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La Circulation Routière : Un Résumé De L’indiscipline Sénégalaise

L’heure est grave ! Gravissime ! J’allais dire.  Le taux très élevé de la mortalité relative à la circulation routière dans notre pays, surtout durant ce mois d’avril de l’année 2016, doit inviter les Sénégalais à une introspection. C’est plus qu’une urgence que de tirer la sonnette d’alarme et de tenir un débat national sérieux, axé sur cette problématique, regroupant toutes les couches professionnelles liées de près ou de loin, à l’usage de la route, ainsi que les partenaires sociaux. Debout comme un seul homme, tous les Sénégalais, à travers leur représentation officielle, l’Etat, doivent faire face à cet épineux goulot d’étranglement ; sans complaisance, mais avec une rigueur arrimée à un suivi-évaluation d’aplomb, ventre mou de tout notre travail. D’où, l’application de sanctions, à chaque fois que de besoin.

L’indiscipline qui règne dans la circulation routière n’est rien d’autre que le résumé de celle de notre Peuple. Pouvons-nous réellement aspirer à l’émergence, sans nous départir de ce mal bien sénégalais, cette indiscipline notoire, que nous portons comme un viatique, dans tous les secteurs de la vie de notre Nation.

Osons le dire tout haut ! Nous ne sortirons jamais du ravin du sous-développement tant que nous ne cesserons de nous caresser dans le sens du poil. Notre goût prononcé de la ruse, du viol de la règle établie, de la propension à nous croire plus intelligents que tous, au point de devoir user, coûte que coûte, de raccourcis en vue de satisfaire nos besoins dans tous les segments de la vie nationale, constitue le levier de notre marche à reculons. Et last but not least, le «masla», cet eternel laisser-aller toujours ponctué du «grawoul», rengaine des médiocres, autre levain de notre retard.

Quel que soit le régime politique en place, si l’Etat, de la puissance de sa force publique, dont il est le seul détenteur, à lui conférée par notre Constitution, n’en use pas à bon escient, c’est-à-dire sanctionner -positivement ou négativement- les  citoyens véreux, qui s’obstinent à assouvir leurs besoins immoraux, parce qu’armés d’une certaine puissance d’ordre pécuniaire, relationnel, politique et j’en passe, ne l’applique pas, la régression sera toujours notre épithète, malgré sa volonté d’élaborer et de mettre en œuvre les plus ambitieux et nobles projets et programmes, fruits du labeur des plus grands cabinets d’études au monde, en dépit de la qualité de notre chère Administration.

Eradiquer ce mal équivaut à crever l’abcès et lui administrer la panacée appropriée. Cela, personne d’autre ne le fera à notre place. Il est récurrent d’entendre citer en  exemple, les pays de l’Asie du sud-Est quant à leurs prodigieux progrès industriels et économiques, qui les ont hissés à ce niveau de développement tant envié, dans le concert des nations émergentes. Souvenons-nous  qu’en 1960, au seuil de nos indépendances, ces pays, appelés aussi dragons, étaient sur le même pied que la plupart des pays africains. S’interroger sur l’écart maous de nos niveaux de développement, revient à poser la problématique du secret de leur décollage économique.

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Pas de mystère, encore moins de miracle ! La discipline, rien d’autre que la discipline, demeure le substrat de leur réussite. Très tôt, ces derniers ont compris que, dans un élan unitaire, dénué de toute forme de tricherie, la conjugaison de leurs efforts aidant, pour peu qu’ils s’arment de celle-ci, élément prépondérant de leur culture, ont fini de démontrer à la face du monde, que le mot «impossible» n’existe pas dans leur vocabulaire. Cela est une leçon qu’ils ont bien administrée au reste du monde, qu’ils ne  cessent d’ébahir, du reste.

