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La Normalisation De L’économie Informelle Et Le Risque D’implosion Sociale

« Nous avons lancé une politique de recensement du secteur informel pour arriver à avoir des données statistiques beaucoup plus fortes et crédibles », a fait savoir le président Macky Sall. Et après! Sommes-nous tentés de dire. En Cote d’Ivoire, des cartes professionnelles n’ont été décernées aux chauffeurs de taxi que pour les assujettir à des taxes forfaitaires. C’est peine perdue, une démarche efficace viserait davantage les causes plutôt que les conséquences de l’économie informelle.

Le secteur informel sénégalais contribue à plus de 50% de la valeur ajoutée du PIB. Parce qu’il regorge d’activités qui échappent à la fiscalité et parce qu’il fait concurrence aux PME, les bien-pensants préconisent sa formalisation. Les ajustements structurels nous avaient pourtant conduits à sacrifier les secteurs public et parapublic dans l’optique d’accroitre le rendement financier des ressources publiques. De la même manière, la tendance suiviste de réduction brutale de la taille du secteur informel va se solder par le bradage d’un rendement économique très sécurisant.

Il ya un lien direct entre l’accroissement du secteur informel et le manque d’opportunité d’emplois dans le secteur moderne. Le secteur informel est une importante source d’emplois et de revenus pour les plus pauvres. Pour éviter l’effritement d’un si grand régulateur social sans garantie concomitante de création d’entreprises formelles, l’élargissement de la base fiscale ne doit pas constituer la finalité de l’action publique en la matière. L’engagement de l’État pour le renforcement des acteurs de l’informel assurera, à terme, leur passage au circuit moderne sans compromettre toutefois leur apport à l’économie.

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Les politiques utilitaristes d’organisation des unités de production informelles ne peuvent que les accabler de charges fiscales et de paperasses. Jusque-là, la formalisation de l’économie n’a eu pour finalité que de soumettre les activités de subsistance et de débrouillardise au cadre légal en jouant sur des atouts supposés, mais peu convaincants. Les limites de ce dispositif sont manifestes : conditions bancaires inadaptées à des individus sans formation et modes de gestion des PME beaucoup trop complexes.

Déjà, les unités formelles existantes ont du mal à profiter de leur statut d’enregistré pour se prévaloir d’un avantage comparatif. Au Sénégal, 376 PME ont fait faillite au cours de la seule année 2012, d’après le Conseil national du patronat. En 2013, l’Agence de développement et d’encadrement des petites et moyennes entreprises (ADEPEM) prétend avoir formalisé 149 unités de production informelles. Faute de statistiques, nous pouvons considérer que le secteur informel s’est consolidé d’agents supplémentaires beaucoup plus nombreux que ceux déjà formalisés. Ceci rend le travail de l’ADEPEM sans effet majeur.

L’utilisation des faibles ressources publiques pour la reconversion des acteurs du secteur informel s’avère un gâchis. À long terme, la prépondérance des unités de production modernes passera par la création d’emplois alternatifs et par la capacité managériale soutenue des travailleurs autonomes. Un secteur tout aussi important dans l’économie nationale ne doit pas faire l’objet de refonte, il doit être relayé progressivement à mesure que les conditions d’une économie plus structurée et plus rentable soient réunies.

En réalité, le secteur informel joue un rôle de substitution à l’emploi formel. À ce titre, son effondrement représente un risque d’explosion dont le coût économique dépasse de loin les hypothétiques prévisions d’extension de l’assiette fiscale. Après l’échec des nombreux plans d’actions, nous pouvons envisager l’informel comme une piste alternative jusqu’à ce que les hommes et les femmes  en affaire, suffisamment renforcés, réalisent des intérêts et des avantages à mieux se structurer. Cela ne traduit pas un laisser-aller, la sécurité et l’ordre public seront toujours opposables à ces débrouillards.

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Birame Waltako Ndiaye

waltacko@gmail.com

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