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Retrouvailles De La Famille Libérale : Un Pari Non Pascalien

Le sacre du Président Macky Sall, au soir du 20 mars 2012, a occasionné la descente du Pds aux enfers et une profonde cassure dans la famille libérale. De nombreux responsables et non des moindres outrés par les pratiques monarchiques de père Wade ont choisi de faire cavalier seul ou d’intégrer d’autres formations politiques brûlant malgré eux plusieurs décennies de compagnonnage avec le Pape du Sopi. Cette saignée du potentiel humain dans le camp libéral a expliqué la décadence du Pds qui a presque connu plus de quatre années d’hibernation pendant lesquelles son chef a battu en retraite à Versailles ruminant une défaite dont il est le principal auteur. Quand le Président Wade appelle à des retrouvailles, il fait ainsi le mea-culpa de sa démarche gauche et de sa patrimonialisation du Pds qui ont abouti à la défaite du 20 mars 2012. Il n’y a jamais d’effet sans cause selon un vieux adage, c’est ainsi qu’on peut expliquer la dispersion des libéraux par des pratiques peu orthodoxes et même antidémocratiques de son chef.

Le pré-positionnement d’un fils encore immature

La genèse de la dispersion de la famille libérale a pour point de départ la campagne de neutralisation ou de marginalisation de tous les responsables Pds susceptibles de se positionner en cas de retraite de Maître Wade.

Les responsables pressentis à la guillotine avaient fait un long chemin avec le Pds, ils ont humé l’odeur suffocante des lacrymogènes au moment où le jeune Karim usait ses culottes à l’école. Même étant majeur Wade-fils n’a jamais participé à aucune bataille significative du parti libéral alors que rien ne l’empêchait d’être acteur. Celui qui n’a jamais été au départ des combats n’a pas le droit de réclamer de dividendes à l’arrivée de la lutte triomphante même si celui qui rétribue a le statut de père. Celui qui veut capitaliser les fruits d’une lutte dont il est totalement étranger ne fait que de l’usurpation ; les responsables libéraux ayant admis cela ont refusé de refroidir leur ambition pour un positionnement indu et une mise en selle du jeune Karim.

Le premier jalon de ce pré-positionnement de Wade-fils est la naissance de la génération du concret qui n’est rien d’autre qu’un courant qui ne dit pas son nom. Une entorse aux dispositions du Pds était cautionnée par le Président de l’époque, et cela commençait à troubler ceux qui croyaient à une égalité de traitement de tous les militants. Il y a certaines choses et pratiques qu’un homme de refus n’accepte jamais et le refus de la dissonance a engendré une vague de dissidences destructrice dans le Pds. La chasse aux probables dauphins devait être au centre des préoccupations du père de Karim, encouragé en cela par de piètres courtisans capables de manger dans n’importe quel râtelier. Tour à tour le sabre s’est abattu sur Aminata Tall, Idrissa Seck, Pape Diop et Macky Sall. Le plan de neutralisation des grosses pontes du Pds était déclenché et les cibles qui se sentaient très étroites dans le parti marquaient de jour en jour un certain désintérêt aux activités qui les liaient à leur secrétaire général.

Le danger ou le hic des partis africains est la concentration de tous les pouvoirs aux mains du secrétaire général qui régente et soumet tout le monde à ses désirs. Abdoulaye Wade ne comprenait pas qu’il avait affaire à des intellectuels dignes et fiers refusant d’être béni oui ouïe et comprenant que la promotion ne doit obéir qu’au mérite que Karim n’avait pas plus qu’eux. De tous les dissidents c’est Souleymane Ndéné Ndiaye que j’ai le plus apprécié, en pur garmi il a clamé haut et fort qu’il n’accepterait jamais d’être derrière ce gosse. Les attaches royales et le sang thièdo qui irrigue ses veines l’ont poussé à refuser d’aller à Canossa. Monsieur Ndiaye comprenait que le seul titre qui manque à son CV reste la présidence de la république dont il a le profil politique et le back ground intellectuel.

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Dans cette folle aventure du père, Wade-fils fait perdre à Pape Diop la mairie de Dakar avec les intentions prêtées au Président de l’époque de faire de son fils le prochain maire de Dakar.