Pour en revenir à la circulation routière, objet de notre débat. Peut-on  occulter de pointer du doigt la conduite des chauffeurs des bus de transport inter-régional, des «cars rapides», des taxis et cars «Ndiaga Ndiaye» ? Du n’importe quoi ! A analyser leur comportement, on a honte d’être Sénégalais. Pourquoi ne pas  se départir de ce «ma tey» légalisé qui constitue une maladie sournoise et pernicieuse, qui ne cesse de gangréner notre Nation, notre «commun vouloir de vie commune» ?

L’insolence, le manque d’éducation, le complexe d’infériorité, le manque de maturité, l’ignorance du b–a  ba de la citoyenneté, articulés  à un laxisme, dans la délivrance du permis de conduire, l’absence de la sanction, sont autant de facteurs bloquants, à l’origine du nombre astronomique d’accidents de la circulation , dans ce pays. 45 926 accidents entre 2002 et 2013 dont 2 400 morts entre 2012 et 2013. Jugez en vous-même ! C’est scandaleux !

Pourquoi ne pas revoir à la hausse l’âge d’obtention du permis de conduire chez les chauffeurs de cars de transport, dès lors que ceux–ci doivent avoir la maturité, à même de leur permettre de comprendre la responsabilité du transport de ces âmes qui pèsent sur leurs épaules, ces vies humaines si sacrées, tant chantées par le Bon Dieu ? Faudrait-il que l’Etat stigmatise systématiquement l’irresponsabilité de ces chauffeurs, en mettant en œuvre des paradigmes nouveaux, susceptibles de mettre un garrot pour stopper cette hémorragie.

Aussi, à voir les courses-poursuites auxquelles se livrent «cars rapides» et «cars Ndiaga Ndiaye» sur la route, conduits par de jeunes énergumènes, parfois, après avoir levé le coude ou, fumé l’herbe prohibée, prompts à insulter les passagers transportés, pour peu que ces derniers tentent de les rappeler à l’ordre, on se rend à l’évidence, que la vie de ces paisibles citoyens est dans l’antichambre de leurs cercueils. Disons-le, il est quasi impossible de faire le distinguo entre l’apprenti-chauffeur et son patron, qui n’hésitent pas à se relayer au volant, comme dans un jeu de yoyo. Encore un autre mal qui accélère  le flux de l’hémorragie !

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C’est ici le lieu de relater une scène inédite à laquelle j’ai eu l’opportunité d’assister au carrefour d’une rue de la place où le chauffeur d’un «car rapide» stationné aux abords, bloquant la circulation, laissant son apprenti battre le pavé, pour démarcher des passagers à transporter ; nonobstant les klaxons à tue-tête des autres usagers de la route. Ayant marre d’avoir pris son mal en patience, le conducteur d’un véhicule banalisé, premier dans la file de voitures voulant tourner dans le sens où le chauffeur indélicat s’était garé, bifurqua dans une vitesse supersonique, sitôt que le car de transport se soit déplacé, pour le contourner et lui barrer la route, tel un flic ayant alpagué un fugitif. Ce fut un haut fonctionnaire qui descendit de sa bagnole, furax, brandissant au chauffeur véreux une carte professionnelle sur laquelle est apposée la bande aux couleurs officielles nationales : – vert, or et rouge. Il l’exhorta à lui donner son permis de conduire, de faire descendre les voyageurs et de le suivre au commissariat de police le plus proche.

Le chauffeur indélicat, un verbiageur, se paya le toupet de jurer sur tous les saints de notre pays. Et tonna le fameux «Jéégelu» qu’ils se répètent, du premier janvier au trente-et-un décembre de l’année, à chaque fois qu’ils sont interpellés par la force publique, après avoir accompli leur forfait. La honte, cadette de leurs soucis, ne les ébranle point.

Idem pour ces laveurs de véhicule qui ne se font jamais prier pour faire un tour quand ce service leur est payé, au risque d’abréger des vies humaines, dans leur laborieux apprentissage de la conduite, le temps de la détention des clés de ces derniers. Que de dégâts constatés ! Forts de leur inculture, une fois, le fameux permis en poche, ils viennent grossir le rang de ces chauffeurs, anges de la mort, parce que non préparés et non éduqués.

