surtout dans des pays ou la démocratie est jeune ou inexistante sont souvent à la solde des pouvoirs publics, des lobbies multiples dont ils servent ‘’de portes -paroles’’ au prés de l’opinion. Le journaliste Serge Halimi n’en dit pas moins quant il affirme dans Les nouveaux chiens de garde(1997)  » ( … ) coincé entre le propriétaire du journal, son rédacteur en chef, son audimat, sa concurrence et ses complicités croisées, le journaliste n’a plus guère d’autonomie. ( … ) Révérence face au pouvoir, prudence devant l’argent (…)’’

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Ce phénomène de manipulation de l’opinion publique par l’entremise des médias est tel qu’au Sénégal par exemple, l’ homme politique qui veut accéder au pouvoir ou s’y maintenir tient certains médias à sa merci en faisant parler sa puissance financière. À force de faire la promotion de la ‘’créature médiatique’’ dont ils vantent les idées , certains journalistes ‘’alimentaires’’ ou certains partisans inconditionnels de l’homme politique en question finissent par vendre l’image de leur mentor à coup de marketing politique à l’opinion publique inconsciente qu’elle est l’objet d’un abus. L’influence des médias est telle qu’elle ne cherche pas à discuter le fondement des affirmations lues, entendues ou vues sur un écran. Les médias ayant pour fonction de relater ce qui se passe autour de nous, nous tendons à leur accorder une confiance aveugle.

Pour toutes ses raisons, il est plus qu’important surtout dans les pays ou l’indépendance et les sources d’information ne sont pas toujours maîtrisées de ne pas se laisser berner par le point de vue de l’opinion publique lequel est souvent façonné par des forces tapies dans l’ombre cherchant à faire passer leurs idéologies, leurs intérêts, leurs injustices pour la vérité ou la justice. Gaston Bachelard ne disait-il pas dans La Formation de l’esprit scientifique que ’’l’opinion pense mal; elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissance’’. L’opinion n’est donc jamais fiable ou bien pour qu’elle le soit elle a besoin d’être soumise au tribunal de l’esprit du discernement et d’être éclairée par des médias qui ont le souci de l’objectivité de l’impartialité. Il convient donc de libérer l’opinion publique de la prison des pouvoirs en vigueur pour qu’elle joue pleinement son rôle d’arbitre dans un contexte de démocratie.

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Paradoxalement, comme l’avait compris Tocqueville ,l’opinion publique constitue, en démocratie , un pouvoir auquel aucune force ne peut résister ,mais elle est un pouvoir versatile, malléable ,par l’idéologie, la démagogie; car c’est elle qu’on sollicite pour décider, trancher un débat ou arbitrer un conflit ,mais en même temps ses décisions sont ‘’téléguidées’’ par des ‘’commanditaires’’ qui échappent à son contrôle . Dés lors, pour que l’opinion publique puisse remplir sa mission de sentinelle de la démocratie, de rempart de la justice et de la vérité, elle a besoin d’une presse indépendante, neutre et animée par la vraie information pour la libérer des démons manipulateurs.

 

Ciré AW

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