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La Bande Des Filaos Et La Gestion Des Eaux Hivernales Et Domestiques à La Cité Shs Et Environs

Il est vrai que la création des cités de la corniche de Guédiawaye n’avait obéi à l’époque de leurs implantations successives, sur le plan administratif et pour les autorités étatiques et politiques, qu’à la volonté affichée de fournir l’appui indispensable à toute initiative visant la mise à disposition rapide de toits à des milliers de familles nécessiteuses, en réponse à la crise aiguë du logement sévissant à Dakar. Concernant les établissements financiers et les sociétés immobilières promotrices, certes l’occasion a été bien saisie de tirer profit de la présente opportunité économique, mais leur mérite le plus reconnu aura été d’avoir donné à des travailleurs de toutes professions et aux ressources économiques et financières de différents niveaux la chance de pouvoir accéder à la propriété privée. Cependant, aujourd’hui, cette volonté de l’Etat et les objectifs des établissements financiers et des sociétés immobilières promotrices risquent d’être engloutis par la gravité des problèmes environnementaux apparus, en rapport avec le choix du site d’implantation.

Des études d’impact environnemental menées à l’époque auraient sans doute permis d’identifier les problèmes actuels et recommandé la mise à disposition d’outils de prévention à même d’assurer la sécurisation des cités, comme mesures d’accompagnement et d’atténuation des risques encourus. Du reste, le mal étant déjà fait, il ne s’agit plus que de rechercher maintenant des voies et solutions de rattrapage.

L’hivernage, une hantise permanente pour les habitants de cette cité

Il y a plus de trente ans, la partie côtière de Guédiawaye était occupée essentiellement par des dunes et une forêt de filaos, décor reproduit sur toute la grande côte, entre Dakar et Saint Louis. La spécificité de cette côte, notamment dans sa partie cap verdienne, est l’arrivée continue et l’accumulation de sables de haute mer, drainés par les courants marins. Contrairement à d’autres zones de la côte sénégalaise où la mer exerce une action érosive importante, on observe donc ici un effet d’accumulation de sables marins. Ces sables marins vont se déplacer vers l’intérieur des terres sous la poussée des vents dominants, en formant des dunes. C’est pour arrêter leur progression durant laquelle des espaces de culture, les Niayes et autres Ndioukis, et des infrastructures routières et d’habitations sont menacées d’ensevelissement, que les périmètres de filaos ont été implantés. Mais l’on sait que la mer est l’exutoire naturel où convergent les eaux de surface en mouvement, les cours d’eaux et toutes les autres voies de ruissellement des eaux de pluies. Une bonne partie des eaux reçues du ciel au niveau de Guédiawaye se dirige vers la mer et plus particulièrement vers le niveau le plus bas de la côte, tandis que l’autre partie se perd par infiltration peu de temps après le contact avec les sols sablonneux de la ville. Ceci explique pourquoi les inondations étaient inconnues dans certains quartiers situés tout au long du littoral jusqu’à une période récente.

Cependant, cette harmonie sera rompue par l’implantation des cités en bordure de la bande de filaos, constituant, du coup, un barrage sur les voies naturelles des eaux de pluies qui, se frayant sur des chemins de plus en plus étroits, causent des ravinements sur leurs passages, avant de parvenir aux dunes où elles disparaissaient jadis. Situation vécue jusqu’aux années 2000, avant que le massif forestier lui-même ne soit repéré et ciblé par des promoteurs immobiliers, attirant ainsi des spéculateurs fonciers, sevrés des terres du domaine national urbain dans le Cap Vert devenu Cap Bêton. L’implantation la plus hardie qui restera toujours gravée dans la mémoire des habitants des cités Hamo3, Enseignants et Shs, est celle de ce promoteur à qui l’ancien régime avait permis d’aménager, à partir de 2004, une bonne partie de l’espace les séparant de la nouvelle route de dégagement de la corniche. Cette implantation faite sur l’emplacement des dunes et des filaos s’oppose à la pénétration des eaux de pluies qui sont désormais redirigées vers le point le plus bas situé en face de la cité Shs. Sous la pression des habitants, dont certains avaient abandonné leurs villas, un système d’évacuation de ces eaux vers la mer sera installé plus tard, mais son efficacité n’est pas encore prouvée, car les eaux continuent d’affluer vers la Shs à chaque pluie, submergeant la station d’épuration, la bande attenante de protection de la forêt et toutes les maisons environnantes.

