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Prise En Compte De La Dimension Des Risques Dans Le Management De Projets En Afrique

Dans la cadre de la mise en œuvre de ce que les autorités étatiques appellent «Projets prioritaires» notés dans le Plan Sénégal Emergent (Pse), nouveau référentiel de nos politiques publiques de développement, il paraît judicieux d’identifier les facteurs-clés de succès, les facteurs à risques et, éventuellement, les causes d’échec des projets et programmes en Afrique, en général. La finalité ultime est d’en tirer des leçons afin de minimiser leurs impacts.

Ainsi, l’objectif général de cette contribution est d’identifier les facteurs à risques pouvant affecter les projets et programmes du Pse et de les classer en termes de degré de sévérité et d’en tirer des réponses adéquates. La complexité de plus en plus accrue dans les processus décisionnels, dans les études de préfaisabilité et de faisabilité dans la gestion elle-même des projets et programmes en Afrique, présente des risques considérables tant au niveau des sponsors que de leurs financiers et assureurs. A la vérité, les projets entrepris dans cet espace sont souvent soumis à un certain nombre de risques dont les plus récurrents sont liés aux aspects suivants :

  • L’ébullition du front social avec des revendications corporatistes pouvant entraîner de nouveaux arbitrages budgétaires tant dans l’allocation que la répartition des rubriques budgétaires de certains programmes déjà démarrés ;
  • Le déroulement de manifestations entraînant des heurts violents et nécessitant le rétablissement de l’ordre et de la sécurité publique ;
  • Des soulèvements populaires suite au refus manifeste des communautés locales à la mise en œuvre de certains programmes à la démarche non inclusive ;
  • Des kidnappings et exigences de rançons orchestrés par des groupes armés dans des zones de conflit ;
  • Des sabotages d’installations de projets structurants ;
  • La survenue d’épidémies mortelles telle Ebola.

1. Les risques et leurs impacts négatifs

Ces risques entraînent souvent des surcoûts qui impactent les cash-flows des projets, atténuant ainsi leur rentabilité et constituent alors les véritables sources originelles de l’échec de nombreux projets et programmes (environ plus de 50% des projets et programmes selon les statistiques). Dans un climat d’insécurité de plus en plus intense, combiné à la nature complexe des processus de conception, les projets d’infrastructures mis en œuvre surtout dans les pays dits moins avancés, comportent un haut degré de risques d’ordre physique, environnemental, logistique, financier, administratif, politique, etc. Au surplus, ces mêmes projets d’infrastructures, bien qu’ayant mobilisé des investissements considérables sont, paradoxalement, vulnérables en termes de «maintenabilité» et de «durabilité».

Afin de mieux anticiper sur les risques liés aux coûts de maintenance qui peuvent impacter la durée de vie des projets, une alternative serait d’inclure ces coûts dans l’investissement initial disponible et cela, dès la phase d’étude de faisabilité. Une autre considération, en termes de risques importants, serait directement liée à la protection et à la sauvegarde de l’environnement car les projets n’obéissent pas souvent, ou ne respectent pas toujours un certain nombre de considérations d’ordre environnemental. De ce point de vue, les besoins en matières premières et ressources nécessaires à la mise en œuvre de ces projets dans les pays moins avancés ou pauvres, peuvent nécessiter la consommation excessive de ressources naturelles et, du coup, entraîner ainsi une dégradation des terres, des déplacements involontaires voire réinstallations de populations, une pollution de l’air et de l’eau.

A titre d’exemple, que de projets de développement retardés ou bloqués au cours de leur mise en œuvre du fait de conflits et de contentieux non suffisamment pris en compte dès les phases de conception et d’élaboration. Généralement, les programmes structurants requièrent la disponibilité de terres ou de réserves foncières importantes. Dès lors, la non prise en compte, au préalable, des intérêts de toutes les parties dans leur grande diversité -acteurs institutionnels comme acteurs à la base dans leurs composantes dynamiques- engendre des conflits d’intérêts, sources de surcoûts voire d’échec tout court. Ce risque très présent dans des cas avérés, aboutit aux blocages et à l’arrêt définitif des travaux. Ces impairs nés des retards d’exécution induisent inévitablement, conformément aux prescriptions en management de projet, des coûts supplémentaires qui réduisent les flux attendus, impactent le chiffre d’affaires et requièrent nécessairement un investissement supplémentaire pour couvrir les charges occasionnées.

