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Abdoul Mbaye: Ouf Ou Ouyayooye, La Pluie Hors Saison Arrive !

ATTACHEZ VOS CEINTURES

Les pluies hors-saison sont connues des sénégalais, qui leur donnent un nom wolof, le HEUG; en politique, dans un pays où les partis politiques foisonnent et se comptent en dizaines, il faudra trouver un nom pour qualifier l’arrivée de nouveaux, partis ou acteurs, tels les deux derniers en date: l’Alliance pour la citoyenneté et le travail (ACT) et Abdoul Mbaye! Entre espoirs et craintes, on peut déjà s’imaginer que les pluies politiques inattendues pourraient être qualifiées, un jour, de Ouf ou de Ouyayooye. Le nom dépendra de l’issue de l’aventure, selon qu’elle débouche sur le soulagement dont rêvent nombre de ses compatriotes ou se solde par une énième déroute du dernier des Zorros d’un pays qui en a vu d’autres dans le passé.

L’originalité de cette veille de saison des pluies, c’est donc que les paysans sénégalais ne sont pas les seuls à scruter anxieusement le ciel dans l’attente de le voir libérer de précieuses et fécondes ondées pour pouvoir aller à l’assaut de la terre et la travailler. D’autres sénégalais, eux, guettent l’éclaircie…politique. Entre les éclairs du ciel et l’éclaircie politique, bien malin qui peut lire les oracles. Mais dans la moiteur ambiante, plongés dans les incertitudes d’un climat changeant, on peut gager, que plus que la générosité des récoltes agricoles à venir, la plus grande préoccupation reste paradoxalement pour eux cet indéchiffrable ciel politique. Comment ne pas s’en soucier ? Lourd, il en ajoute à cette absence de vent frais qui aurait au moins pu leur donner l’envie de remettre le métier sur l’ouvrage pour tenter de décrypter les perspectives d’une nation sortie encore plus engourdie que jamais d’un référendum dont les résultats au soir du 20 mars dernier n’ont pas fini de l’enfoncer dans un flou artistique complet.

Pourquoi alors ne se jettent-ils pas massivement vers ce semblant de lumière, ce coup de tonnerre, qui a tout à coup secoué le ciel politique au point de donner l’impression de changer la donne de ce pré-hivernage désormais annonciateur aussi, en plus des pluies, d’une possible redistribution des cartes voire d’une réanimation du débat politique.

Aux ACT donc citoyens, a hurlé le néo-Zorro, ayant osé provoquer ce début de précipité politique venu du ciel, et dont l’entrée en scène abracadabrantesque a animé les discussions dans les chaumières et sur les routes du pèlerinage marial, ce long week-end.

Le voici donc sabre au clair, surgi d’où on l’attendait le moins pour s’opposer à un régime qu’il a servi sans murmures pendant plus de deux ans, au plus haut niveau, en estimant que désormais il faut passer à autre chose, dans une dynamique centrée sur les citoyens et le travail.

Le nouvel opposant du président du Sénégal n’est autre que son ancien Premier Premier Ministre. Ouf, disent, sans hésitations, ses affidés et même certains au delà de son cercle d’amis et de néo-sympathisants. Ils pensent que voilà enfin le gros nuage qui va s’abattre, sous une forme de pluie diluvienne, sur le régime en place, pour l’emporter, comme fétu de paille. On peut, à leur suite, mettre en relief les atouts-vertus de Mbaye. Technocrate pointu, diplômé des meilleures écoles, notamment Hec, où; il se plaît à le rappeler, il a côtoyé l’actuel Président François Hollande sur les mêmes bancs de classe, il dispose aussi d’un parcours enviable au plan professionnel. Qui peut se targuer d’avoir été aussi jeune que lui patron d’une des grandes banques du pays, qu’il a su transformer en modèle de banque sociale, au service de la construction des logements sociaux? Son action dans d’autres institutions financières encore plus puissantes qu’il a dirigées le placent au top des rares bons gestionnaires du Sénégal. On notera aussi que son incursion dans la haute administration, en sa qualité de Premier ministre, était une chance et une stratégie qui lui ont permis de se faire les dents dans ce qui compte beaucoup pour un homme qui veut diriger un pays: connaître les rouages d’un Etat dans son symbolisme le plus régalien, l’Administration.

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Quand on ajoute à tout cela ses réseaux d’amis, son clan, ses hommes d’affaires, les intérêts de sa famille, et ses relais tissés à l’intérieur du pays, il n’y avait plus dès lors qu’un pas à franchir entre ses mondes antérieurs et celui de la politique, qu’il vient définitivement d’embrasser, en se lançant, flamberge au vent, dans la bataille sur ce terrain si ardu.

Rien ne doit surprendre à la vérité dans cette mutation du fils du défunt Juge Kéba Mbaye, lequel lui a fourni un bonus paternel particulièrement avantageux.

Certes, son équation personnelle est à prendre en compte. Son propre talent intellectuel aussi. Surtout son goût pour la politique. Car quiconque le connaît d’assez près sait, à travers sa fréquentation des pouvoirs, de tous les pouvoirs, qu’il avait la politique à cœur, même s’il ne l’exposait pas à tout vent.

Sa décision de sauter le pas surprend d’autant moins qu’il le fait au moment opportun, en grand…opportuniste. C’est qu’il sent, comme d’autres, qu’un grand vide existe sur l’échiquier politique national et que le pays est dans l’attente, désespérément, d’une nouvelle offre politique pour le tirer de l’impasse dans laquelle il se trouve quatre ans après la survenue de sa deuxième alternance politique.

