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Ousmane Sonko, à L’image D’un Sénégal Engagé, Mais Ferme

On peut ne pas être d’accord avec les prises de positions de Monsieur Ousmane Sonko, mais force est de reconnaître que cet homme est impressionnant par la fermeté dont il fait preuve et dont bien des hommes politiques feraient bien de s’inspirer !

Engagement, lorsqu’on sait qu’il est tout jeune chef de parti et que les privilèges et l’image liées à son statut d’inspecteur des impôts appartenant à la plus haute hiérarchie, en auraient mis plein la vue à plus d’un dans une société sénégalaise ou la rivalité matérielle a fini de s’ancrer dans les meurs. En effet, l’engagement faite en faveur de son pays quelque soit la couleur qu’il peut revêtir, suppose qu’on lui fasse don de toutes ses qualités et de sa compétence en tant que citoyen, et parfois même de sa personne.

Fermeté, car monsieur Ousmane Sonko a dû sacrifier sa brillante carrière de jeune inspecteur des impôts et a dû payer ainsi le prix fort dans un combat singulier contre l’autorité au nom de l’équité et de la transparence dans la gestion des affaires publiques.

Lorsqu’on est un fonctionnaire de l’Etat aussi haut placé comme le fut monsieur Ousmane Sonko, on ne prend pas le risque de s’attaquer à la deuxième institution de la république sans avoir des garanties. Les motivations derrière une telle posture ne sont jamais simplistes encore moins anodines. Deux hypothèses en particuliers qui présentent des perspectives d’analyse intéressantes s’offrent ainsi à nous. Arrêtons-nous un instant sur chacune d’entre elles.

La première hypothèse est celle qui placerait la démarche de Monsieur Sonko dans une logique politique qui permettrait au chef de parti de l’opposition qu’il est, d’opérer un coup de force médiatico-politique important face à la majorité, mais aussi des autres partis politiques.

La deuxième hypothèse est en rapport avec une identification poussée de l’homme à des valeurs fortes qu’il porterait et auxquelles il croirait profondément. Celles-ci le pousseraient alors à considérer l’acte de dénonciation qu’il a posé à l’encontre de l’Assemblée nationale comme un moyen de réparer un tort.

Concernant la première hypothèse il faut dire que monsieur Ousmane Sonko est chef de parti dans le camp de l’opposition, et que l’idée qu’il chercherait un gain politique en adoptant une position de défiance envers l’autorité suprême n’est pas tout à fait dénuée de sens. Pour un parti, poser un acte politique qui propulserait sa structure au devant de la scène constitue toujours une option de premier plan.

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Il n’en demeure pas moins, cependant, que si les affirmations de Monsieur Sonko peuvent avoir des motivations politiques, l’idée même qu’elles puissent conduire à la découverte d’un scandale perpétré par des élus à l’insu du peuple et donc à un service rendu à ce dernier, suffit largement pour que les plus hautes autorités de l’Etat y accordent le juste crédit au nom de la redevabilité et de la transparence. Il est clairement établi que les déclarations de Monsieur Sonko ne souffrent d’aucun paradoxe du point de vue des principes. En effet il est tout simplement inconcevable au Sénégal aujourd’hui qu’une institution comme l’Assemblée nationale puisse être un mauvais élève au point de devoir faire l’objet d’un redressement fiscal. En vérité l’institution qui vote les lois de la République n’est pas censée se détourner de ces dernières et faire ainsi obstruction à elle-même et à la marche du pays vers une gouvernance plus équitable et transparente. Par conséquent, l’analyse de cette première hypothèse démontre que les motivations de monsieur Sonko quelles qu’elles soient deviennent de facto secondaires eu égard à la nature utile de l’acte posé vis à vis de son pays. Quand bien même il aurait visé un but personnel et politique à travers cette dénonciation, il a rendu un grand service au peuple sénégalais en mettant à nue ces agissements de l’Assemblée nationale. De plus sa démarche a au moins eu le mérite d’avoir posé le débat sur l’éthique de la gouvernance, mais aussi et surtout d’avoir fait réagir l’institution qu’est l’Assemblée nationale dans le sens d’une correction d’un tel dysfonctionnement.