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Cependant, les eaux de pluies venant des cités des Enseignants et de Hamo3 ne constituent qu’une partie des eaux stagnantes au niveau de la cité Shs, car il existe des arrivages notoires provenant du quartier de Darou Salam, première destination des eaux de Sam et environs. Darou Salam est séparé de la cité Shs par une route récemment reconstruite et qui devrait aider à l’acheminement des eaux vers les ouvrages situés plus loin, après le carrefour de la cité Hamo3 et de l’Hôpital Dalal Jam, vers la mer. Darou Salam est submergé chaque fois que des pluies diluviennes surviennent et les jeunes de ce quartier avaient fini par ouvrir une brêche sur la route pour faire passer les eaux en direction de la cité. Traversée de toutes parts par des voies d’eaux, la cité voit ses ruelles ravinées et son réseau d’évacuation des eaux usées rempli, hors de ses capacités. Aujourd’hui, quelle que soit la hauteur de pluies reçues à Guédiawaye, les volumes d’eau affluant vers la cité sont toujours importants, parce qu’il y a de moins en moins d’espaces de terres sablonneuses pouvant en absorber dans l’immédiat ou durant leur ruissellement vers la mer.

Les conséquences de ces inondations sont d’une extrême gravité pour tous les habitants des cités Shs et des Enseignants : abandon de maisons acquises au prix de sacrifices énormes, recrudescence de maladies tel le paludisme, avec la présence permanente des moustiques, conflits pouvant naître entre propriétaires dans les deux cités ou avec ceux des autres quartiers. Or, nous venons de démontrer toute l’importance jouée précédemment par le massif forestier et ses dunes de sable dans la lutte contre les inondations et les méfaits engendrés par les changements opérés dans ses fonctions.

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Malgré le statut de forêt classée, la bande de filaos est aujourd’hui sous l’emprise et la convoitise d’une urbanisation frénétique. Loin pour nous, les habitants des cités actuelles, de manifester un certain égoïsme parce que déjà servis, mais il s’agit de notre survie dans cet environnement et de la protection de nos habitations à nous. Il revient à l’Etat de gérer ce bien commun à nous tous Sénégalais, les terres du domaine national, mais il lui revient également le rôle de veiller à sa répartition équitable et légale entre tous les fils de la Nation. Enfin, l’Etat a aussi la responsabilité de la protection de tous les Sénégalais et de leurs biens, et dans ce cas d’espèce, son attention est attirée sur les conséquences fâcheuses pouvant découler des aménagements prévus sur ce qui reste de la bande de filaos. Des mesures d’accompagnement doivent être envisagées sérieusement pour éviter ce chaos porteur de comportements imprévisibles et que nous tous redoutons tant.

La gestion des eaux usées, des solutions dans l’urgence

La Shs, à sa création, était destinée à être un quartier favorisé dans la prise en charge de la gestion des eaux usées. En effet, elle était la seule des cités de toute cette zone du littoral à disposer d’une propre station d’épuration des eaux des ménages, réalisée par le promoteur dans le cadre des engagements pris dans le cahier des charges. Malheureusement aujourd’hui, les habitants de cette cité et même celle contiguë des enseignants, vivent une situation où cette faveur est en train de se muer en calvaire et sa simple évocation suscite des sentiments de dégoût, de désespoir mais surtout de regret d’avoir peut-être été abusés.