Il se pose en homme différent de la classe politique actuelle honnie et prise dans ses querelles politiciennes sans fin. Ses atouts se déclinent aussi à travers son ‘name-recognition’, qui ne le connaît pas?, sa fortune, ses amis qui se retrouvent partout dans la société, ou encore l’héritage et les liens de son père -ou ceux de son frère Tidiane, le Monsieur Télécoms- sans oublier aussi le fait qu’il entre en jeu en comptant sur la désaffection des sénégalais vis-a-vis d’une certaine façon de faire la politique.

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Peut-il être l’homme du Ouf, de ce soulagement salvateur, qui se trouve coincé dans les poitrines de millions de sénégalais prêts à suivre celui qui leur offrira autre chose que ce quotidien incertain, ce mirage de l’émergence? Là est la carte gagnante sans laquelle aucune entreprise politique ne peut prospérer dans le Sénégal actuel.

De Ouf à Ouyayoooye, du soulagement à l’appel à maman, en d’autres termes, il n’y a cependant qu’un pas. Et pour avoir été l’homme qui a osé qualifier, en fermant les yeux sur la véracité de ce qu’ils affirmaient, certains journalistes sénégalais d’être des journalistes Ouyayooye, Abdoul Mbaye peut-il échapper à son propre traitement? Celui qui ne voyait rien de négatif quand il était servilement au service du régime qu’il brocarde aujourd’hui ne mérite-t-il pas plus que tout autre de porter la marque: Candidat Ouyayooye?

Ses critiques peuvent commencer à le descendre en rappelant que sa référence subliminale à François Hollande et à leur cheminement universitaire commun tombent trop mal pour légitimer son projet. Car Hollande est aujourd’hui discrédité au point que nonobstant son passage à l’école nationale d’Administration et à Hec, il est perçu par ses compatriotes comme un homme incompétent. La même remarque peut être appliquée à Mbaye. Au gouvernement, il n’a pas, au delà des beaux discours, fait des étincelles, au point qu’il devint un gibier facile pour les franc-tireurs du parti au pouvoir, qui le descendirent aisément. Et puis cette propension à se revêtir du manteau d’un Obama ou d’un Hollande trahit une certaine légèreté. Qui n’a pas connu dans son parcours des gens aussi capés que ceux-là? N’ai-je pas partagé les bancs de Harvard, dans un prestigieux programme, avec un homme qui allait devenir le grand président de la Colombie, à savoir Alvaro Uribe?

Passons à des critiques encore plus substantiels du projet d’Abdoul Mbaye. Ses efforts pour faire accroire que pendant son passage au gouvernement les magouilles et autres dérives qu’il condamne aujourd’hui n’existaient pas relèvent de ce qui n’est pas loin de la malhonnêteté. En quelle période le contrat Petro-Tim, aliénant nos ressources en hydrocarbures a-t-il été signé? Quand est-ce que le contrat à plusieurs milliards pour réfectionner le building administratif a t-il été accordé dans l’obscurité totale? Comment a-t-il pu rester stoïque au moment de la traque des biens mal acquis sans demander que des questions soient aussi soulevées sur l’enrichissement à Multi-milliards de Macky Sall son ex-mentor? Le non-respect des engagements pris pendant les Assises nationales pour moderniser la démocratie sénégalaise, cela aussi s’est passé sous sa gouverne!

Trop facile donc sa démarche consistant à ne vouloir assumer que l’actif du bilan, pour laisser aux autres le passif. En financier, il sait que c’est une entorse aux règles.

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Point n’est besoin d’être exhaustif pour savoir qu’Abdoul Mbaye a pêché sur ce plan en diverses occasions. Comme il a été aussi approximatif dans ses postures politiques. N’est-il pas celui qui avait naguère signé un texte ès-qualité de militant du parti socialiste dans une autre vie? Or, le même Mbaye Abdoul, pris sous les dorures du Maquis, n’a pas craint quelques mois après sa nomination au poste de Premier ministre d’affirmer dans un journal: « Je crois que je vais finir par plonger ». Même après son limogeage peu diplomatique, et ses velléités vite étouffées de résistance, c’est encore lui, à la sortie d’une audience avec Macky Sall, qui annonçait qu’il ne se présenterait pas contre lui s’il cherchait un deuxième mandat.

Ces zig-zags politiques donnent le tournis. Sont-ils la vraie nature d’un homme plus cynique que son port vestimentaire lisse donne à voir? Sa vie sociale tend à confirmer cette face sombre du type bon-chic-bon-genre qu’il projette comme image dans les cercles raffinés du pays. Ses démêlés avec de nombreux hommes d’affaires, ses dossiers en justice, mais encore plus tristement les conditions de son divorce d’avec sa première épouse le rattraperont pour alourdir sa course vers la probité et l’intégrité morales.

On relèvera enfin que le nouveau Zorro n’hésite pas à oublier certains qui croyaient en lui, si bien qu’il n’est pas superflu de se demander, le concernant, si on peut être sauveteur tout en étant capable de poignarder pour tracer sa voie.

De quel Abdoul est-il donc le nom? Il n’est pas impossible que le Ouf légèrement déclenché par son entrée en politique finisse par un Ouyayooye quand les lampions de la politique dure, sans pitié, se braqueront sur cet homme dont j’ai fait la connaissance, il y a près de trente ans, grâce à son épouse à qui, par vérité historique je dois le dire, je venais de rendre un service. Acte qui l’avait fortement marquée au point qu’elle avait griffonné sur une feuille: « Quand vous passerez à Dakar, appelez mon mari, à la Banque, il s’appelle Monsieur Mbaye! ».

Beaucoup d’eau a, depuis, coulé sous les ponts, avec une dernière livrée qui n’est autre que ce heug, cette pluie hors saison qui pourrait porter désormais son nom.

 

Adama Gaye

Adama GAYE

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