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Problématique Sociétale Du Développement Au Sénégal

Notre pays, le Sénégal, a peu progressé en termes de développement, malgré l’héritage infrastructurel, politique, culturel, démocratique, acquis par notre ancien statut de locomotive de l’Aof. Il est vrai que le visage de certaines localités a beaucoup changé en bien, Dakar, Thiès, Mbour, Touba, Tivaouane, par contre toutes les autres localités surtout rurales ont perdu de leur lustre d’antan au profit des premières citées. Pourtant les agrégats économiques ont aussi considérablement progressé, mais les cadres de vie se sont dégradés et le spectre de la pauvreté s’est amplifié, des indépendances à nos jours.

Il découle alors de ce constat qu’il existe dans notre pays, au sein de la société sénégalaise, un réel problème de maîtrise du concept «développement» qui, il est vrai, charrie différentes connotations d’ordre culturel, idéologique et politique, philosophique et sociologique qui trônent sur son appréciation.

Au-delà de toutes ces éventualités de fluctuations du concept capables d’infléchir la trajectoire suivie et le niveau de développement d’une communauté donnée, la position de confort que nous voulons retenir est celle qui consiste à entrer par la finalité recherchée dans le concept «développement», celle qui consiste en la réalisation des meilleures conditions d’épanouissement, de vie en harmonie avec soi, en communauté et avec la nature. Il importe alors dans cet exercice délicat, d’identifier toutes les contraintes d’ordre individuel d’abord, collectif ensuite, psycho-social, politique, physique et matériel, d’afficher la volonté politique locale (individuelle, communautaire) d’abord puis nationale ensuite pour trouver des solutions idoines à ces contraintes. Dans ce cadre, l’initiative des Conseils des ministres décentralisés trouve tout son sens parce qu’elle offre l’opportunité de partager le diagnostic à la base, or la suite logique de ce diagnostic devrait être la planification stratégique locale accompagnée par le Pouvoir central. Dans ce cadre précis, la politique de territorialisation en cours avec l’Acte III de la décentralisation, couronnée par la mise sur pied du Hcct qui ne sera que ce que les Elus locaux en feront, est à encourager et à soutenir parce que conforme à la logique de développement qui est d’abord local et endogène.

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Les difficultés majeures qui freinent ou retardent le décollage économique et social de notre pays sont donc de plusieurs ordres, dont les plus importantes sont les suivantes.

  • L’absence de standardisation ou de modélisation de notre développement en conformité avec notre génie, notre culture, notre environnement naturel et nos ressources endogènes. Les convictions et les synergies sont encore éparpillées entre les modèles, capitalistes, communistes, arabo-islamiques, négro-africains. Il nous faut rompre avec ce mimétisme aliénant et nous concentrer sur nous-mêmes, sur notre devenir en tant que Nation.

  • La fausse perception du développement comme produit exotique made in Europe, importé avec la colonisation et par translation et aliénation, place tous les peuples anciennement colonisés et leurs gouvernements actuels, souvent dans des positions attentistes pour la solution des problèmes, qui par le Pouvoir central ou local, qui par l’Extérieur. Le changement de Mentalité est donc incontournable pour faire comprendre à tous que le développement est d’abord un défi individuel à relever, puis collectif, local avant d’être national.

  • L’absence de vision et de planification stratégique des gouvernants en matière de développement permettant de cerner les problèmes et les enjeux de l’heure pour créer les conditions pour faire face comme cela a été le cas par le passé. Dans ce cadre, il importe de saluer les efforts faits dans le cadre du Pse et ses programmes d’opérationnalisation dont le Pudc, le Prodag, le Pudu, la politique énergétique, la politique infrastructurelle. A ce niveau, le changement de paradigme est donc nécessaire dans la conception de toutes les politiques sectorielles et l’allocation des ressources, qui doivent désormais être fondées et orientées exclusivement sur les besoins des populations et des différents acteurs de développement.

  • Le goût prononcé de la réussite facile, un penchant festif, l’incapacité d’indignation au désœuvrement et à la vie parasitaire, que confirme un adage bien sénégalais «xaliis kenn duko ligey, degn koy lijanté» et qui installent une frange importante de la société en dehors des processus de production, de création de richesses, d’emplois, et de lutte contre la propagation de la pauvreté. Combien sommes-nous dans les grand’places, sous les arbres, dans les coins de rue ou à déambuler dans les rues de nos villes à jouer ou à discuter de matchs, de combats de lutte, de politique politicienne, au lieu de s’employer à plus utile, à la maison, dans le jardin potager, dans le quartier, à la bergerie, à la pêche etc. ? Combien sommes-nous dans les maisons en ville à squatter, le revenu d’un seul membre de la famille ? Combien de mendiants sans aucun handicap importunent passants, alors que nos campagnes ne comptent plus que des vieillards abandonnés à eux-mêmes, les champs tombent en jachère faute de bras ? Combien sont-elles ces personnes qui ont choisi de vivre de panégyriques montées de toutes pièces selon les circonstances pour plumer des cibles qu’ on finit par appauvrir au bout du compte par orgueil mal placé ? C’est sans doute là aussi une perception et un choix de modèle de développement à revoir le cadre de la modélisation de notre développement.

  • La déliquescence de l’esprit patriotique, de la solidarité, de l’amour du terroir, de la citoyenneté, du respect de la chose publique, que confirme l’Adage «alal Buur, Kenn moomu ko», toute chose aggravée par la politique politicienne et ses formes de gestion sectaire peu inclusive qui engendre frustrations, mécontentements et parfois agressivité.

  • Enfin la croyance séculaire monétariste du développement qui évalue le développement d’une personne au montant de son avoir, à ses capacités de thésaurisation et celle d’une contrée au nombre de riches qu’elle compte et non au nombre d’infrastructures utilitaires, une conception sénégalaise devenue une tendance aujourd’hui avec la financiarisation de l’économie mondiale ou économie de casino et ses conséquences néfastes sur l’emploi et la qualité de vie de la plupart de l’humanité.

Débarrassons nous donc de nos péchés mignons, retournons dans nos jardins respectifs pour créer les conditions, de notre propre consécration, de notre propre émergence d’abord, celle de notre terroir ensuite, condition sine qua non pour l’émergence du Sénégal.

 

Waly NDIAYE

Réseau des Experts syndicalistes en Recherche sociale

wandiaye@gmail.com

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