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Le Programme D’urgence De Modernisation Des Axes Et Territoires Frontaliers : Une Initiative Pertinente !

Depuis plus de trois décennies, les autorités gouvernementales du Sénégal ont toujours rappelé la nécessité « de mettre très rapidement en place une politique active, volontariste et intégrée d’aménagement du territoire qui permette le libre épanouissement de la personnalité de chaque Sénégalaise, de chaque Sénégalais au sein de son terroir et sa communauté de base » (Source : Document de vulgarisation du Pnat).

Les arguments qui militent en faveur de cette initiative engagée, volontariste de développer le Sénégal, en s’appuyant sur la mise en œuvre des options d’aménagement retenues dans le Plan national d’aménagement du territoire (Pnat), résident dans son importance stratégique pour une bonne articulation de nos politiques de développement économique, social et environnemental, en rapport avec la vision des autorités.

L’expression d’une ambition réelle de promouvoir un développement harmonieux et équilibré du Sénégal est véritablement perceptible. Hélas, cette volonté politique, énoncée il y a déjà plus de trente années, ne s’est pas traduite en actions concrètes. Les facteurs qui ont engendré cette inertie découlent, entre autres, de l’instabilité institutionnelle de la structure en charge de l’aménagement du territoire, des interventions anarchiques, non concertées et isolées, d’acteurs pluriels qui agissent en vase clos, tout en s’ignorant mutuellement, et en faisant fi des recommandations du conseil interministériel sur l’aménagement du territoire tenu le 23 janvier 1997 à Dakar.

Par ailleurs, la première alternance politique, survenue en 2000, a généré de nouvelles catégories d’acteurs de l’aménagement du territoire en marge des intervenants classiques connus jusque-là. Un accent particulier est, dès lors, mis sur la promotion et l’expansion de l’investissement direct pour aménager le pays, grâce à une politique plus attractive des investisseurs privés internationaux.

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Les ressources financières substantielles acquises par ces nouveaux aménageurs, combinés aux procédures dérogatoires et allégées en matière d’acquisitions de biens et services dont ils bénéficiaient, ont permis d’engranger des résultats probants en matière de réalisation d’infrastructures et d’équipements structurants dans des délais réduits. Cependant, la plupart de ces infrastructures et équipements sont concentrées à Dakar, au niveau du tiers ouest du pays et en zone urbaine.

Les objectifs territoriaux, arrêtés, de façon consensuelle, par toutes les parties prenantes lors de l’adoption du Pnat, se trouvent ainsi bousculés, renforçant du coup le déséquilibre entre Dakar et le reste du Sénégal, la frange côtière et la partie orientale du pays, les zones rurales et urbaines.

Face à une telle situation, l’aménagement du territoire devrait désormais viser en priorité l’instauration d’un nouvel ordre territorial à travers le développement de cadres territoriaux pertinents, compétitifs, attractifs et durables (bassins d’emplois et de vie), ainsi que le renforcement du maillage urbain, tout en poursuivant le soutien aux zones rurales difficiles.

C’est certainement la raison pour laquelle, dès son accession à la magistrature suprême, le président de la République a engagé le pays dans la mise en œuvre de « l’Acte 3 de la décentralisation », une réforme qui plonge ses racines dans une véritable politique d’aménagement du territoire.

Aujourd’hui, en initiant un Programme d’urgence de modernisation des axes et territoires frontaliers (Puma), le chef de l’Etat pose un acte supplémentaire d’aménagement du territoire, pour la promotion de la compétitivité et la solidarité territoriale.

Par ailleurs, la mise en œuvre de ce programme participera à coup sûr au développement de la solidarité au sein des espaces communautaires et au renforcement de la cohésion sociale tel que retenu par les Etats membres de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa).

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L’option retenue de réaliser ce programme dans une logique mutualiste, en synergie avec le Programme d’urgence de développement communautaire (Pudc) et le Programme de modernisation des villes (Promovilles), garantit une efficacité et une efficience dans les interventions pour l’atteinte de résultats, perceptibles directement par les populations (avec l’amélioration de l’accès aux infrastructures et équipements sociaux de base) et aussi un impact certain sur le rééquilibrage du territoire national de manière plus globale.

Les composantes proposées peuvent d’ores et déjà retenir quelques activités d’ancrage que sont :

  • Le renforcement de la sécurité frontalière avec la réalisation de postes mixtes à Salikégné, Wassadou, et d’autres axes de passage à identifier sur les frontières avec la Mauritanie, la Gambie et la Guinée.

  • L’effort supplémentaire de désenclavement routier, fluvial, maritime. En plus de la réalisation de routes et pistes qui permettent de connecter les localités frontalières au reste du pays, il faut envisager des axes de desserte vers les pays limitrophes pour faciliter la circulation des personnes et des biens au sein des espaces de la Cedeao et de l’Uemoa. La mise en service de bacs et autres ouvrages de traversée (sur les axes fluviaux) faciliterait aussi les échanges et l’intégration des communautés des zone frontalières fluviales.

  • L’amélioration de l’accès à la téléphonie et aux équipements numériques. En effet, l’amélioration de la pénétration et le déploiement du réseau très haut débit dans ces zones participera à la réalisation de l’aménagement numérique du territoire.

  • La promotion d’un développement durable. Sur la base d’un diagnostic territorial à faire sur ces localités transfrontalières, il faudra aussi identifier et mettre en place une plateforme minimale d’infrastructures (santé, éducation, hydraulique, etc.) pour améliorer les commodités au niveau de ces établissements humains et l’attractivité de ces zones frontalières.

Le programme se devra également d’accompagner les initiatives et stratégies concertées de gestion durable des ressources naturelles et de l’environnement pour participer à la réalisation d’une économie verte locale, soucieuse de la préservation de la biodiversité et qui tienne compte des effets des changements climatiques.

En conclusion, il faudra remarquer que l’opportunité offerte par le Puma de promouvoir un réseau de villes secondaires (existantes ou à créer), articulé à la hiérarchie fonctionnelle des établissements humains du Sénégal, bien répartis sur le territoire national et particulièrement au niveau des zones frontalières, permettrait de réduire l’influence néfaste de la capitale Dakar et de favoriser le développement des régions et des futurs pôles territoires à promouvoir durant la deuxième phase de l’Acte 3 de la décentralisation.

 

Cheikh Ahmet Tidiane DIOP

Ingénieur en aménagement du territoire et développement territorial

Spécialiste en décentralisation, gestion des ressources naturelles et développement durable

diopmouridcheikh@gmail.com

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