Par ailleurs, il urge de relever que dans les pays dits émergents et en voie de développement, les projets sont exposés à différents types de risques qui peuvent être classés en termes de risques internes, d’une part, et externes, d’autre part. Les premiers sont d’ordre financier, conceptuel, contractuel, technique, personnel et opérationnel tandis que les seconds se rapportent aux aspects d’ordre économique, social, politique, juridique, logistique et environnemental.

Au bilan, tous ces risques multiformes et imprévisibles dans leur grande diversité peuvent avoir une influence négative sur les coûts, le délai d’exécution des travaux ou la qualité du projet. Ainsi, il est impérieux dans le cas du Plan Sénégal Emergent (Pse), que la gestion des risques soit bien maîtrisée et traitée comme une fonction intégrale dans sa vraie dimension «gestion et management des projets et programmes de développement». Dans cette dynamique, force est de noter que l’environnement des affaires est oblitéré par d’autres facteurs à la fois historiques et endogènes, liés notamment à la lourdeur du système administratif, l’ordonnancement de nos Administrations publiques à travers les ministères et leurs nombreux démembrements, ainsi que les pesanteurs bureaucratiques relevées dans d’interminables procédures d’approbation des projets et programmes. Ces contraintes majeures et leurs effets&impacts négatifs, ont amené les pouvoirs publics à procéder à des réformes notoires ayant abouti à un bon classement du Sénégal dans le Doing business et le Mo Ibrahim.

Cependant, en dépit des différentes améliorations favorisant les investissements publics et la contribution de nos partenaires techniques et financiers, une seconde génération de risques est toujours notée, aussi pernicieuse que les autres travers précédemment décriés. Ces contraintes concernent des défaillances majeures se rapportant aux aspects suivants :

  • La faiblesse de la conception et de l’élaboration des projets&programmes
  • La faible qualification technique des ressources humaines mobilisées,
  • La prise de décision lente du fait de télescopages et de duplications au niveau des «pôles décisionnels» diversifiés entraînant ainsi des conflits d’intérêts regrettables,
  • Le faible taux de décaissement des ressources allouées suite à la complexité des procédures aggravée par des conflits de législation entre le pays bénéficiaire et les pays des partenaires techniques et financiers comme noté du reste dans les différentes missions de «revue annuelle» avec la Banque Mondiale et les autres Institutions financières,
  • Les surcoûts suite à des risques non maîtrisés, au préalable.

En définitive, nul n’ignore les relations consubstantielles entre causes et conséquences car ne dit-on pas que les mêmes causes produisent les mêmes effets ? Dans l’élaboration des projets, les risques relatifs aux termes «erreur et défaut de conception», ont comme sources la phase conceptuelle, correspondant aux études de préfaisabilité et de faisabilité du projet. Tous les deux termes ont un impact considérable à hauteur de 85% sur l’intégralité des projets entrepris en Afrique et dans les pays émergents. Cette interdépendance est logique parce que le travail de conception se situe tout au début du cycle de vie de tout programme, sans oublier que la qualité et la précision de ce travail accompli peuvent avoir un impact très fort sur le cycle de vie dudit projet. Il s’y ajoute qu’une toute petite omission dans la construction peut causer de grands changements dans le choix des méthodes et stratégies d’intervention, la mise en œuvre ainsi que l’affectation des ressources budgétaires, causant ainsi des retards dans la livraison et des surcoûts qui sont souvent à l’origine de l’abandon de certains projets. En bref, une conception avec des données statistiques erronées, une instabilité institutionnelle tous azimuts, une législation lourde et contraignante, un changement de spécification et une absence de prévision des vrais risques potentiels constituent autant de causes préjudiciables dans la gestion de nos faibles ressources budgétaires.

