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Intangibilité De La Laïcité Au Sénégal : La Dernière Trouvaille

L’intangibilité des dispositions relatives aux caractères indivisible et décentralisé de l’État…, ça peut se comprendre, mais celle du caractère laïc pose problème pour deux raisons. D’une part : qu’est-ce que ça peut bien dire ? D’autre part : pourquoi ce besoin soudain d’appuyer la laïcité dans l’organisation sociale ? La menace terroriste ne peut le justifier parce que si jamais les djihadistes s’emparent du pouvoir, aucune constitution ne leur sera opposable. Ils n’en feraient ni plus ni moins qu’un vulgaire papier. Par contre, l’immixtion de plus en plus vive des forces religieuses locales dans la marche du pays n’est certainement pas étrangère à cette mesure.

Partout ailleurs, les populations n’admettent la séparation entre l’État et le domaine religieux que dans la mesure de leur propre conservation identitaire. En France, l’islam est pointé du doigt parce qu’il vient brouiller l’héritage judéo-chrétien si bien assimilé. Aux Etats-Unis, tout président élu jure sur la bible de respecter la constitution. La séparation de l’État et de la religion est une tromperie et, à bien des égards, une piètre résolution. La constitution sénégalaise interdit déjà la formation de parti politique sur une base religieuse. Cette mesure de prévention contre la discrimination religieuse s’avère plus opérante que cet artifice d’intangibilité.

Les politiciens se cachent derrière le respect des sensibilités religieuses pour mieux capter le soutien du plus grand nombre. Ils s’inclinent et se prosternent devant les porteurs de voix, qu’importe si persiste le contraste entre l’idéal républicain et les exigences électoralistes pratiques. En lieu et place de se perdre dans cette notion qui ne trouve pas pied dans la réalité, il vaudrait mieux mobiliser les efforts pour garantir une égalité des chances dans l’insertion professionnelle et l’épanouissement social.  On en est là dans le degré d’organisation sociale.

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L’intangibilité de la laïcité est à l’image de l’interdiction abusive et absurde des signes religieux dans les écoles et autres services publics, en France et ailleurs. Imprécis et tatillon, le principe de laïcité n’arrive pas à empêcher que l’identité religieuse prime sur tous les autres aspects de la vie, comme c’est les cas au Sénégal. La neutralité des pouvoirs publics s’exerce à condition que les élus veuillent bien respecter et faire respecter les principes d’égalité et de justice sociale.

Le jeu du système démocratique autorise n’importe quel groupe avisé de se prévaloir d’une majorité, en usant des procédures constitutionnelles pour conquérir le pouvoir. N’a-t-on pas parlé de démocratie confisquée lorsqu’en Algérie, le Front de Salut Public (FIS) avait remporté les élections locales de 1990 ? Avant le premier tour des élections législatives, l’année suivante, certains dirigeants du FIS prévoyaient l’interdiction des partis laïcs en cas de majorité du FIS.

Contre la laïcité, disent certains citoyens sénégalais comme pour garder ouverte une porte qui mène à un régime qui allie la force du sentiment religieux à l’engagement politique. C’est probablement cette menace latente d’un régime à caractère religieux qui explique la précaution constitutionnelle, sanctification de la laïcité. Toutefois, l’intangibilité de la laïcité, à elle seule, ne suffit pas à préserver l’harmonie sociale au Sénégal, au-delà des appartenances religieuses. C’est dans la promotion des valeurs de tolérance et dans la lutte contre les discours haineux que l’unité dans la diversité trouve appui.

 

Birame Waltako Ndiaye

waltacko@gmail.com

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