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Le Cancer Du Vol De Bétail

Le vol de bétail devient de jour en jour un des fléaux les plus pernicieux de notre pays, voire de la sous-région. De Saamine au Sénégal à Touba au Nord de la Côte d’Ivoire, en passant par la Guinée et le Mali, ce mal prospère au grand dam des pauvres populations paysannes.

Peut- on imaginer seulement le mal-être et le mal-vivre de ces populations, qui ne savent plus à quel saint se vouer, tellement le mal perdure et s’éternise.

Les conséquences qu’engendre le vol de bétail sont non seulement imprévisibles au plan sécuritaire, mais inacceptables au plan économique ; car toute activité criminelle a un effet multiplicateur qui fait qu’elle se nourrit de son propre élan en se donnant comme exemple de raccourci pour un enrichissement à pas accéléré.

La voie royale pour accroître sensiblement le revenu en monde rural, passe inévitablement par l’élevage ; car à la différence de l’agriculture, la productivité y est très élevée et les risques d’avarie beaucoup moindres.

Ne pas être dans les conditions propres à la pratiquer convenablement ouvre la voie à l’exode rural pour ces masses paysannes, qui risqueront en ville l’altération de leur culture et la perte de leurs valeurs morales et éthiques, face à l’inadéquation de leurs moyens avec les exigences de vie de leur nouveau milieu.

Eradiquer le vol de bétail est une belle opportunité pour faire baisser le chômage, assurer le retour des populations dans le monde rural, et même d’attirer vers ce milieu une nouvelle frange de la population urbaine, tels les retraités et certains hommes d’affaires du milieu agroalimentaire, etc.

La disparition de ce fléau, alliée à une bonne réorganisation des circuits économiques, pourrait sans nul doute avoir un effet éminemment bénéfique sur le taux de croissance de l’économie, la baisse du taux de chômage et même sur la balance commerciale.

Au Burkina Faso, la population s’est appuyée sur des milices d’autodéfense pour trouver son propre remède au mal du vol de bétail. Milices sur lesquelles, l’Etat n’aura certainement que peu de prise. Et bonjour les dérives ! Songer qu’au Nigeria dans les années 90, la révolte des populations Ogoni, frustrées par les effets de la pollution de l’industrie pétrolière sur leur environnement, a tout simplement fait des émules à travers Boko haram, qui pourtant a une tout autre orientation.

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Je me permets ici d’interpeller les autorités pour dire que faute de résultat probant dans cette lutte contre les voleurs de bétail, on aura peut-être préparé le terrain à une future organisation mafieuse comme on en trouve au Mexique et dans certains pays d’Amérique du Sud. Le moindre mal serait que le monde rural en arrive à assurer sa propre justice ; mais en attendant il est en train de s’effondrer chaque jour davantage.

Mais pourquoi n’arrive-t-on pas jusqu’à présent à en finir avec ce mal que la sous-région connaît depuis trois décennies ? Pourrait-on au moins le réduire à sa plus simple expression ? A quel niveau se situent les dysfonctionnements ?

Pressez le pas chers décideurs, pour enrayer cette gangrène, car les Etats qui se lèvent tard au plan sécuritaire trouvent toujours en face d’eux des monstres politico-militaro-mafieux, capables de mettre en jeu leur existence et leur unité nationale. Au Nigeria, le vol de bétail a monté d’un cran et a conduit au kidnapping des éleveurs.

Le monde rural pleure et n’a personne pour le consoler. Pendant ce temps, les malfaiteurs s’organisent et échafaudent des hiérarchies dans chaque circonscription, au point d’avoir des notables chargés des affaires administratives et d’autres qui s’occupent d’interpeller les victimes pour leur proposer des arrangements, afin de retrouver le bétail volé. Il y’a sûrement des complicités quelque part. En tout cas, plusieurs paysans victimes de vol s’étant plaints auprès de certains services de sécurité (pas tous) contre des démarcheurs leur proposant de retrouver le bétail après paiement d’une rançon, n’ont pas eu gain de cause et n’ont pas non plus reçu les informations nécessaires pour la conduite à tenir. On leur répète invariablement qu’une telle proposition n’est guère la preuve d’une complicité. Certains ont payé et reçu leur bétail sans jamais être s’interrogés sur les procédés utilisés pour retrouver ledit bétail.