2. Le Sénégal, à la croisée des chemins face à des défis de tous ordres

Les défis sont certes multiples mais les perspectives encourageantes au regard des avancées significatives notées dans notre économie. Cependant, il urge de s’atteler à d’immenses priorités dont aujourd’hui la phase II (2016-2018) du programme de Réformes pour l’amélioration de l’environnement des affaires et de la compétitivité (Preac) à travers une panoplie de réformes conformément à la vision des décideurs afin de rendre notre économie encore plus attrayante, encore plus compétitive. Dans cette optique, une attention toute particulière mérite d’être accordée à l’amélioration du financement et de la commercialisation dans le secteur agricole, source d’une croissance inclusive, ainsi que l’investissement dans la formation professionnelle en tenant compte de l’adéquation curricula-emploi-insertion professionnelle.

En définitive, quelles solutions alternatives ? Pour un rendement optimal du Pse, il convient nécessairement d’asseoir une bonne politique de gestion des risques à multiples facettes associée aux projets et programmes dits prioritaires, non seulement pour garantir et sécuriser le retour sur l’investissement, mais aussi préserver l’environnement des affaires. Dans cette perspective, il n’est pas superflu de se focaliser sur l’amélioration de l’expertise managériale avec une forte capacité d’anticipation du Bureau Opérationnel de Suivi (Bos). Ainsi, pour une gestion optimale des projets et programmes du Pse, diverses stratégies s’offrent afin d’atténuer les risques identifiés avec les actions suivantes.

  • Elaborer avec tous les acteurs un référentiel de suivi-évaluation permettant de travailler en mode fast track dans la mise en œuvre des projets,
  • Procéder à des réformes inclusives sur la Fonction publique afin de baliser les jalons d’une Admi­nis­tration soumise à des obligations de résultats vis-à-vis des usagers,
  • Impulser un partenariat effectif avec les bailleurs et autres partenaires techniques et financiers,
  • Valoriser un capital humain compétitif : les meilleurs d’entre nous à des postes de responsabilité suite à des tests,
  • Développer une méthode participative impliquant les différents acteurs du Pse à travers son Bureau opérationnel de Suivi (Bos),
  • Renforcer une approche managériale des projets / programmes dans le strict respect d’une démarche assez innovante basée sur la gestion axée sur les résultats, le rendement attendu et le retour surinvestissement (Roi).

3. Classification des dix risques les plus sévères notes en gestion de projets

Dans le cadre d’une étude consacrée à la gestion des risques au sein du Centre d’études avancées et de recherches en management de projets, programmes et portefeuilles (Casr3Pm), le classement des dix (10) risques les plus sévères affectant les projets en Afrique a été ainsi établi comme suit :

  1. Etudes de faisabilité partielles avec un impact de 0.382
  2. Bureaucratie & lourdeur administrative avec un impact n 0.359
  3. Erreurs de design &conception avec un impact0.348
  4. Faible taux de décaissement avec un impact de 0.343
  5. Litiges et conflits de législation avec un impact de 0.341
  6. Surcoûts ou dépassements avec un impact de 0.339
  7. Longue procédure d’approbation avec un impact de0.328
  8. Instabilité institutionnelle avec un impact de 0.326
  9. Incompétence des managers avec un impact de 0.323
  10. Statistiques et indices insuffisants avec un impact de 0.321

 

Pr Hamdouraby SY

Ph.D., Acting Dean Post-Graduate Programmes au Centre d’études avancées et de recherches (Casr3Pm)

info@casr3pm. 28,Cité Télécom, Ouest Foire.

Amadou BOCOUM

Ph-D, Doctorant en management de projet, programme et portefeuille

Chercheur en Décentralisation, Gouvernance urbaine et développement territorial au Casr3Pm/

amadboc9@yahoo.fr

Membre de la Ccr/Apr

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