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Opinions, Idées et Débats des Sénégalais

Mon Envie De Crier «non, Non Et Non» à La Chose Politique Et à Toute La Classe Politique

 «Et j’ai tourné le dos aux gouvernants lorsque je vis ce qu’ils appellent à présent gouverner : trafic et marchandage du pouvoir – avec la canaille !» Friedrich Nietzsche

«L’opposition systématique se donne bien garde de demander quelque chose qu’elle pourrait obtenir, car alors il lui faudrait être contente ; et être contente pour l’opposition, c’est cesser d’exister.»

Alphonse Karr

Les pires ennemis des présidents candidats à leur propre réélection

Ces derniers temps, comme toujours en pareille période «pré-préélectorale» au Sénégal, les mouvements de soutien et autres «souteneurs du diman­che» à l’action du Président, à sa politique et/ou à sa réélection prolifèrent et assiègent le Palais présidentiel le faisant tanguer dangereusement, en s’écriant à qui mieux mieux : «Nous soute­nons l’action du Président», «Nous soutenons la politique du président», «Nous allons réélire le Président»,…

Seulement, savent-ils ce que soutenir le Président veut dire ? Savent-ils ce qui fait élire ou réélire un Président ? Savent-ils ce qui fait perdre des élections ? Non, ils ne le savent très certainement pas ! Mais, ils font semblant, rusent, trichent et mobilisent. Ils crient et gesticulent comme des comédiens sur les planches ; car, sans foi ni conviction aucune, leurs cœurs ignorent les louanges et les défis que disent leurs langues avec autant de désinvolture. Ils prétendent soutenir «le premier des Sénégalais», mais, en vérité, l’avantage personnel égoïste est leur seule motivation, l’objet de toute leur sollicitude et amour. Et le Peuple qu’ils méprisent et qui les honnit les reconnaît et les vomit car, pour la plupart, qu’ils soient autorités religieuses ou coutumières, chefs de parti, mou­vements communautaires ou citoyens, artistes ou sportifs, ils ont presque tous accompagné le ou les précédents présidents jusqu’au fond du trou où ils ont contribué à les plonger, avant de les abandonner à leur sort peu enviable de président déchu, souvent trahi et piétiné. Bizar­rement, seuls les présidents en fonction et leurs «alliés» et «con­seillers» ne les reconnaissent pas et se laissent prendre à leur jeu. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Est-ce peut-être parce que le pouvoir rend ivre et/ou aveugle, comme on dit ?…

Mais, pour sûr, ils sont les pires ennemis des «présidents candidats à leur réélection», je devrais plutôt dire de tout candidat à sa propre réélection, quelle que soit la station occupée. Pourquoi ? Parce qu’ils courtisent le pouvoir quel qu’il soit, cherchent à lui plaire pour profiter des faveurs qu’il octroie et, pour ce faire, usent de flatteries, de tricheries et de mensonges. Parce qu’ils sont semblables à des bulles de magiciens, à des mirages dans le désert, prompts à se dissiper à l’heure ultime. Parce que semblables à des virus dévoreurs de globules, chassant la bonne santé de l’organisme atteint, ils font fuir militants et sympathisants, réduisant à né­ant le capital de sympathie de leur «champion». Parce qu’ils ne voient pas, dans leur myopie-opportuniste, la nuance entre soutenir le Président (ce qui est le devoir de chaque citoyen quels que soient son grade, son parti et ses convictions politique) et soutenir le candidat à sa réélection, Sg de parti (ce qui est une affaire de militant) …