Notre deuxième cas de figure renvoie à la norme dans le cadre du fonctionnement d’un Etat démocratique. Monsieur Ousmane Sonko est un citoyen sénégalais et, à ce titre, il est libre de poser tous les actes qu’il juge opportuns tant que cela se fait dans le respect des lois et règlements en vigueur. Il ne devrait pas être inquiété pour cela. Le Sénégal est un Etat démocratique qui se veut moderne sans instrumentalisation aucune de sa justice et avec des citoyens libres et non en sursis, La charte fondamentale de notre pays considère le respect des libertés fondamentales et droits du citoyen comme une base de la société sénégalaise. Elle va plus loin en rejetant et surtout en éliminant , sous toutes leurs formes l’injustice, les inégalités et les discriminations. Tous ces principes énoncés supposent que monsieur Sonko n’avait à priori pas à craindre de représailles de la part de l’état même s’il savait qu’il allait dénoncer une injustice commise par la deuxième institution de la république. Tout porte à croire que notre deuxième hypothèse qui est celle d’un homme qui serait uniquement motivé par la défense de l’intérêt général à travers l’acte de dénonciation d’une aberration commise précisément par la deuxième institution de la République, est la plus recevable. Elle est plausible et les faits tiennent beaucoup plus de celle-ci que de la première. En effet tel un soldat convaincu de la bonne cause du combat mené monsieur Sonko est resté stoïque et concentré sur la mission de terrasser “le mal” et donc l’ennemi, faisant ainsi abstraction des atrocités du champ de bataille. Il est tombé hélas mais non sans les honneurs.

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La mise à nue de la déviation d’une institution comme l’Assemblée nationale par monsieur Sonko est sans aucun doute un acte de courage fort qui dénote un sens patriotique élevé. La logique même refuse qu’il ait été le seul agent au niveau de l’administration fiscale à avoir été au courant d’une telle fraude. Grâce à son combat et à sa ténacité, il a réussi à hisser le débat au niveau de l’éthique, là où le discours politique restait superficiel et ambigu la plupart du temps . Il est étonnant de constater à quel point la fibre patriotique est prête à céder, et cela presque toujours, face à la tentation des privilèges et autres conforts que l’on tire d’un clientélisme politique environnant. Le gouvernement en place a vraisemblablement des difficultés et pas des moindres, à garder le cap sur l’idéal politique qui consiste à “faire ce qu’on dit et à dire ce qu’on fait”. Le cafouillage au plan procédural ainsi que la cacophonie qui ont accompagnés le traitement du dossier Ousmane Sonko avec comme chefs d’orchestre le ministre de l’économie et des finances et le directeur général de la D.G.I.D, dessinent les contours extravagants d’une conduite autoritaire des affaires publiques aujourd’hui au sénégal. En effet le principe de la gouvernance sobre et vertueuse prôné par le président de la république et la majorité suppose que le calcul politicien et la démagogie soient

En outre il est important de rappeler que les sénégalais n’attendaient pas de monsieur Ousmane Sonko ou de n’importe quel autre citoyen qui aurait été dans sa posture moins d’engagement et de courage. Aujourd’hui l’une des aspirations majeures de nos compatriotes reste l’intégration du devoir d’éthique et de transparence dans la pratique de nos gouvernants et en rapport avec l’exercice du pouvoir. Seulement il faut constater le désespoir du peuple sénégalais face la quasi impossibilité pour lui de pouvoir compter aujourd’hui sur des dirigeants suffisamment crédibles pour réaliser une émergence politique, économique et social réelle et perceptible par tous. Les leaders politiques poussent l’exigence vis à vis du peuple au point de ne convoquer l’éthique, l’honneur ou encore la dignité en politique que de manière circonstanciée et onirique. C’est inacceptable et dangereux. Tromper le peuple c’est aussi le pervertir. Le fait pour les acteurs politiques de négliger l’impact d’un tel comportement sur la majorité des sénégalais serait une faute morale et politique impardonnable.

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Monsieur Ousmane Sonko a semé une graine d’espoir dans le champ de l’espace politico-médiatique sénégalais, celle d’un vrai débat sur la place de l’éthique, de l’équité et de la transparence dans la gouvernance politique au Sénégal. Entretenir et protéger la plante qui sera issue d’une telle graine est une responsabilité patriotique commune si tant est qu’on la laissera pousser et donner ses fruits . Il faut espérer que la classe politique sénégalaise dans son ensemble saura créer une dynamique unitaire dans le sens d’une véritable promotion des valeurs de gestion et de bonne gouvernance dans notre pays.

 

Abdourahmane Babou

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