La station a été implantée à une distance non règlementaire par rapport aux habitations, à une dizaine de mètres des villas limitrophes. Or, même les techniciens de l’Onas sont d’avis que la distance acceptée est au minimum de 0,5 à 1 kilomètre. Raison pour laquelle d’ailleurs, la Sonees qui gérait alors les installations d’assainissement n’avait jamais voulu réceptionner cette infrastructure. De même, il semble qu’à l’époque, la décision politique l’avait emporté sur les réserves émises par les techniciens sur l’opportunité du choix du même site pour l’édification de la nouvelle station, en 2007-2008, en remplacement de l’ancienne. Le pire est que présentement, la station va se retrouver entièrement à l’intérieur des habitations, aucun espace de terre de son entourage immédiat n’étant épargné des convoitises foncières. A cette regrettable situation de l’emplacement, est venu s’ajouter un fonctionnement irrégulier : l’infrastructure de première génération n’avait pas longtemps survécu, et sa panne dura des années et l’actuelle n’a pas non plus eu un meilleur sort parce son fonctionnement correct a vécu le temps d’une rose et est toujours sujet à des arrêts incessants, malgré les interventions incessantes des techniciens de l’Onas. Les conséquences de tout cela ont d’abord été la formation d’une mare d’eaux usées à proximité des villas, constituant un lieu d’hébergement et de reproduction des moustiques dont l’ampleur de la visite nocturne dans les habitations n’a de pareille nulle part ailleurs. Mais il y a aussi ces odeurs insupportables émanant des eaux stagnantes et des bassins à ciel ouvert du dispositif d’épuration de la station et se répandant sur tout le voisinage. Combinée aux attaques de moustiques, cette pollution de l’air contribue à la dégradation de la santé des habitants et à créer un climat de mal-vivre dans une zone qui a toutes les faveurs d’un cadre de vie idéal.

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Une nouvelle fois, le choix a aussi été porté sur ce site de la station d’épuration pour abriter une nouvelle station de pompage des eaux usées des quartiers et cités environnants, donnant plus d’ampleur au dispositif général de gestion des eaux usées de l’Onas à cet endroit le plus bas de cette zone. D’ailleurs, par le raccordement des installations de la station d’épuration de la cité Shs à celles de la station de pompage, la trouvaille a été le renvoi direct de ses eaux finalement non traitées à la station de Cambérène. C’est une solution très louable, pouvant justifier d’ailleurs l’élimination de la station d’épuration devenant désormais inutile et encombrante. Cependant, au regard de l’importance du rôle attribué à ce site et de l’extension prévisible des réseaux de connexion, les capacités et la gestion des infrastructures méritent un relèvement de leur niveau. Il faut passer désormais du stade d’équipements de bas gamme voire de seconde main à la mise en place d’une grande station de pompage avec tout le nécessaire en équipements de pompes et de moyens de dépannage adéquats, sans oublier le réseau de conduite vers la station de Cambérène. Au regard des enjeux mis en cause, toute option sur la gestion du site de la station excluant la concertation avec les populations des cités riveraines ou des autres quartiers bénéficiaires des services, ne pourrait que contribuer à la création d’un environnement social porteur de germes conflictuels.

Dans cette situation de précarité et grosse de détresse vers laquelle l’on s’achemine au niveau de cette partie de la ville de Guédiawaye, il est du devoir de ceux qui nous gouvernent et de ceux supposés défendre nos intérêts de tous les jours, de prendre à bras le corps les problèmes vitaux ainsi soulevés. La première mesure qui prévaut est de réaliser une étude d’impact environnemental dans les meilleurs délais. Cette étude revêt une importance capitale, en raison de l’aménagement urbain prévu de ce qui reste encore de la défunte bande forestière tant convoitée, d’une part, et d’autre part, de la situation qui prévaut sur le site de la station de la cité Shs qui sera de plus en plus sollicité pour accueillir désormais davantage d’eaux usées et de ruissellement de toute la zone.

 

Ibrahima SOW

Cité Shs – ibrahimajibril@gmail.com

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