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Signature Des Ape : Le Président Sall Signe L’arrêt De Mort De L’économie Sénégalaise

Accords de partenariat économique ou Accords de «prédominance» économique ? Pour moi, les Ape ne sont ni plus ni moins que la consécration de la domination de l’Union européenne sur des Etats faibles. Dans le monde du droit, d’aucuns le qualifieront «d’abus de faiblesse» ou «d’abus de pouvoir». En signant pour le compte de l’Etat du Sénégal les Accords de partenariat économique (Ape) qui lient l’Union européenne (Ue) et les pays Afrique, Caraïbes et Pacifique (Acp), le président de la République venait de signer l’arrêt de mort de notre économie nationale déjà très fragile.

Il faut rappeler que depuis 2000, l’Union européenne négocie avec les pays Acp cet accord qui devra remplacer les accords de Lomé et de Cotonou. La résistance du Sénégal depuis 16 ans était légitime. Parce que ces accords ont pour conséquence l’ouverture du marché sénégalais à de nombreux produits en provenance de l’Union européenne. Et la signature de cet accord est un désastre pour notre pays, même si le ministre de l’Economie et des Finances, Amadou Bâ, a tenté de nous rassurer. En effet, en signant ces accords, le président de la République a fait sauter la protection qui était accordée à nos braves et pauvres paysans qui seront désormais concurrencés sur le marché national par des multinationales européennes, consacrant ainsi la belle mort du secteur agricole national. Pendant ce temps, l’Union européenne continuera à subventionner en masse ses agriculteurs. Il faut sérieusement s’interroger si nos dirigeants réfléchissent ? Ou alors, s’ils défendent vraiment les intérêts du Sénégal ?

Aussi, les Accords de partenariat économique vont entraîner une perte de recettes douanières non négligeable pour le Sénégal. Sachant que ces recettes sont vitales pour nos Etats, vu leur importance dans le budget national, il faut s’attendre à des tensions budgétaires qui auront des impacts négatifs sur le plan des investissements sociaux. Par ailleurs, vu que cet accord met sur la même balance un paysan du Saloum et un autre d’Ile-de-France, il entraîne de facto la fin des avantages qui étaient accordées à certains produits pour accéder au marché européen.

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Ces accords sont plutôt des Accords de prédominance économique, puisqu’elles consacrent la suprématie et la domination de l’Union européenne sur nos Etats. Pour avoir eu la chance d’exercer des fonctions, notamment internationales dans le milieu des Organisations internationales non gouvernementales (Oing), je puis affirmer qu’aucune Ong ne soutient ces accords, si ce n’est que les groupes de pression du monde économique. Ceci juste pour dire que les pays Acp dont fait partie le Sénégal, ne manquent pas de soutiens au niveau international pour dire non à l’Union européenne sous la forme actuelle des Ape. Alors pourquoi avoir tant de soutiens et signer un accord qui appauvrit davantage son pays ? C’est là toute la question.

Risque de tension avec le Nigeria

Parce que le libre-échange suppose que l’on soit à peu près au même niveau de développement. Au cas où on n’est pas au même niveau de développement, que l’on reconnaisse au plus fragile la possibilité de protéger ses producteurs nationaux pour qu’ils puissent émerger et rivaliser le moment venu avec les mêmes armes que leurs vis-à-vis. Mais en signant l’accord, le Sénégal délaisse son agriculture, son secteur des services, son industrie embryonnaire et pire encore, son consommateur. Parce que nous n’avons pas les moyens humains et technologiques pour vérifier que ce que nous mangeons dans nos bols, sont des produits de qualité ou des produits pourris.

D’autre part, la pression de l’Union européenne dans ces négociations est inadmissible, car étant de nature à semer la discorde entre les Etats appartement à la même aire géographique, notamment au niveau de la Cedeao. En effet, en négociant des «accords intérimaires» directement avec certains pays, l’Ue va faire naître des tensions au sein des organisations régionales ou sous régionales. Pour ce qui de la Cedeao, il faut s’attendre à ce qu’il y ait une passe d’arme entre le Sénégal, président en exercice de la Cedeao, et le Nigeria qui a refusé de signer l’accord au motif très légitime de protéger son économie. Pourtant, le Nigeria est de loin plus développé que le Sénégal. S’il refuse de signer ces accords, c’est qu’ils ne sont pas de nature à favoriser son développement.

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L’Ue traîne le pas sur le Tafta et impose les Ape aux faibles

Par ailleurs, ces Accords de partenariat économique nous rappellent le traité de libre-échange transatlantique ou Transatlantic Free Trade agreement (Tafta) lancé en 2013 et qui vise à la création d’une zone de libre-échange entre l’Europe et les Etats Unis. Il faut dire que si cela ne dépendait que de l’administration Obama, l’accord allait être signé depuis longtemps. Mais l’Union européenne traîne le pas au prétexte de protéger les Européens contre les risques sanitaires relativement élevées d’un tel accord. En effet, la signature de cet accord aurait entraîné l’accès au marché européen des poulets lavés au chlore, des bœufs nourris aux hormones et des organismes génétiquement modifiés (Ogm).

Mais en vérité, l’Ue veut juste protéger ses agricultures et éleveurs. Parce qu’avec la puissance des multinationales américaines, la signature de l’accord provoquera l’envahissement du marché européen par des produits américains qui provoqueront le déclin du secteur agricole européen. C’est conscient de ces risques que l’Union européenne négocie fermement, malgré l’harmonisation de la réglementation prévue dans le Tafta, à préserver sa réglementation sanitaire qui interdit de tels produits.

Au regard de ce qui précède, les dirigeants africains doivent prendre conscience qu’ils ont été élus pour défendre les intérêts de leurs pays et non de groupes de pression. Ce qui se passe avec les Ape ne relève de rien d’autre que d’un manque de patriotisme. Certes, on ne peut pas vivre en vase clos, mais défendons le peu qui est produit chez nous. Parce qu’avec les Ape, l’Afrique ne tire rien en termes de bénéfice du fait que la réglementation et les normes européennes ne permettent pas aux produits africains, en dehors des matières premières, d’accéder à son marché.

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François MENDY

Master 2 Développement et Coopération internationale

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Ancien journaliste

francomendy@gmail.com

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