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Ce N’était Donc Que ça, Cette Alternance Du 25 Mars 2012 !

 Le 19 mars 2000, les Sénégalaises et les Sénégalais ouvraient une nouvelle page dans l’histoire politique de leur pays. Ce jour-là, ils mettaient fin à quarante ans de pouvoir socialiste et portaient leur choix sur Me Abdoulaye Wade qui se présentait pour la quatrième fois à l’élection présidentielle. L’hom­me, âgé alors de 74 ans, bouclait 26 ans d’opposition. Son élection avait suscité un énorme espoir, celui d’une meilleure gouvernance que celle des Socialistes. On connaît la suite : douze longues années d’une gouvernance meurtrie, jalonnée de scandales gravissimes, dont le moins grave vaudrait à son auteur de sérieux ennuis judiciaires, si le Sénégal était une grande démocratie, avec une justice indépendante. Tirant les leçons de leur longue déception, les électeurs sénégalais brisent son rêve d’un troisième mandat et accordent leur confiance au candidat Macky Sall le 25 mars 2012.

Comme son prédécesseur, le candidat Sall avait beaucoup promis. Comme en mars 2000, les Sénégalais nourrissaient l’espoir d’un changement qualitatif de gouvernance. Nombre d’entre eux fondaient leur espoir sur l’âge du nouveau Président, né après les indépendances, disait-on. Lui aussi ne mit pas beaucoup de temps à anéantir leur rêve de changement, de rupture profonde. Au lieu de mettre en œuvre la gouvernance qu’il avait promise, il marche pas à pas sur les traces laissées par son prédécesseur, tournant ainsi le dos à tous ses engagements qu’il n’est pas besoin de rappeler ici. On connaît la réponse timide qu’il a apportée à nos attentes d’une réforme profonde des institutions. Après le référendum du 20 mars 2016, il reste le président Ninki Nanka, le buur, le bummi qui règne sur tous les autres pouvoirs. Il nous impose de plus en plus une gestion à mille lieues de celle qu’il nous avait promise. En particulier, avec la préoccupation qu’il affiche d’accélérer la cadence, le gré à gré devient de plus en plus la règle et l’appel d’offres l’exception. Nos yeux écarquillent au quotidien devant des marchés de plusieurs dizaines, voire de plusieurs centaines de milliards de francs Cfa qui nous tombent pratiquement du ciel et sur qui nous n’avons, naturellement, aucune information. Par exemple, nous n’avons aucune idée du nombre de milliards que l’Aibd a engloutis jusqu’ici. Voilà qu’on nous annonce que  les travaux de finition vont coûter 62 milliards de francs Cfa. Le coût d’un autre projet nous anéantit, celui de ce fameux Train express régional (Ter) qui va relier l’Aibd à Dakar (54 km), pour un coût de 471 milliards de francs Cfa.

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On note aussi avec amertume que son parti n’a pas tardé à prendre largement le pas sur la patrie et, comme son prédécesseur, il installe le pays dans la politique politicienne, folklorique, clientéliste et, partant, électoraliste. Il bénit sans état d’âme la détestable transhumance et garantit l’impunité aux membres de son clan qui, sachant bien qu’il met le coude sur les dossiers, ne se font pas prier pour s’en donner à cœur joie à leur jeu favori de pillage de nos maigres deniers publics. S’il pose la plus petite pierre ou inaugure la plus petite infrastructure, il déplace la Répu­blique et toutes les populations des localités concernées. Ces déplacements politiciens et folkloriques largement couverts par sa télévision de service donnent lieu à des dépenses folles, comme c’était le cas au Coud, quand il inaugurait un pavillon pour logement d’étudiants. Le directeur général de cette structure déclare, de façon tonitruante, qu’il va porter plainte contre la présidente de l’Ofnac, dont il s’était permis de renvoyer une mission d’enquête. Il refusera aussi de déférer à une convocation de la Présidente et menacera de ses foudres de guerre ses collaborateurs qui déféreraient à la même convocation. Il est vraiment sûr de lui, comme l’était un ministre sorti d’on ne sait où, qui avait poussé le bouchon jusqu’à renvoyer purement et simplement des magistrats de la Cour des comptes, sans que le plus petit doigt ne soit levé sur lui.

