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Takk U Suuf (les Chroniques De Bandia)

Ils vont encore certainement « sauver l’année scolaire » ! Comme on sauve un malade en lui amputant une jambe, un rein ou un bras. Les infortunés parents d’élèves se montreront soulagés d’avoir économisé quelques francs CFA qu’aurait coutés une année blanche ou invalide. Et tant pis pour le niveau des apprenants. Le Gladiateur de son coté, sera tout heureux d’avoir renforcé son budget électoral, certain que son volume et son poids seront plus déterminants que l’humeur des électeurs dans sa quête d’un second mandat annoncé comme improbable par ceux-là mêmes qui avaient prédit contre toute logique son avènement à la tête de Ndoumbélaan.

Ils vont surement « sauver l’année scolaire » saucissonnée et emballée, en amputant à nos enfants le tiers de leurs cours, la moitié de leurs compétences, et la totalité de leurs droits. Et les pauvres iront aux examens aux forceps, pour tenter leur chance plus que tester leurs connaissances, sous la supervision et le contrôle d’enseignants contraints par une police aux ordres d’un régime décidément aveugle. Tout compromis entre les belligérants semble impossible, et l’état a choisi la manière forte pour imposer son dictat.

Mais pourquoi donc Ndoumbélaan assiste-t-il à ce combat insensé en spectateur du dimanche, comme si le verdict ne le concernait en rien ? Pourquoi le Gladiateur s’acharne t-il à courtiser le front politique en défiant le front social ? Pourquoi le père de l’émergence ou du moins de l’usage du concept politique, refuse-t-il de trouver un compromis avec les producteurs du royaume tout en ouvrant des boulevards aux fossoyeurs de l’économie nationale ? Serait-ce parce qu’il est convaincu ou s’est laissé convaincre que la menace contre un second mandat trop désiré ne peut venir que des politiques ? En tout cas, Contre toute logique, le Gladiateur a malheureusement choisi d’ouvrir le dialogue politique au détriment du dialogue social. Et son ardent désir de bénéficier d’un second mandat n’est manifestement pas étranger à cette logique absurde.

Evidemment, s’il doit être remplacé au palais de Ndoumbélaan, ce sera sans doute par un politique. Mais ignore-t-il pour autant que s’il doit être battu aux élections, il le sera par les masses travailleuses en contestation contre ses pratiques ? L’offensive de charme envers les politiques proportionnellement aux menaces, prenant des allures de défis envers les travailleurs et plus particulièrement envers les enseignants, semble donc plutôt hasardeuse comme mode d’expression pour un candidat. Sans chercher à trancher le différend, le Gladiateur et les alliés doivent savoir raison garder. Si la seule force suffisait pour vaincre, l’oncle Sam n’aurait pas connu une débâcle au Vietnam, l’Armée Rouge aurait balayé toute résistance en Afghanistan, et le sud de Ndoumbélaan aurait déjà enterré ce conflit fratricide plus que trentenaire qui continue de faire des victimes au quotidien.

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Est-il besoin de rappeler que, quelles que soient les alliances et les allégeances, la mobilisation d’alliés et ou la démobilisation de potentiels adversaires, le Gladiateur aura forcément en face de lui des candidats déterminés à lui barrer la route vers un second mandat. Et le verdict sera tributaire de son bilan social, de sa capacité à rassurer et à rassembler beaucoup plus que de la rentabilité d’un GIE politique indifférent au sort des populations.

Le communiqué final de la rencontre annuelle des mages du royaume est venu troubler le dialogue politique en gestation en annonçant une défaite probable du Gladiateur. Il a en effet introduit un nouveau paramètre, tombé comme un cheveu dans cette soupe déjà trop compliquée. Même si de toute évidence ils ne pourront pas siéger au banquet, cette annonce fait des mages une partie prenante du dialogue politique. Et on peut parier sans risque, et pour des raisons culturelles, que leurs recommandations passeront comme une des priorités du Gladiateur dans les prochains jours.

Autant dire, une raison de plus pour ignorer les revendications plus que primaires de travailleurs. C’est pourquoi, Goorgorlu qui ne croit pas plus aux mages qu’aux prévisions météorologiques regrette qu’ils n’aient pas recommandé plus logiquement l’apaisement du front social comme solution pour un second mandat à la place des bœufs noirs ou jaunes. De toute façon, lui jure de ne pas toucher à cette viande offerte aux nécessiteux pour prolonger son compagnonnage plus que décevant avec le Gladiateur et ses alliés. D’ailleurs il a toujours marqué une préférence pour son « ganar » et la présence massive de viande d’âne sur le marché, l’a plus que jamais renforcé dans ses choix.

