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De La Nationalité Du Candidat à La Présidentielle

Il n’est pas de pays où l’on n’ait pas légiféré sur la nationalité de celui qui prétend exercer la plus haute fonction de l’Etat. La norme appliquée au Sénégal est moins rigide que celle en vigueur dans nombre de pays y compris les Usa. Toutefois, il conviendrait de s’accorder sur la période de renonciation à la seconde nationalité. La question est abordée dans la dernière partie de ma contribution publiée le 12 février 2016 (la-forme-republicaine-et-d’organisation).

De la nationalité du candidat a la présidentielle : un consensus de la classe politique en 1991.

Le dialogue politique, renoué après la crise postélectorale de 1988, allait permettre l’entrée de l’opposition dans le premier gouvernement de majorité élargie et faciliter la concertation autour du système électoral sénégalais. Ainsi la Commission nationale de réforme du Code électoral (Cnrce), sous la direction de feu Kéba Mbaye, parvint à élaborer un Code électoral consensuel de 1992. Dans le même esprit, la Loi constitutionnelle n° 91-46 du 6 octobre 1991 portant révision de la Constitution fut adoptée en vue d’intégrer les recommandations de la Cnrce, notamment : la fixation de la majorité électorale à dix-huit ans ; la limitation du nombre de mandats du Prési­dent de la République et la durée du mandat à 7 ans ; l’autorisation des candidatures indépendantes et des coalitions de partis politiques ; les compétences des cours et tribunaux en matière de campagne électorale ; l’introduction du quart bloquant à l’élection du Président de la République.

Ce code électoral, adopté à l’unanimité des membres de l’Assemblée nationale le 20 septembre 1991, prescrit dans la loi organique relative à l’élection du Président de la République et des députés à l’Assemblée, que le candidat à la Présidence de la République déclare sur l’honneur qu’il a exclusivement la nationalité sénégalaise. Mais la Cour suprême, par un arrêt rendu le 15 novembre 1991, a jugé la loi organique non conforme à la Constitution. En vue de respecter le consensus issu des travaux de la Commission nationale de réforme du code électoral, le Gouvernement opte pour la modification de la Constitution. Par conséquent, la Loi n° 92-14 du 15 janvier 1992 abroge l’article 23 de la Constitution et le remplace par les dispositions suivantes : «Article 23. – Tout candidat à la Présidence de la République doit être exclusivement de nationalité sénégalaise, jouir de ses droits civils et politiques et être âgé de 35 ans au moins». A l’exposé des motifs de cette loi constitutionnelle, «le Gou­vernement a estimé que c’est à juste titre que la commission nationale de réforme du code électoral a souhaité que les candidats à la Présidence de la République n’aient pas d’autre nationalité que la nationalité sénégalaise».

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Il apparaît clairement que le législateur ne s’est pas soucié des conditions et formes d’acquisition d’une autre nationalité que pourrait détenir le candidat. Que le citoyen soit de «binationalité», «bi nationalité», «double nationalité» ou qu’il détienne la nationalité de tous les pays du monde, lui importe peu. Il y a lieu de souligner que la Constitution de 2001 a repris ces dispositions non sans y apporter des précisions et rajouts. C’est ainsi qu’en son article 28, elle dispose : «Tout candidat à la Présidence de la République doit être exclusivement de nationalité sénégalaise, jouir de ses droits civils et politiques, être âgé de 35 ans au moins le jour du scrutin. Il doit savoir écrire, lire et parler couramment la langue officielle».

Ce rappel historique prouve qu’il y a eu bel et bien un consensus au niveau des acteurs du jeu politique sur la nécessité d’empêcher que le Président de la République détienne une autre nationalité. Pour autant, la déclaration sur l’honneur prévue à l’article LO.114 du Code électoral et par laquelle le candidat atteste que sa candidature est conforme aux dispositions des articles 4 et 28 ne constitue pas une condition suffisante. Dès lors, il convient d’interpeller la classe politique, la société civile et les constitutionnalistes.

  • Le Conseil constitutionnel peut-il, en un jour, procéder aux vérifications pour s’assurer de la validité des candidatures conformément à l’article LO.118 du code électoral ?
  • Existe-t-il une procédure de destitution du Président élu en cas de fausse déclaration sur sa candidature ?
  • La législation empêche-t-elle le Président de la République en fonction d’acquérir une autre nationalité ?
  • Le Président qui cesse d’exercer ses fonctions doit-il acquérir d’autres nationalités ?
  • A quelle période le binational devra-t-il renoncer à l’autre nationalité ?
  • Le Président de la République est-il passible devant la Haute Cour de Justice pour crime ou délit commis lorsqu’il était candidat ou entre son élection et son installation ?
  • Le Président de la République élu peut-il être accusé de haute trahison en cas de fausse déclaration sur sa candidature ?

Ces problématiques qui révèlent les limites actuelles de la loi mériteraient d’être approfondies dans le cadre de la révision constitutionnelle et, à tout le moins, à l’occasion de la revue du code électoral.

En tout état de cause, jusque-là les acteurs s’accordent unanimement sur la justesse de l’exigence que le Président de la République en exercice soit exclusivement de nationalité sénégalaise. La défense et la sauvegarde des intérêts de l’Etat ainsi que la préservation de notre souveraineté le recommandent. Mais il semble se dégager deux options :

La première option est soutenue par les partisans du statu quo qui considèrent qu’avant de solliciter le suffrage des Séné­galais, le candidat à l’élection présidentielle ne doit posséder que la nationalité sénégalaise. S’il est binational, il devra au préalable renoncer à l’autre nationalité. Il y a lieu de rappeler que, comparativement à la procédure de naturalisation, le Ministre Serigne Mbaye Thiam alors membre de la Commission technique chargée de la Revue du code électoral en 2011, avait préconisé que nul ne doit être candidat à la présidentielle s’il n’avait pas renoncé à toute autre nationalité au moins deux ans avant la date de l’élection. Au reste, la procédure de renonciation à la nationalité n’est pas contraignante dans la plupart des pays. A titre illustratif, en France, la renonciation est soumise à la seule condition qu’on ne reste pas un apatride donc elle est même plus simple pour les binationaux.

La seconde option est ouverte par le Président Wade à travers son texte publié récemment et intitulé : «Aux observateurs de la scène politique sénégalaise: Bi et double nationalité». Il s’agit d’exiger la preuve de la nationalité sénégalaise à l’installation aux fonctions de Président de la République. Mais au regard du délai relativement court qui sépare la proclamation des résultats définitifs et la prise de fonction du Président élu, il me semble plus logique de fixer un délai plus long pour la production des pièces attestant de la perte des autres nationalités.

En définitive, j’estime qu’une fois élu, le Président de la République, eu égard à l’ampleur de ses responsabilité, devrait garder à vie sa nationalité sénégalaise à l’exclusion de toute autre. Mais le système électoral étant évolutif, le débat devrait se poursuivre et l’on gagnerait à ce qu’il soit mené en toute sérénité, sans aucune personnalisation en ayant en vue l’intérêt exclusif du Sénégal.

 

Ndiaga SYLLA

Expert électoral

Ndiaga SYLLA

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