La frustration de grands responsables fondateurs du parti accouplée à l’entêtement du libéral en chef à son projet de dévolution monarchique du pouvoir étaient les principaux ingrédients suffisants pour la rupture entre Wade et ses alliés d’hier. Quatre années d’opposition ont fini de montrer au Pape du Sopi que certains responsables doivent être caressés dans le sens du poil et les avoir avec soi vaut mieux que de les avoir contre soi.

Les retrouvailles de la famille libérale ou le raccourci d’un retour du pouvoir

Un parti amputé de sa crème ne peut survivre aux rigueurs d’une opposition qui est un parcours difficile, long et parsemé de contraintes et de sacrifices que les vrais perdants du pouvoir avaient oublié. Le discours devient plus fédérateur et conciliant, le fils(Macky) congédié hier, traité comme un indésirable devient aujourd’hui l’invité vip au banquet des retrouvailles libérales. Maître Wade ayant saturé toute sa panoplie et ses armes pour mettre en difficulté son ancien premier ministre devenu président et ne pouvant plus mobiliser les Sénégalais à sa cause a fini par être acquis à la solution pacifique de retrouvaille. Les responsables qui poussaient Maître Wade à aller au bout de son projet de liquidation de Macky Sall pour les beaux yeux de son fils sont aujourd’hui ceux qui se font le chantre de la théorie des retrouvailles, y croient-ils réellement ? Sont-ils à l’aise dans leur nouvelle posture de prêcheur de cette union, les Sénégalais répondront à cette double interrogation.

Le principal interlocuteur aux retrouvailles est d’une vigilance et d’un discernement qui forcent le respect et qui peuvent déjouer tout complot ou tout esprit malveillant. Un ancien ministre de l’intérieur et un ancien premier ministre, assez outillés et aguerris pour découvrir certaines sournoiseries. En attendant la réaction du principal intéressé il est aisé de deviner les termes de référence du prochain exercice.

Retrouvailles autour de qui et comment ?

Le Président Macky Sall est porté au pouvoir par 65 % des Sénégalais  sans les libéraux qui crient à tue-tête les retrouvailles ;   qu’ils n’oublient pas que le cri de ralliement au soir du 20 mars 2012 n’était pas le libéralisme. La question qui se pose en sourdine est l’incidence de cette nouvelle donne politique sur l’avenir de Benno Bokk Yakar. Le pays est bien gouverné sans ces recalés du 20 mars 2012 et le contentieux qui les opposait aux Sénégalais n’est pas apuré et le dégout qui en est résulté n’est pas encore dissipé du cœur des 65 % de votants.

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La tentative de retrouvailles risque d’être complexe eu égard aux prétentions des acteurs dont certains ont une représentativité  nationale qui permet de postuler à des tâches présidentielles.

Idrissa Seck, candidat malheureux à deux élections, ne dérogera jamais à l’adage du deux sans trois ; une retrouvaille des libéraux à laquelle il prendra part, le dissuadera d’être candidat en 2019. Ce rewmiste qui souffre le calvaire d’un palmarès politique sans le titre de président de la République sera immanquablement sur la ligne de départ pour 2019 ; ngoorsi oublie le verset 26  de  la sourate Ali Imran où le bon Dieu rappelle que c’est lui qui donne et retire le pouvoir à celui qu’il veut.

Souleymane Ndéné Ndiaye, brillant avocat et adulé par beaucoup de Sénégalais, est bien un homme de consensus mais n’acceptera pas des retrouvailles qui dissipent sa hargne et sapent sa marche vers la station présidentielle. Il n’est jamais cité dans un scandale financier et le bouquet de valeurs qu’il incarne lui vaut une grande estime dont a besoin tout candidat à la présidence. Jules dépasse certains de ses pairs par sa conviction qui force le respect et inspire la confiance, difficile d’égaler en dignité, il est capable de mettre en ballotage n’importe quel autre candidat.

Pape Diop, très influent dans le milieu mouride et financièrement assis, a fait un travail de ratissage qui l’autorise à nourrir des espoirs pour 2019.

Des retrouvailles libérales qui mettent en second le Président de Bok Guiss-Guiss est difficilement concevable de la part de celui qui a toujours pris le père de Karim comme le responsable de sa descente aux enfers et de la perte de sa mairie.

Abdoulaye Baldé, tombeur du mohican Robert Sagna, n’attend pas grand-chose de ces retrouvailles et toute tentative qui revitalise un Pds en perte de vitesse, risque de tempérer son ardeur. L’avenir politique que le chef des centristes cherche à bâtir lui déconseille de diluer son autonomie dans des retrouvailles qui le mettent second derrière qui que ce soit. Le schéma d’un gouvernement élargi où il sera membre de son libre gré l’enchante mieux que tout autre schéma politique. Il ne lui manquera pas l’idée de reprocher aux chantres de ces retrouvailles, la longue attente pour penser à leur projet.