Comme la plupart de ses concitoyens, Goorgorlu est plus que jamais convaincu que l’intention supposée ou réelle prêtée au Gladiateur de fomenter un deal avec ses frères ennemis semble plus que crédible. Il reste encore à savoir si ce « takk u suuf » incestueux sera célébré en grande pompe ou simplement consommé dans la plus grande discrétion. Trop, d’indices plus que probants tendent à lui donner raison.

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Après avoir vainement contesté sa légitimité allant jusqu’à évoquer scandaleusement ses origines jugées indignes pour porter une couronne et particulièrement celle de Ndoumbélaan, les partisans de l’Empereur déchu se montrent brusquement si conciliants à son égard en distribuant sourires et accolades devant les caméras du monde ;

L’encombrant rejeton de l’Empereur promu au grade du plus grand prédateur de deniers publics par une vénérable cour de justice, se fait quasiment courtiser pour humer l’air de la liberté ;

La gauche attendue comme une alternative crédible à la droite au pouvoir, a choisi de se rendre et d’accepter sans rechigner sa place de soldat de première ligne, comme des tirailleurs d’une autre époque. C’est bien pourtant elle qui a enrôlé la société civile autour des Assises Nationales dont les conclusions lui apparaissent désormais comme un paquet de m… à l’arrière-cour d’une maison en ruine. Repue par tant de largesses supposées ou réelles du Gladiateur et naguère dénoncées par le célèbre journaliste-violeur, elle est manifestement contrainte à une omerta tropicale. De toute façon, la génération qui l’incarne aujourd’hui, a perdu toute crédibilité.

Sans signer d’armistice connu, l’état major des verts à déjà capitulé. Il a abandonné sans scrupule la majorité de ses partisans et de ses soldats sur les champs de batailles, dont certains sans eau et sans nourriture. Pareil au régime de Pétain en 1940, il a contre un nouveau machin baptisé troisième chambre d’enregistrement et curieusement semblable à la fameuse « zone libre de Vichy », décrété la démobilisation des troupes invitées à faire allégeance ou à se saborder. Les officiers « rebelles » ont tous été neutralisés ou condamnés à mort par contumace, et l’absence d’une base arrière de repli ne milite guère en faveur de l’émergence d’un providentiel « Homme du 18 juin » pour sauver la république. Au département de l’éducation dont ils ont charge, leur « Pierre Laval », sans ressources et sans prérogatives, est commis aux invectives et aux menaces contre les travailleurs. Tombera-t-il au champ d’honneur sous les baillonnetes ? Sortira sur une civière logiquement préparée à cet effet ou finira-t-il au tribunal de l’histoire condamné comme un « un collabo » ?

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La société civile vers laquelle se tournent tous les regards pourrait se fragiliser en se risquant sur le terrain du combat politique qui n’est pas sa vocation. Idéologiquement trop hétérogène, son combat ne saurait aller au-delà de la dénonciation des écarts, des violations des droits et de la mal gouvernance érigée en règle.

C’est dans ces conditions que les partisans de l’Empereur déchu se sont affirmés comme le seul parti d’opposition à Ndoumbélaan. Ce statut acquis par défaut n’est certainement pas à force de propositions ou de programme parce que leur seul mot d’ordre a toujours été et reste la légalisation des forfaits commis durant leur règne, et leur droit inaliénable à récupérer la couronne usurpée par le Gladiateur. Habituée aux deals et aux protocoles, la famille des bleus est manifestement à l’aise sur ce terrain. L’élargissement et la purification politique du rejeton de l’Empereur déchu n’est plus alors qu’une question d’heures. Il va recouvrer la liberté, retrouver les siens, ses biens et son honneur souillé par une sanction manifestement sélective. Le différend autant qu’il y en ait un, ne porterait plus que sur le calendrier opérationnel d’une telle mise en scène. Et les déclarations de fermeté ne sont que des surenchères destinées à l’opinion. Silence donc ! La famille libérale lave son linge sale.

On ne peut pas reprocher au politique de faire de la politique. Mais peut-on résumer la vie de la nation en successions de protocoles entre « initiés » ? Certainement non. Le fils putatif déshérité par l’Empereur pour sa cupidité, puis par le peuple par son arrogance a justement réagi contre cette pratique qu’il connait bien en sonnant l’alerte. Mais l’homme ne mobilise plus. Négativement chargé par son passé, ses « vérités » enveloppées dans des versets sataniques ne brillent plus que par leur capacité de nuisance.

Tel le loup de la fable, Goorgorlu « s’est senti surpris, sa retraite coupée et tous ses chemins pris ». Peut être se jettera-il pour l’honneur dans un ultime combat perdu d’avance en souhaitant que d’autres « saltigués » moins partisans lui prédisent la chute inéluctable de cette alternance II qui aura multiplié par deux ses peines, ses soucis et ses dettes, et divisé par autant ses joies, ses espoirs et ses avoirs.

 

BANDIA, JUIN 2016.

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