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Discours Sur La Violence Et Le Mourisme

Cet important discours de Cheikh A. Ahad Mbacké (troisième Khalife des mourides) a été tenu à l’occasion de veilleités d’altercations et de représailles de certains disciples mourides envers les auteurs d’un article jugé insultant sur Serigne Touba. Ces propos, ressemblant presque mot pour mot à ceux prononcés, plusieurs années plus tard, par son successeur, Serigne Saliou Mbacké, dans des circonstances similaires, reflètent remarquablement l’attitude pacifique et de dépassement que les différents représentants de Cheikh A. Bamba ont toujours manifestée à l’égard de certaines provocations gratuites. Attitude, inspirée du combat et des enseignements non-violents du Serviteur du Prophète, consistant à ne jamais céder aux réflexes naturels de vengeance, par l’agressivité et la violence physique.

L’analyse sereine de ces propos de Baye Lahad et de Baye Saliou semble poser un certain nombre de questions, tout en entrouvrant des perspectives intéressantes de solutions intelligentes à nos condisciples mourides pour mieux faire face aux attaques injustifiées, autrement que par la violence et la furie médiatique.

1- La première remarque est que cette attitude constante et invariable des fils de Serigne Touba remet en cause l’argument le plus courramment avancé dans la Faceboosphère par nos condisciples légitimant le recours à la vengeance.

En effet, la plupart des « mbokk-taalibés », choqués à juste titre par certains propos déplacés envers le Cheikh ou leur doctrine, sont unanimes à soutenir : « Kou niou saagawoon sa baay, di nga dóoré wala nga saaga. Kon souniou wakhee lou niaaw Serigne Touba, mi geun souniou baay, wakh diou niaaw ak dooré la niou ko wara fadié » (S’il paraît à tout un chacun légitime de répondre aux insultes adressées à son père par d’autres insultes ou par la violence. Que dire à fortiori de cette légitimité de la violence envers ceux qui insultent Serigne Touba, qui nous est plus cher que notre père ?).

La question adressée à ces condisciples est celle-ci : « Vous estimez-vous plus déterminé, plus courageux et plus valeureux que ces FILS de Serigne Touba dont on a justement insulté le père et maître ? Etes-vous plus brave et plus digne que Baye Lahad (surnommé « Niakki Thiakhane ») lorsqu’il préconise, à la place de la violence contre les agresseurs de son père, une attitude de dépassement ? Ne voulons-nous pas par là être plus royaliste que le roi ou, pour user d’un jeu de mots, « être Calife à la place du Calife des mourides » ?

2- L’autre argument-pirouette, le plus souvent invoqué par mes condisciples mourides, pour ne pas appliquer certaines directives (Ndigël) ne les arrangeant pas, « Nioom dé da nioo baakh, li niou meun, nioun meunou niou ko » peut également sembler assez léger dans le cas d’espèce. Surtout rapporté aux éclairages de Cheikh Saliou sur les véritables sources de cette attitude laxiste, basés sur des propos rapportés de son père : « Serigne Touba dé neena : Saa you ma leen digeulée ba ngeen nara dieuf, Saytaané day yakh seen khel, naan leen « Li Serigne bi meun, da niou koo meuneu ? Sou niou ko meunoon, dou niou ko topp. Na niou ko topp rekk (té bagna diéema dieufé ay ndigalam). Té fékk, kou topp Serigne Touba, soo meunoul melni moomit, di nga raw sag maas ». » (Il fait partie des ruses de Satan de dissuader les mourides de l’imitation des vertus enseignées par le Cheikh, sous prétexte qu’il sont incapables d’être comme lui).

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La question que pose ce subterfuge mouride est la suivante : « Si maintenant les écrits, paroles et attitudes de Serigne Touba et de ses valeureux épigones, conformes au Coran et à la Sunna, ne constituent plus les matrices de référence des nouveaux et futurs mourides, sur quels fondements doctrinaux consensuels sera établi le Mouridisme du futur ? Sur les seules opinions personnelles, passions ou « haal » de tout un chacun ? » Ndakh loolou dou doy war ?

3- Il est même un autre contre-argument plus grave à l’endroit de mes frères mourides : le fait de ne pas consentir à se conformer aux directives claires des Khalifes de Serigne Touba, sous des prétextes assez légers, ne revient-il pas, en un sens, à s’inscrire, malgré soi, dans le sillage des détracteurs du Khilafat mouride que l’on souhaiterait pourtant corriger ? En d’autres mots, si un Sakho remet en cause la légitimité spirituelle des fils du Cheikh et de ses Khalifes, le fait de ne pas souscrire à leurs orientations et recommandations, tout en se permettant même, au besoin, d’insulter ouvertement ses descendants, ne revient-il pas à une délégitimation intellectuelle de ces derniers (Deschamps) qui ferait de nous d’autres types de Sakho ? Des Sakho zaahir contre d’autres Sakho baatin ?

