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Ne Vous En Faites Pas, On Va Vite Oublier…

Qui changera ce pays ? On savait que le Sénégal est le pays où tout est permis. On savait également que dans ce pays tout se pardonne et qu’au nom d‘une certaine sutura, on s’oblige à l’amnésie, à effacer de nos mémoires tous les travers des gens. Ainsi, il est loisible à n’importe qui de commettre toutes les forfaitures et de se pavaner dans la rue comme si de rien n’était. Mieux, l’auteur des actes les plus ignobles est réhabilité par la société au point de le transformer en victime. Les déboires de la personne ne sont pas le fait de ses turpitudes mais sont toujours le fait de la jalousie, de la malveillance de personnes envieuses. Quand on a une certaine réussite sociale au Sénégal, par quelque moyen ou procédé que ce soit, on s’assure l’impunité et l’excuse de tous. Cela est d’autant plus vrai que dans le langage populaire, on assène ce qui devient une «vérité» selon laquelle «au Sénégal on ne regarde pas le tort, c’est plutôt la vengeance qui est stigmatisée». Dans ce pays, vos arrières petits-fils auront tous les droits, tous les privilèges et seront chantés, non pas pour leurs valeurs intrinsèques, mais pour l’aura, même surfaite, de bravoure, de largesses ou de quelque autre générosité de leur ascendant.

Thione Balago Seck est une icône de la musique sénégalaise. Il nous enchante par ses productions. L’homme sait aussi être très attachant. Et pour sa grande célébrité, notre société considère qu’il ne devrait pas faire la prison pour une sordide affaire de trafic de devises internationales.

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Les gendarmes-enquêteurs et les magistrats sont assaillis de toutes formes de pression pour étouffer cette affaire. Chacun s’autorise à aller dans les locaux des enquêteurs pour demander clémence. Des membres du gouvernement et des membres du cabinet du président de la République, sans aucun égard pour la sacralité de leurs fonctions ou pour le respect des principes de la République, ont été jusqu’à la gendarmerie pour essayer d’extirper Thione Seck de l’enfermement. Dans un pays normal, ces personnes seraient immédiatement relevées de leurs fonctions. Et quels torts n’ont-elles pas ainsi causés au Sénégal par ce geste !

Thione Seck et sa bande sont poursuivis pour faux monnayage portant sur des sommes folles estimées à des dizaines de millions d’euros et de dollars américains. Un magistrat disait sa stupéfaction devant toutes ces liasses de faux billets de banque contrefaits, avec un niveau si élevé de ressemblance avec de vrais billets. Sur cette affaire, qui ne serait d’ailleurs pas une première, les gendarmes enquêtaient depuis de nombreux mois. On peut se demander combien de sommes d’argent frauduleux ont pu être injectées dans le circuit monétaire ? Quels torts ont pu être commis à l’Economie nationale, à notre système bancaire et monétaire ? Quels regards le monde de la finance internationale et les douanes du monde jetteront-ils désormais sur des dollars ou des euros en provenance du Sénégal ?

N’empêche, dans quelques semaines ou mois, les personnes mises en cause se retrouveront libres comme l’air et se pavaneront dans les soirées anniversaires de Thione Seck qui refuseront du monde. Chacun voudra venir l’acclamer, lui dire qu’il a été victime d’une injustice, d’un coup bas de rivaux ou on ne sait de quel maraboutage. Thione Seck et ses acolytes pourront même trouver un magistrat pour les absoudre de tous délits.

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Les magistrats ? J‘en parle encore en me giflant, car à chaque fois qu‘on relève, dans ces colonnes, des travers de notre système judiciaire, la réaction des magistrats est systématiquement de nous le faire payer dans des procédures judiciaires. C’est donc à nos risques et périls, mais comment ne pas parler de nos juges avec la dernière absolution de Aïda Ndiongue ? Ah oui, il se trouve des juges pour nous dire que les milliards saisis des comptes de Aïda Ndiongue lui appartiennent licitement, bien que tous les circuits de cet argent soient dûment consignés dans le dossier ; bien que des acteurs de cette forfaiture aient avoué le caractère fictif des marchés et leur non-exécution. Aïda Ndiongue ne s’en était jamais cachée, elle narguait son monde, forte de sa prise réelle sur de nombreux hauts magistrats. Il suffit de regarder tous les rebondissements, les plus rocambolesques les uns les autres, dans le traitement judiciaire de cette affaire. Aïda Ndiongue peut dire et redire qu’elle «pardonne à tout le monde».

C‘est à l’instar de ces juges constitutionnels, réhabilités eux aussi, après la tragédie de la validation de la candidature de Abdoulaye Wade en 2012, qui avait causé la mort de nombreux jeunes citoyens. Maintenant, ces juges se sont également mis dans la peau de victimes. Ces juges ont pardonné à leurs détracteurs et peuvent jouir des largesses qui leur avaient été consenties. Aujourd’hui, on en connaît de ces «victimes» qui sont en train de revendre, à coups de plusieurs centaines de millions de francs, des domaines fonciers qui leur avaient été octroyés par Abdoulaye Wade. Il est difficile de ne pas croire que ces terrains des Mamelles et de la Corniche ne feraient pas partie d’un butin ?

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Encore une fois, on peut tout se permettre dans ce pays, jusqu’à ce qu’un Karim Wade, condamné pour des actes de prévarication de ressources publiques portant sur des dizaines de milliards, puisse avoir le toupet de haranguer ses militants à partir de la prison de Rebeuss pour leur demander de se mobiliser pour la prochaine Présidentielle et de ne pas se faire de souci quant à la fourniture de moyens financiers nécessaires. Karim Wade leur promet qu’il a assez d’argent pour financer leurs activités politiques. Ils étaient nombreux à espérer en vain, un démenti de Karim Wade de cette confidence relayée par la presse. Assurément, le Sénégal est le pays de tous les possibles.

 

Madiambal Diagne

 

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