Soutenir le président, c’est être un bon citoyen

En vérité, soutenir le Président c’est être un bon citoyen res­pectueux du bien public, du bon ordre ainsi que des lois et règlements. C’est aimer son pays, respecter ses institutions, symboles et armoiries. C’est être une bonne mère de famille, un bon père de famille soucieux de l’éducation, du bien-être et de l’ave­nir de ses enfants. C’est choisir un métier, bien l’apprendre et l’exercer avec amour et honnêteté. C’est exercer ses droits, devoirs, libertés et res­ponsa­bilités dans le respect de celui des autres. C’est être travailleur, honnête, véri­dique, en­ga­gé et constant dans l’effort et les opinions, toujours. C’est se soucier du legs des anciens et de l’héri­tage à transmettre aux générations futures… Soutenir le Pré­sident, ce n’est pas que l’applaudir, le flatter et chanter ses louanges ; toujours lui ressasser qu’il est le meilleur, le plus intelligent, le plus beau, le plus fort,… Car soutenir le Président, c’est parfois l’affronter, lui dire, lui démontrer qu’il se trompe et qu’il a tort ; lui montrer ses limites et l’aider à se surpasser, à révéler et à réaliser le meilleur de lui-même.

Donc, on peut aider le Prési­dent en étant militant de son parti ou bien militant de l’opposition où bien même en étant sans parti politique. L’essentiel étant d’être un bon citoyen, honnête et consciencieux. L’essentiel étant d’être un patriote engagé et sincère. Comment un mauvais citoyen, irrespectueux de tout, souvent sans éducation, sans formation, amoureux du lucre et paresseux de surcroit peut-il aider le chef d’une Nation ? Comment un égoïste ne pensant qu’à lui-même et à ses intérêts propres peut-il collaborer à une œuvre collective ? Comment un homme sans intelligence peut-il assister un bâtisseur de cita­delle ? Il ne peut que lui por­ter préjudice quoi qu’il fasse, quoi qu’il dise. C’est pourquoi, chez nous, ce sont souvent leurs partisans les plus zélés qui portent le plus de tort aux élus. Ce sont les thuriféraires du pouvoir qui le font tomber. Et ce sont souvent leurs adversaires politiques et «les sans-parti» qui leurs tendent la perche ; mais ils ne le voient pas.

Et me disait l’autre jour un vieux militant du Pds, comme pour me donner raison, «si le Président Ablaye Wade fermait ses portes aux porteurs d’encensoirs et autres louangeurs, et écoutait plus souvent et plus attentivement ses contradic­teurs dont les paroles heurtaient parfois son ego, il serait peut-être aujourd’hui encore l’occupant de la présidence de la République». Et il n’a pas tout à fait tort, me semble-t-il, ce vieux nostalgique de la première alternance au Sénégal, car ce sont les mêmes parasites qui ont perdu le Prési­dent Abdou Diouf, en dressant un mur entre lui et le Peuple, en bouchant ses oreilles aux complaintes des masses laborieuses. Si le Président Mac­ky Sall ne prend garde, il sera  lui aussi leur victime. C’est peut-être eux qui l’ont poussé au reniement de sa parole, en lui faisant renoncer à sa promesse électorale de réduire son propre mandat de sept à cinq années, rognant ainsi son capitale confiance.

Or, la confiance est un fondement essentiel du pouvoir.

Ce cirque politique plus que désolant, plus que désespérant

Hélas, en renonçant à sa promesse tant ressassée, Macky Sall ne sape pas seulement son capital confiance vis-à-vis du Peuple anonyme et silencieux, mais aussi il offre à la Nation, par ce référendum devenu insi­pide, l’occasion d’un cirque politique désolant et désespérant où des acteurs de partis politiques et de la Société civile pour la plupart ambitieux et roublards, souvent en mal de reconnaissance, tous adeptes de Machiavel et rêvant de pouvoir et/ou d’hé­roïsme, jouent les «Jaurès» et les «Robespierre», chantent «Nia­­ny Bagnena» (l’hymne du refus), invoquent «Talatay Ndeer» (le sacrifice des femmes de Ndeer), s’ils ne jouent les conquérants en déléguant des «ambassadeurs du oui» ou bien des «ambassadeurs du non» alors qu’ils ne savent rien de ce que refuser l’arbitraire veut dire, de ce que combattre l’injustice implique. Ils ne savent rien de l’amour de la Nation, de l’amour du Peuple, de l’amour de la vérité,… S’ils optent pour le «Oui», c’est tout simplement parce qu’ils sont avec le pouvoir et veulent le consolider ; s’ils optent pour le «Non», c’est parce qu’ils sont contre le pouvoir et veulent le déchoir et/ou le remplacer. Rien de plus. Aucune réflexion, aucun argumentaire, aucune vision, aucune perspective d’avenir. Rien. Ainsi jouent-ils avec le feu, risquent de brûler la République et s’en fichent, hélas !