Tel est aussi le cas de ces charretiers, prompts à se bagarrer, déambulant sur la route, au rythme d’un canard, importunant toute la circulation, avec de gros fardeaux, ou un amoncellement d’immondices, qui enfreignent les règles élémentaires du Code de la route et de la morale, qui par des injures à l’endroit d’automobilistes, qui par le déversement de tas de crottins sur la chaussée, et qui salissent et empestent l’environnement des paisibles citoyens.

Probable­ment, les nouveaux droits du citoyen compris dans le projet de révision constitutionnelle, le point 4 en l’occurrence, «La reconnaissance de nouveaux droits aux citoyens : droit à un environnement sain, sur leurs ressources naturelles et leur patrimoine foncier», soumis au référendum du vingt mars dernier, nous aideront à nous préserver de tels désagréments. Ceux-ci, au fil du temps, une fois, en possession de ce précieux document tant rêvé, intègrent, au forceps, cette famille de «cultivateurs de la mort», au grand dam des populations.

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Que dire des conducteurs de cars «Ndiaga Ndiaye», dont il est hallucinant de concevoir l’attribution de l’attestation de la visite technique à ces carcasses, ces jouets d’adultes insouciants, dont une pléiade d’entre eux, mal éduqués, complexés devant tout automobiliste cravaté, qu’ils traitent péjorativement de «fonctionnaire» – et dont les actes posés, traduisent une impolitesse d’une autre époque, reflétée par un vil comportement dans la circulation. Parfois la victimisation par ce complexe d’infériorité évoqué supra, les pousse à avoir des attitudes de gladiateurs d’un autre temps, au summum de leur art. Simples d’esprit ! C’est triste ! Combien de personnes conduisent-ils de vie à trépas, dans l’année ?

Quid des chauffeurs de taxis foulant aux pieds la règlementation, s’arrêtant, au gré de leur bon vouloir, à la première vue de la main levée d’un éventuel voyageur, faisant le pied de grue ; peu importent les gaucheries par eux causées aux autres automobilistes.

Diantre ! Peut-on faire des omelettes sans casser des œufs ? Dans un passé récent, le Président Wade, n’avait-il pas, voulant minimiser les risques d’accidents émanant des «cars rapides», décrété l’interdiction de se tenir debout sur les marchepieds, aux apprentis-chauffeurs quand les véhicules roulent, avant de se rétracter ?

A mon humble avis, il est urgent de mettre le holà et, partant, mettre au pas tous les chauffeurs, ce qui nécessite une application rigoureuse de la loi par les pouvoirs publics. Pour ce faire, un arsenal répressif qui criminaliserait certaines fautes y afférentes, émanant d’actes d’indiscipline, voté par l’Assemblée nationale, construirait la thérapie idoine, à même de soigner cette plaie béante, une des infamies dont notre pays doit, illico, être lavé, dès lors qu’on veuille aller de l’avant.

Dans cette dynamique, les agents de la force publique, qui ont un rôle prépondérant à jouer dans la mise en œuvre de ce redressement, doivent être davantage motivés dans leur travail, car demeurant les premiers maillons de la chaîne répressive, et par ricochet, être mis à l’abri de toutes formes de corruption. Or donc, l’Etat, dans le cadre de ses missions régaliennes, primordiales, d’éducateur, de justicier, et de garant de la sécurité publique, doit, de nouveau, plus que jamais, prendre ses responsabilités ; bien que les récentes mesures qu’il ait prises, en ce sens, soient salutaires ! Comme pour dire : «Qui aime bien châtie bien.» Vivement que soit combattu par tous, le «masla», ce cancer sénégalais ! Enfin, méditons l’exemple du Rwanda, dont le génie résulte de la discipline de son Peuple, de son civisme, de sa foi dans l’intérêt communautaire, de son ardeur au travail et de son respect obséquieux de l’Etat.

 

Mame Abdoulaye TOUNKARA

Ex-premier adjoint au Maire de la commune

d’arrondissement de Dieuppeul-Derklé.

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