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Sos Consommateurs

Les pays sous-développés, sous la pression des populations tenaillés par la pauvreté avec ses conséquences sur la qualité de la vie, concentrent leur politique de développement sur l’agriculture, l’Education, l’industrie, les mines etc. Certes ils n’ont pas tort car le développement passe obligatoirement par la formation des hommes et la production de richesse.

Ainsi, nos gouvernants n’accordent pas souvent suffisamment d’intérêt à la prévention en matière de santé et de sécurité des populations par rapport aux respects des normes de qualité des produits et des services.

Les pays pauvres n’investissent pas assez dans la prévention et le contrôle des produits alimentaires et industriels. Les consommateurs sont exposés à des dangers tous les jours : intoxication, insécurité, dégradation de l’environnement. Le non-respect des normes impacte également négativement l’économie des pays par divers manques à gagner non négligeables induits.

Pour les produits alimentaires, les états n’ont que très peu d’intérêt pour la sécurité sanitaire des aliments. Le Codex Alimentarius et les Comités Nationaux du Codex Alimentarius (CNCA) rencontrent toutes les difficultés imaginables pour mettre en place une politique de prévention des maladies d’origine alimentaire qui causent pourtant beaucoup de décès à travers le monde. Peu de pays africains ont des agences dédiées à la sécurité sanitaire des aliments. Nos pays n’ont pas un système fonctionnel de réponse aux urgences en matière de sécurité sanitaire des aliments. Ainsi, s’il y a une intoxication de grande ampleur, les populations pourraient se retrouver face à un vide juridique et institutionnel. On ne saurait pas alors qui fait quoi et comment. Souvent, les services de police et de gendarmerie ne sont pas outillés pour intervenir efficacement en cas de toxi-infection alimentaire. On a pu vérifier cela lors du scandale du riz impropre à la consommation humaine au Sénégal. On a entendu des déclarations inopportunes, des résultats d’analyse hors normes. C’était la confusion totale et c’est regrettable.

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Les pays africains doivent revisiter leurs textes normatifs en matière de sécuritaire sanitaire des aliments. Des agences chargées de la sécurité sanitaire des aliments doivent être mises en place avec des feuilles de route conformes aux directives du Codex Alimentarius à côté des CNCA.

Un dispositif de veille sur la sécurité sanitaire des aliments n’a d’effet que si l’Etat peut compter sur un réseau de laboratoires privés et publics crédibles. Le Sénégal a la chance et le privilège d’avoir un réseau de laboratoires privés fiables (Laboratoire de sécurité Alimentaire et d’Hygiène de l’Environnement de l’Institut Pasteur de Dakar, Laboratoire d’Analyse et d’Essai de l’ESP, Laboratoires de l’ITA, Laboratoire de la Fondation Ceres Locustox, Laboratoire de microbiologie de l’EISMV,…). On regrette cependant la privatisation du Laboratoire du Commerce Intérieur dont la mission est la traque des industriels et des importateurs qui ne respectent pas les normes en vigueur. Le Laboratoire National d’Analyse et de Contrôle du Ministère du Commerce est devenu un concurrent des laboratoires privés et cela est un détournement d’objectif. Les consommateurs et les spécialistes des aliments considèrent que la mission du Laboratoire National d’Analyse et de Contrôle est de protéger les consommateurs et non de chercher de l’argent par des prestations de service. Avec le LANAC, les industriels et les importateurs devraient être traqués et sévèrement punis à chaque violation des normes en vigueur.

Si on procédait de façon systématique aux contrôles des produits alimentaires commercialisés au Sénégal, j’ai la forte conviction que certains produits importés ou fabriqués localement seraient retirés du marché et détruits. Ceux qui ont l’habitude de voyager savent que certaines marques de produits laitiers vendus en Europe n’ont pas la même qualité que ceux qui sont consommés au Sénégal.

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Pour les produits industriels tels pétroliers, les états doivent être vigilants. Les possibilités de fraudes sont nombreuses avec des conséquences redoutables sur l’homme, sur l’environnement et sur les moteurs. Récemment, nous avons appris que du pétrole toxique a été commercialisé au Sénégal. La Société Africaine de Raffinage (SAR) a démenti en montrant son laboratoire d’analyses des produits pétroliers mais n’a pas convaincu. La SAR peut et doit disposer de laboratoires de contrôle de ses produits mais si elle a le monopole du contrôle en tant que raffinerie, je ne peux pas lui faire confiance. Je souhaite que des laboratoires publiques ou privés soient créés ou soutenus s’ils existent pour assurer le contrôle des produits pétroliers et similaires de façon systématique.

Sans contrôle des produits, les industriels et les importateurs véreux vont s’enrichir sur le dos des consommateurs avec un réel risque de porter atteinte à leur santé et à leur sécurité. L’exemple du fer non normalisé pourrait être la partie visible de l’iceberg sur la fraude sur plusieurs produits alimentaires et industriels. Pendant des années, des industriels ont vendu au Sénégal du fer hors norme sur le diamètre et sur la longueur. Comment cela a pu être possible dans notre pays ? Dans d’autres secteurs comme l’aliment du bétail et l’engrais, des cas de non conformité sont souvent constatés.

Le Sénégal doit s’enorgueillir d’avoir une agence de normalisation qui fonctionne et tenue par des hommes et des femmes de compétence notoires. L’ASN produit régulièrement des normes consensuelles destinées à protéger les industries et les consommateurs.

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Le Ministère du Commerce doit prendre les dispositions idoines pour contrôler les produits industriels et alimentaires. Le respect des normes garantit la sécurité sanitaire des aliments et la sécurité des populations.

Les associations de consommateurs doivent être plus combatives dans leur mission de protection des consommateurs. On ne les entend pas assez sur le respect des normes. Certes elles n’ont pas assez de moyens humains et financiers mais ce n’est pas une raison pour laisser les consommateurs entre les mains des industriels et des importateurs véreux. Les consommateurs doivent être les partenaires du Ministère du Commerce mais ils doivent faire pression sur lui si la situation l’exige et souvent c’est le cas.

 

Pr Demba Sow

Ecole Supérieure Polytechnique de l’UCAD

Pr Demba SOW

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