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Si ce n’est pas de la complicité, c’est du moins une escroquerie, ce qui est bien prévu par le Code pé­nal. Le témoignage poignant sur­ YouTube de Couly Diouf, éleveur résident à Ndiaganiao dans le dé­partement de Mbour, nous donne une idée de l’ampleur du mal.

Une telle attitude de la part de certains services de sécurité, car tout le monde n’est pas logé à la même enseigne, constitue un encouragement au crime.

A Ziniaré au Burkina Faso, les Mossi ont réclamé et obtenu le départ de populations voisines accusées d’être les auteurs de vols, après qu’un de ces derniers, pris en flagrant délit et arrêté, a été libéré par la gendarmerie sans aucune forme de procès.

En tant que citoyen, natif du monde rural, ayant sa place dans le débat national, je voudrais ici proposer à l’intention de la Cellule de prévention et de lutte contre le vol du bétail du Sénégal, une ébauche de solution qu’il lui appartiendra, mais aussi à chacun et surtout aux décideurs, d’affiner. Toute saugrenue qu’elle pourra paraître, cette solution me semble à plusieurs points de vue raisonnable.

Elle se décompose en cinq points majeurs. Et je me tiens à la disposition de tous pour en préciser davantage les détails.

  • Créer une unité militaire ou mixte spécialement chargée de traquer les voleurs de bétail et même d’anticiper leurs actions par un fichage et un suivi discret des principaux voleurs connus et de leurs receleurs.
  • Trouver les ressources nécessaires et suffisantes tant au plan financier qu’humain (hélicoptère, véhicules, armes, indemnités et récompenses, personnel…) en créant, entre autres mesures, une taxe raisonnable sur la vente de bétail.
  • Mettre en place une procédure obligatoire en cas de vente ou d’achat de bétail, dont l’application sera suivie rigoureusement par des structures à déterminer.
  • Mettre en place un ou plusieurs numéros verts
  • Créer un prix ou des avantages pour les services de sécurité, avantages à distribuer périodiquement à l’instar des parts reçues sur les amendes infligées par certain corps (Eaux et Forêts, Douanes, et autres services fiscaux.)

Trouver une solution à ce mal du vol de bétail est véritablement une gageure pour les Etats de la sous-région.

Qu’on le sache ; le véritable génie n’est pas seulement de bâtir, mais de savoir répondre de manière opportune à l’appel et au besoin des populations.

Le véritable génie sera d’assurer aux populations une existence tranquille, dans un pays où il fait bon vivre.

Le véritable génie sera d’assurer à la nation le plein emploi, tout en préservant un environnement sain et accueillant. Ceci sera peut-être bientôt possible au Sénégal ; question de stratégie.

Le véritable génie sera de dispenser à la jeunesse un enseignement de qualité tout à fait conforme aux standards internationaux.

Le véritable génie sera de rendre la santé accessible à tous, dans des plateaux techniques assez élevés.

Le véritable génie sera de créer les conditions propres à permettre à tous de disposer d’une demeure, dans des conditions moyennes de salubrité et de confort.

Le véritable génie sera de toujours accroître le revenu des Sénégalais sans jamais mettre en cause les équilibres économiques et budgétaires qui garantissent la qualité des services de tout Etat. Que Dieu nous épargne du sort de la Grèce !

Le génie sera bien de savoir agir à temps, pour juguler tous les périls qui pourront menacer notre «commun vouloir de vie commune».

Souhaitons sincérement que notre pays y parvienne.

 

Ousmane SARR

ousth@yahoo.fr

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