4- Avons-nous sérieusement envisagé la viabilité et la pertinence de l’option violente actuelle à l’égard des détracteurs du Mouridisme qui résident dans d’autres pays de droit (comme les Etats-Unis), ceux qui utilisent des comptes fictifs anonymes ou bénéficient d’une garde rapprochée conséquente ou sont de grandes figures d’autres communautés ou confréries du pays ? Allons-nous créer des commandos spéciaux « offshore » pour s’attaquer aux détracteurs à l’étranger qui vont devoir faire face aux forces spéciales du FBI ? Imaginons-nous seulement les conséquences humaines et médiatiques désastreuses d’une bavure ou d’une infiltration des expéditions punitives mourides qui aboutirait à un meurtre ou d’autres atteintes à l’intégrité physique des cibles ? Ne risquons-nous pas d’amalgamer la pureté du message et de l’héritage de Cheikh A. Bamba que nous voulons tous défendre ?

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5- La propension actuelle à l’invective violente, aux insultes entre mourides, aux accusations d’ « hypocrisie » et de « vendus » envers tous ceux qui ne partagent pas nos points de vue, les innombrables vidéos impromptues de n’importe qui pouvant dire n’importe quoi sur n’importe qui, tout ce désordre et ce brouhaha (entretenu par certains condisciples radicaux, à des fins stratégiques) ne risquent-ils pas de préfigurer, non canalisés, une désunion des mourides et des germes de terrorisme au sein même de la communauté ? Le fait que des condisciples n’hésitent plus à faire ouvertement des appels au meurtre, à insulter nommément des dignitaires ou d’autres condisciples mourides, à n’observer aucune mesure dans leurs propos, n’augure-t-il pas d’une boko-haramisation latente de certaines franges du Mouridisme à même de remettre un jour en cause, non seulement le message humaniste et non-violent de Cheikh A. Bamba, mais d’installer un chaos ingérable, qu’aucune force ou Ndigël ne pourrait circonscrire ? Car, il faut le savoir, surtout pour ceux qui pensent naïvement que la « renaissance des kourous baye-fall » est la panacée, les graines de la violence externe, semées dans l’insouciance et la négligence, engendrent toujours les fruits de la violence interne?

6- Le fait de remettre en cause l’option violente pour faire face aux attaques gratuites contre les fondements du Mouridisme, ne signifie aucunement laisser passivement les détracteurs continuer à s’en prendre à nos valeurs sans conséquence. Car il existe plusieurs autres options alternatives pacifiques pas moins efficaces, plus conformes aux enseignement du Cheikh et convenant plus au contexte mondialisé actuel. Parmi ces approches :

– Porter plainte contre les auteurs de propos insultants et d’offenses malveillantes envers le Mouridisme, comme le prévoit le Code Pénal sénégalais sur les injures et agressions contre toute congrégation religieuse du pays. A l’instar de ce qui s’est passé dans le récent cas, les autorités mourides détenant un réel pouvoir dans le pays, ont toute latitude pour user de leur influence et prérogatives pour initier et suivre l’aboutissement de ces plaintes plus conformes à l’Etat de droit et à une nation civilisée. Au cas où ces plaintes ne seraient pas suivies d’effet et ne serviraient à rien, l’autorité mouride devrait alors en tirer toutes les conséquences et prendre ses responsabilités. Cette alternative légaliste de respect des dispositions institutionnelles du pays est celle que Cheikh A. Ahad choisit, lorsqu’il fallut par exemple matérialiser son interdiction de certains produits et comportements non conformes à la sacralité de Touba. A travers un document officiel délivré par le Procureur de la République, contresigné par tous ses frères réunis, et la mise en place d’une police et d’une gendarmerie spéciales (seule détentrices de la « violence publique ») à l’intérieur de la cité religieuse, plutôt que de mettre en place des milices mourides exclusives chargées de faire respecter ces interdits, avec tous les risques de dérapages que l’on connaît.

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– Pour ceux qui utiliseraient les symboles mourides à des fins non conformes à leur sacralité (stars, acteurs médiatiques etc.), des mises en gardes et des remises à l’ordre régulières seront destinées, dans la sérénité et la fermeté. Afin qu’ils sachent que ces valeurs ne sont pas susceptibles de certains usages profanes. En cas de récidives, d’autres voies de recours judiciaires ou autres pourraient être envisagées. S’il faut, pour cela, militer pour une adaptation de nos textes de lois en ce sens, les autorités et compétences mourides habilitées devraient le faire.

– Prendre officiellement contact avec les gestionnaires de YouTube et de Facebook, à travers l’Etat du Sénégal s’il le faut, dans l’éventualité de supprimer et de bloquer tout contenu attentoire à la stabilité et au vivre ensemble de notre pays.

– Donner une plus grande priorité aux réponses intellectuelles et argumentées, par la mise en place de plateforme de recherche et de supports de diffusion médiatiques plus conséquentes dans notre communauté. Plateformes à même de répondre efficacement, en temps réel, à certaines attaques, tout en dépassant le piège de la défensive, en proposant constamment des contenus capables d’armer intellectuellement et spirituellement les condisciples mourides disséminés à travers le monde.

– Et toute autre démarche que les nombreuses compétences mourides (en communication, en droit, en informatique, en sciences religieuses etc.) pourraient proposer pour parer à certaines dérives de plus en plus fréquentes sur le web et qui risquent, mal gérées, de remettre en cause, à terme, notre unité et la légendaire stabilité de notre pays.

Puisse le Seigneur nous assister tous, dans la sauvegarde de notre patrimoine commun.

Dans la paix et la prospérité pour tous.

 

A. Aziz Mbacké Majalis

A. Aziz MBACKE Majalis
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