Et je tremble pour l’avenir de mon pays, le Sénégal, en train de perdre les traits de son visage, car son espace politique est devenu «un refuge de comploteurs», une «arène de singes» (lambi golo) où la malhonnêteté est la chose la mieux partagée et où pendant que le pouvoir «trafique et marchande avec la canaille», l’opposition, faisant fi de sa mission créatrice de valeurs, se fait vulgaire «jeteur de cailloux» car, pense-t-elle, s’op­poser c’est dire «non» cha­que fois que le pouvoir dit «oui» et «oui» chaque fois qu’il dit «non». On ne réfléchit plus, on argumente plus, plus besoin de travailler, on «se croc-en-jam­be», on se dénigre, on s’insulte, on cherche à décrédibiliser, à ridiculiser et à humilier l’adversaire, à lui faire mal, on cherche à étonner les Sénégalais, à occuper la une des medias,… Ainsi, est-il devenu courant, chez nous, d’assister aux  virevoltes les plus extraordinaires, à des situations d’une incongruité effarante telles que les «alliances politiques contre natures» qui n’étonnent plus personne, et aussi de voir, par exemple, des voleurs criant au voleur, des menteurs criant au mensonge, des tortueux dé­non­çant la tortuosité, etc., etc.

Me Aïssata Tall Sall ne sait pas si bien dire lorsqu’elle affirme que la politique est devenue le champ des discrédits. Et de poursuivre, tout aussi inspirée, lors de sa conférence de presse du mercredi 2 mars 2016 : «Je pensais d’une belle et coura­geuse réconciliation entre le Peuple sénégalais et la classe politique. Nous avons encore raté ce train.» Hélas !… Mais pas seulement par la faute de l’actuel Président et de «son référendum», comme elle le laisse pen­ser ; le mal est plus profond, l’affaire est plus grave,… Certes, par ses discours, actes et autres prises de positions, l’occupant du Palais de l’Avenue Roume, peut faire reculer, ralentir ou accélérer, mieux que quiconque, la dégradation des mœurs politiques. Mais, toute la classe politique est responsable, et même au delà. Il est vrai qu’on ne fait pas de la politique avec de la morale, rétorquerons d’aucuns, mais on en fait pas sans, affirmait, avec raison, André Mal­raux. Car sans morale, sans é­thique, l’humanité retourne à l’animalité.

«Oui ou Non» ou bien «Oui et Non» ?

Et, lorsqu’un de mes amis me questionna : «oui ou non ?», comme cela est de coutume à la veille d’un référendum, saisi d’une méchante nausée, me prit alors l’envie de crier «Non, non et non», non pas en réponse aux questions adressées aux élec­teurs, mais plutôt à la chose politique et à toute la classe politique de mon pays… Non aux micmacs, non aux combines, non aux peaux de banane, non au «par­tisanisme» et au fanatisme politique, non au «mange-milisme», à l’inconséquence, aux débats de caniveau, à l’abrutissement du Peuple,… «Non, non et non». M’en laver les mains, à l’instar de Ponce Pilate face à la bêtise des pharisiens. Mais, dit le sage, tout «Non» implique un «Oui», comme tout «Oui» implique un «Non». Car qui dit «Non» à une chose, dit aussi «Oui» à son contraire et vice-versa. Alors, réfléchissons bien…

 

Abdou Khadre GAYE

Ecrivain, Président de l’Emad

emadassociation1@gmail.com

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