Karim Wade, prisonnier gracié, acceptera difficilement de participer à des élections où le Pds n’est pas partant. Au cas où les retrouvailles réussissent le candidat pour 2019 ne peut être autre que le président Macky Sall. Le paradoxe des militants et responsables Pds est la propension à faire de Karim le cinquième président du Sénégal et leur désir  de voir la réunification de la famille libérale y compris l’actuel président .Il y a quelque part du bluff et de l’inconséquence, et  quand la cassure atteint une certaine profondeur, récoller les morceaux relèvera  de l’impossible. En vérité Karim ne comptabilise dans son Cv aucune conquête significative pour troubler le sommeil du Président Sall, et son seul mérite est d’être le fils d’un ancien président.

Karim confond la compassion pour un prisonnier et l’adhésion à une offre politique ; les électeurs se souviennent encore des chantiers de l’Oci, de son sobriquet de monsieur 15% et enfin de son train de vie dispendieux qui a bien grevé nos finances publiques. Si par miracle les libéraux arrivent à se retrouver, je vois mal un casting qui confie une quelconque responsabilité gouvernementale à Wade-fils à moins que l’on ignore royalement son casier judiciaire.

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Un schéma inattendu des retrouvailles

Pour voir son vœu exaucé maître Abdoulaye Wade peut envisager un schéma réducteur des retrouvailles (sans le Président Macky) surtout que le motif pour lequel il les prêchait était l’élargissement de Karim. Faire les retrouvailles sans Macky Sall en manœuvrant pour que les Pape Diop, Baldé, Fada et Aliou Sow reviennent à de meilleurs sentiments, peut être la bouée de sauvetage qui donne au Pds sa seconde jeunesse. Les éléments catalyseurs d’une retrouvaille sont minimes par rapport aux écueils qui peuvent faire capoter la tentative.

S’entêter à faire de Karim un des prochains challengers de Macky Sall, est une option qui rend hypothétique l’aboutissement de tout dialogue entre libéraux et le chef de l’Alliance pour la République.

Une retrouvaille autour de la feuille de route sous tendue par le plan Sénégal émergent (Pse) ne gênerait pas la dynamique de Benno Bokk Yakar ; mais si les intentions cachées des demandeurs de la réunification n’ont que pour  finalité l’entrisme, la conscience et le vote des sénégalais se voient trahis. Si également les retrouvailles cherchent à conférer une immunité aux cibles de la traque des biens mal acquis, le Président Sall mettra 65% de l’électorat contre lui car la traque était une demande sociale, une promesse de campagne.

Je peux bien me tromper dans mon analyse dont la conclusion est que le président a gagné sans les libéraux, et, est en train de gouverner sans les libéraux, je suis  donc persuadé qu’il est capable de triompher sans ses anciens camarades dont le dessein était de l’envoyer au  purgatoire.

Le Pds n’a pu opérer la mue nécessaire pour être dans le cœur des Sénégalais qui seront arbitres des échéances de 2017 et 2019.

Un parti qui cherche des raccourcis pour son retour au pouvoir est prêt à servir un discours bien agencé mais en réalité peu ou pas sincère.

Le Pds nous a habitués à la violence pour faire aboutir ses requêtes, il change aujourd’hui de stratégie en appelant au dialogue (ce qui est à saluer) ; au Président Sall d’en faire le traitement le plus judicieux et d’en donner la réponse qui sied.

Si le leader en chef de l’Apr pense que le triomphe en 2019 reste conditionné aux retrou­vailles, il n’est pas contre indiqué en ce moment de travailler à la réussite de celles-ci. Je reste convaincu que le salut du président ne se trouve pas en réalité dans les retrouvailles avec x ou y, il est plutôt dans la réussite des politiques publiques que son gouvernement est en train de dérouler car l’électorat dans son écrasante majorité n’est plus acquis au discours politique de campagne mais plutôt au bilan de celui qui est élu. Le taux de croissance de 6,5% est un indicateur qui montre que le président est en train de bien faire et que  le meilleur reste à venir.

 

Ibrahima KA

Responsable Apr à Bambey

ibrahimaka56@gmail.com

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