Le Président Sall a convoqué un dialogue dit inclusif le 28 mai 2016. Ce fameux dialogue alimente depuis lors l’actualité et donne lieu à maintes interprétations. Pour de nombreux observateurs notamment, il n’est que prétexte pour des retrouvailles entre familles libérales et, en particulier, pour une réconciliation entre le «père» et le «fils». Cette réconciliation pourrait déboucher, débouchera sûrement sur la libération de l’autre fils, le vrai celui-là, si on tient compte de la déclaration du président de la République à Rfi. Le débat étant normalement posé, a-t-il déclaré sans ambages, cette libération est du domaine du possible, elle est même possible avant la fin de l’année. Donc, il n’y a pratiquement plus de doute à cela, après ses trois complices, Karim Wade sortira de prison. Tout le monde s’y attendait d’ailleurs, si on considère les développements de l’actualité ces temps derniers, et les déclarations faites ça et là qui devraient mettre d’ores et déjà les Sénégalaises et les Sénégalais devant leurs responsabilités citoyennes. Nos gouvernants, les actuels comme les anciens, viennent de leur administrer la preuve qu’ils n’ont aucun respect pour eux. Est-ce pour ce dialogue qui vient de se tenir qu’ils avaient élu Macky Sall ? Est-ce pour des retrouvailles libérales ? Pour une réconciliation entre le «père» et le «fils» ? Pour un enterrement de première classe de la traque des biens dits mal acquis qui était une forte demande sociale, loin devant la réduction des prix des denrées de première nécessité ?

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Ces jours derniers, on s’est vraiment moqué de nous, on a agité au quotidien des questions qui n’ont vraiment rien de commun avec celles pour lesquelles le candidat Macky Sall a été confortablement élu le 25 mars 2012. Ainsi, la presse a consacré l’essentiel de ses titres aux possibles retrouvailles des Libéraux, à l’appel du Président Macky Sall à son «père» pour le féliciter à l’occasion de la célébration de ses 90 ans, à celui de Abdou Diouf au Président Sall pour le féliciter d’avoir organisé le dialogue du 28 mai. Des Sénégalais ont même souhaité, imaginé à travers des médias, un scénario qui réunirait Macky Sall et ses deux prédécesseurs, que nous verrions se donner la main et l’accolade. On se moque vraiment de nous. Que gagnerait le pays dans ce cinéma ? Que gagne-t-il dans l’appel d’un Macky Sall  à un Me Wade qui l’a couvert d’injures grossières il y a quelques mois ? Que gagne-t-il dans le brusque intérêt que le Président Abdou Diouf manifeste pour le Sénégal à travers son actuel Président ? Après le 19 mars 2000, le Président Diouf nous a carrément tourné le dos pendant douze longues années de nauséabonde gouvernance Wade, choisissant de se réfugier dans un silence assourdissant. Voilà qu’il revient, comme un diable sorti de sa boîte, pour nous vendre la gouvernance de Macky Sall ! Basta !  Les Présidents Wade et Diouf ont fait leur temps. Ce n’est pas à eux que nous avons à faire. C’est leur successeur qui tient les rênes du pays et de qui nous attendons les solutions à nos problèmes. Malheureusement, il a emprunté un autre cheval, un cheval boiteux, le cheval de la confusion. Nous avons mis entre ses mains tous les instruments pour gouverner le pays conformément à sa vision. Au lieu de nous mettre au travail, il nous divertit dans un dialogue qui n’est que prétexte. Il va retrouver probablement ses frères libéraux et conforter sa gouvernance décevante. Il va probablement libérer Karim Wade et trahir de nouveau ses engagements.

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En tout cas, s’il libère Karim Wade, il devra, poursuivant sa logique et sa cohérence, abroger les lois portant création de la Créi, de l’Ige, de la Cour des comptes, de l’Ofnac, etc. L’existence de ces structures de contrôle n’aurait plus aucun sens. Leurs rapports finiraient dans tous les cas sous son coude. Karim Wade gracié ou bénéficiant d’une liberté conditionnelle, Me Ousmane Ngom s’étant tiré miraculeusement d’affaires, il n’y a aucune chance que Oumar Sarr, Samuel Sarr, Me Madické Niang et les autres soient inquiétés. Tahibou Ndiaye n’ira plus jamais en prison et les affaires pendantes (Bara Sady, Aïda Ndiongue, Ndongo Diao, etc.) seront purement et simplement abandonnées. Il ne restera plus alors qu’à s’acharner sur les pauvres menus fretins.

Voilà où nous en serons, plus de quatre ans après, avec la gouvernance transparente, sobre et vertueuse que nous promettait Macky Sall. Voilà où nous en serons avec le fameux slogan «La patrie avant le parti ». Macky Sall retrouvera les siens et, ensemble, ils illustreront l’expression wolof «la woon, fa woon, na woon, ña woon». Et le pauvre Peuple des Assises continuera de vivre son martyre, à moins de se rebiffer et de se dresser fermement contre cette famille dont la reconstitution qui se fait sous nos yeux n’augure rien de bon pour l’intérêt supérieur de la Nation, si on sait à quel point elle est friande de milliards.

 

Mody NIANG

Mody NIANG

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