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Tabaski à Ndiobènetay

Éprouvé par les préparatifs de la tabaski et de leurs réclames en conflits et en pertes, Gorgui Diop est au bord de l’épuisement. Confus, il gesticule tel un possédé et proteste tout haut. « Il n’a jamais été question d’agneau, c’est de l’homme contraint à des dépenses absurdes qu’il s’agit lorsqu’il est dit : laisse mouton pisser, tabaski viendra. » Pour l’habitant de Ndiobentay, les rôles sont inversés. Cette sentence populaire fait référence au sénégalais moyen qui se débat sans succès ni solution à célébrer tabaski plus que ses moyens l’y autorise.

Ce n’est plus qu’une fête, c’est surtout un casse-tête, ni plus ni moins qu’une coupe-faim pour le commun des « borom keur », pourvoyeurs de subsides. Commanditaires classiques du défilé des dames dandinant, obligés d’équiper la descendance et forcés d’immoler un mouton compétitif, les chefs de famille s’en donnent à cœur et à poche mutilés. Gorgui Diop n’est plus reconnaissable. En cette journée, sa gourmandise habituelle rencontre le poids des dettes douloureuses et des reproches repoussés jusqu’à lui couper étrangement son penchant naturel à s’empiffrer.

Le voilà en aparté qui se défoule, parlant de sa 3eme femme, qu’il reproche d’être gaspilleuse et superficielle.  « Elle entend impressionner tout le voisinage d’un « Kouy », bélier pur sang, elle entend se parer d’une coiffure spéciale et d’un accoutrement dernier cri. » En ndiayène naturellement brillant, je riposte: es-tu obligé d’accepter tous ses écarts ? Les traits tirés, il argumente: « Quand vient le temps de choisir entre ma seule délivrance de ces énormités socialement ancrées et le soulagement de mes proches, empêtrés dans le courant des susceptibilités, je renonce à ma liberté. L’affirmation individuelle n’apporte bien-être qu’à la condition d’être exempte de tout remord. »

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Combien de fois avons-nous dit ou entendu dire: si ce n’était que moi… ? Ce sont les susceptibilités des personnes qu’on aime et qui s’encombrent de folies et de futilités qui pèsent à chaque fois que cette phrase est balancée dans les airs. Nous ne voulons surtout pas savoir nos proches embarrassés malgré l’idée qu’on peut se faire de leurs conduites. Gorgui Diop trouve absurde de célébrer l’Aïd al- Kabir, acte de piété, dans l’outrance, mais s’y fait quand même. De toute façon, il ne fait plus rien par attrait, dressé à soigner continuellement le prestige de l’entourage contre mauvaise fortune bon cœur.

Tabaski à la sénégalaise harcèle de ses charges cassantes, des consignes clandestines à faire ce qui se fait communément. Comme quoi, les efforts de rationalité et d’organisation butent encore sur la sensibilité aux manifestations extérieures telle que le « sak » et le « soutoura », sauvegarde des apparences à tout prix. Les résolutions individuelles n’y feront rien. Les résistances à la mesure s’accommodent très bien de l’autorité parentale, de la fraternité et du fait religieux.

 

Birame Waltako Ndiaye

waltacko@gmail.com

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