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Retrait Des Enfants De La Rue : La Confusion Entre Enfants-talibés Et Enfants-mendiants

La confusion entre enfants-talibés et enfants-mendiants et la connotation faussement religieuse donnée à la mendicité

Depuis un temps non déterminé, la mendicité des enfants, qui a fait le tour du monde, est fortement décriée au Sénégal sans, jusque-là, la mise en œuvre de véritables solutions. Dans les villes de l’intérieur et à Dakar, ils sont visibles par grappes dans les marchés et devant les supermarchés, les stations d’essence,…Aux heures pendant lesquelles ils sont censés être dans les lieux d’apprentissage du Coran, on les voit la sébile en bandoulière, déambuler dans les quartiers et le centre-ville, squatter les places publiques, les carrefours et entrer même dans les bureaux.

Les dénonciations et les condamnations de la Société civile et d’acteurs anonymes n’y font rien, la situation est identique ou plus accentuée d’une année à une autre avec une pointe ascendante quand le pouvoir politique décide des mesures correctives puis recule devant la charge menaçante de groupes dont les membres sont des sponsors de cette forme d’exploitation juvéno-infantile.

La volonté politique exprimée par le chef de l’Etat d’en finir semble être cette fois la bonne ; le programme de «retrait des enfants de la rue» tel que décidé est majoritairement rencontre des pans importants de la société dégoutée visiblement par le spectacle sordide de gamins innocents livrés à des individus vautrés dans une impunité provocante.

Le souhait des populations est évidemment le maintien de la pression sans cette faiblesse qui a souvent conduit à abandonner de telles entreprises de sauvegarde citoyenne.

En se souvenant de l’incendie nocturne survenu au quartier dakarois de la Medina en une nuit de l’année 2013, les mêmes populations restent dubitatives ; elles ont tout de même le sentiment feutré selon lequel cette fois-ci est la bonne, le Gouvernement ne reculera pas, quelles que soient les vociférations et autres fanfaronnades du camp d’en face. A présent, reculer, c’est affaisser le peu qui nous reste d’autorité et de pouvoir de sanctionner.

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Si on en est arrivé à ce point de cristallisation, c’est parce que les textes répressifs en vigueur sont restés inappliqués depuis l’épopée Mamadou Dia qui faisait de la discipline civique et citoyenne le moteur de sa politique de gestion de la société.

C’est bien d’impliquer les départements ministériels compétents dans l’opération, mais il est tout aussi important de procéder à un toilettage des textes dans un sens qui donne à chaque entité opérationnelle ce pouvoir d’auto-saisine qui fait tant défaut dans la réalité.

Dans ce cadre, il y a un travail de réactualisation des textes et de renforcement de la capacité de la gendarmerie et de la police à agir systématiquement, sans attendre d’ordre d’opération du chef de l’Etat.

Les initiatives courageuses du maire de la Médina sont éloquentes, pour faire comprendre qu’il est possible de résoudre certaines questions sans attendre d’instructions de l’Autorité, qui a vraiment autre chose à faire, que de descendre à un niveau opérationnel du ressort des édiles municipales et préfectorales.

Il est tout aussi important d’aller au-delà du factuel en observant le spectacle sur la voie publique bigarrée de mendiants d’âges autres que ces enfants dits enfants-talibés ; la confusion est là qui pose problème, tous les enfants porteurs de sébiles n’étant pas des talibés affiliés à un daara, lieu d’apprentissage du Coran.

C’est là une évidence qui crève les yeux ; un taalibé est un apprenant du Coran, un élève sous l’autorité d’un maître, dont la spécialité est d’éduquer l’enfant à lui confié, de lui enseigner le Coran, avec perspective de mémorisation.

Les enfants-mendiants qui n’ont de talibés que l’air hagard, le port de haillons et de sébiles comme parement non destiné à recevoir des restes de repas dont ils ne veulent d’ailleurs pas.

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Des enfants sont dans la rue sans relever de l’autorité d’un serigne-daara : il en existe qui proviennent de familles installées dans des quartiers des villes et frappées d’un niveau de pauvreté qui leur suggère d’user de stratagème pour s’en sortir.

Le problème de ces enfants dans la rue et «non de la rue» se pose en termes plus sérieux, quand on connaît les aspérités du contexte de violence et de démultiplications des trafics de toutes sortes qui les impliquent : selon une source digne de foi au cours de l’interrogatoire au Nigeria d’un membre de Boko haram, celui-ci a révélé aux enquêteurs que les majilis (enfants-mendiants en haoussa arabisé) sont utilisés par la centrale terroriste pour la collecte de fonds et de renseignements.

Au Sénégal, une telle perspective est éloignée des préoccupations de ceux qui font bloc pour prétendre défendre la mendicité, sans prendre le temps de voir plus loin … Un travail de communication bien mené aurait le mérite d’alerter sur tous les risques que comporte de nos jours la vie des enfants hors du foyer de leurs parents livrés qu’ils sont à la merci d’individus capables de vendre leur âme au diable.

La construction de daaras modernes pour contribuer à réduire, voire faire disparaître la mendicité des enfants me paraît une piste incertaine quant à son issue. Le projet en lui-même est recevable mais ne projette pas de solution véritable de réduction de la mendicité.

Au Sénégal la pratique de la mendicité est solidement ancrée dans les mentalités comme solution de facilité, avec une fausse connotation religieuse.

Construisons autant de daaras qu’il y a de collèges, d’écoles primaires et de lycées, aucune incidence dégressive de la mendicité ne sera notée.

Toutes ces populations qui inondent la voie publique et s’adonnent à la pratique de tendre la main sont malheureusement constituées de l’essence vitale de la société à savoir, les enfants, les femmes et par endroits de gros gaillards dont c’est le «métier» au vu et au su de toute la société.

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Les femmes, nos sœurs sont de plus en plus présentes, porteuses d’enfants présentés comme «appâts» pour attendrir les passants de moins en moins sensibles à cet attirail humain ; elles viennent pour la plupart de la campagne, gravitent par les travaux domestiques de lingères ou des pileuses du mil dans les quartiers de la ville de Dakar et de sa banlieue.

Une autre catégorie de mendiants est constituée de ces gros gaillards qui essaiment les artères avec des comportements agressifs au contact de passants visiblement apeurés et dégoûtés, sans oser le faire voir.

Aux portes de Hann Maristes et sur le Boulevard Fahd B Abdel Aziz, le spectacle est hirsute : il s’agit de ces regroupements familiaux gigantesques de personnes des deux sexes et de tous âges qui sur les trottoirs où leurs progénitures font leurs besoins naturels à ciel ouvert.

Ils viennent de la sous-région, à la faveur du «fameux Protocole de la Cedeao qui libère la circulation des personnes et des biens aux frontières des Etats membres» ; paradoxalement, ces hordes de mendiants adultes affublés de leurs progénitures ils ne vont pas plus loin chez le voisin du centre-sud où les pouvoirs publics sont fermes et proscrivent la pratique ostentatoire de la mendicité sur la voie publique et toutes les formes d’abus dans le même espace.

Si ce Protocole est source d’insécurité, c’est parce que le signataire n’en a pas exploré toutes les dispositions qui permettent aux Etats-membres de mettre en avant leurs impératifs spécifiques de sécurité intérieure, sans s’isoler de la communauté sous-régionale.

 

Cheikh Tidiane NDIAYE

Commissaire de Police Divisionnaire de Classe Exceptionnelle – Retraite

Expert Sûreté et Sécurité/ Consultant/Formateur

toobeh@yahoo.fr

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