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Pourquoi Je Conteste Le Rapport De Timbuktu Institute « Sur Les Facteurs De Radicalisation…chez Les Jeunes Dans La Grande Banlieue De Dakar » ?

« Il existe des personnages qui ont tant de faces et tant de profondeurs sous chaque face qu’ils sont impénétrables au moment ou ils jouent et qu’ils ne peuvent être expliqués que longtemps après la partie » (Balzac « une ténébreuse affaire »).

Dans les journaux du mardi 11 octobre 2016, il a été divulgué les conclusions d’un rapport sur les facteurs de radicalisation et perception du terrorisme dans la grande banlieue de Dakar. Mon attention a été particulièrement retenue par l’une des conclusions de cette enquête : «2 femmes prêtes à intégrer le terrorisme » (observateur des mardi 11 et mercredi 12 octobre 2016). En raison du caractère complexe de la question, objet de cette étude, je conteste vigoureusement ladite conclusion jusqu’à preuve du contraire.

Premièrement, comme la plupart des résultats des enquêtes en sciences sociales qu’on nous bombarde par voie de presse, il n’a pas été exposé de façon exhaustive la méthodologie adoptée pour arriver à ces conclusions. Or, tous les spécialistes en sciences sociales savent que dans ce domaine, c’est la rigueur méthodologique qui permet d’arriver à des résultats ou des conclusions scientifiquement acceptables et fiables. Les auteurs de ce rapport ont voulu mettre l’accent sur le niveau des enquêteurs qui ont au moins la licence. Mais cela ne signifie rien dans une étude de ce genre pour laquelle on peut avoir la licence et même un diplôme qui lui est supérieur sans maîtriser les techniques d’enquête en sciences sociales.

Deuxièmement, la question de l’identification d’éventuels radicalisés JIHADDISTES par une enquête en sciences sociales comporte un biais insurmontable. De sorte qu’elle relève plus du domaine du renseignement policier ou militaire que de celui des enquêtes en sciences sociales. Et dans le cas d’espèce, il est primordial d’intégrer dans les équipes d’enquêtes et de renseignement des psychologues et des psychiatres. Maintenant une fois le JIHADDISTE arrêté, il serait intéressant en aval de déterminer son profil et d’étudier les facteurs favorisants.

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La personne qui s’est radicalisée ou qui est en voie de l’être ne le dira jamais à un enquêteur par ce canal. La personne qui le dit dans ses conditions exprime plus une frustration qu’une volonté de se radicaliser. Elle-même, dans son subconscient, ne se prend pas au sérieux contrairement à son interviewer, qui, lui, par ignorance, peut bien la prendre au sérieux. Combien de fois avons-nous entendu des compatriotes frustrés, menacés de mettre fin à leur vie et ne jamais passer à l’acte ? Combien de fois avons-nous entendu des compatriotes dans leur action revendicative dire qu’ils sont prêts à braver les forces de l’ordre jusqu’à donner leur vie et prendre la fuite dès la première apparition d’un homme en tenue ou le premier jet de grenade ?

Troisièmement, il faut ne pas comprendre le processus de radicalisation et le profil des personnes radicalisées pour croire à une telle conclusion. D’abord, la circonscription de l’étude au niveau de la banlieue pose un réel problème car les personnes radicalisées peuvent venir même de milieu aisé.

Voir une personne radicalisée au Sénégal, c’est bien du domaine du possible. Cependant, notre pays n’offre pas un terrain fertile du fait que la religion islamique y est acquise majoritairement par une socialisation basée sur le système confrérique. Beaucoup d’entre nous sont de leur confession religieuse parce qu’ils sont simplement nés et socialisés dans des familles membres de la même confession. En conséquence, au Sénégal, une offense à un marabout est plus susceptible de provoquer un comportement radical ou extrémiste qu’une offense au prophète de l’islam (PSL). Sans aucune démagogie, chaque sénégalais connaît au moins un compatriote prêt à tout-y compris donner sa vie- pour son marabout.

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Toutefois, la grande chance de notre pays est que nos principales confréries ont des doctrines basées sur la paix et la non violence et leur fondateur l’ont démontré dans leur œuvre de façon exemplaire.

En conclusion, un JIHADDISTE qui veut faire une action terroriste ne se signale jamais. Il cache méticuleusement son jeu de sorte que même ses proches ne le voient pas venir et frapper. Dès les premiers contacts, il est isolé, ou lui-même s’isole, idéologiquement de son monde pour ne faire confiance qu’aux siens. Tous les JIDDAHISTES qui bombent le torse le font derrière les caméras ou à travers la magie du net.

Les recruteurs JIHADDISTES travaillent à surprendre au moment de leur acte et c’est tellement évident que sans surprise, ils ne parviendraient à rien. Ils utilisent dans le processus de radicalisation de leurs adeptes principalement deux techniques:

1- La manipulation qui désigne la volonté délibérée d’un individu de vouloir affecter les attitudes ou le comportement d’autrui en utilisant des stratégies et des procédures d’influence dont ce dernier ne peut être conscient.

2- L’endoctrinement qui consiste à faire adopter à quelqu’un sa doctrine, sa pensée ses règles, parfois de façon aveugle.

Par la combinaison réussie de ces deux techniques, ce qui est recherché c’est la déviance conduisant l’individu à adopter un comportement délictueux, pathologique et asocial.

Une fois la soumission obtenue, comme « possédé par un démon », l’individu se montre disponible à exécuter n’importe quelle tache pour la cause, même au péril de sa propre vie qui devient insignifiante à la mesure de la récompense espérée.

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En définitive, je le rappelle encore, la meilleure arme pour identifier des personnes susceptibles de se radicaliser c’est le renseignement, avec la réserve que dans ce cas précis, les enquêteurs (officiers de police ou de l’armée, magistrats) doivent se renforcer par des spécialistes du comportement humain que sont les psychiatres et les psychologues qui sont à distinguer des sociologues qui sont, eux, des spécialistes des faits sociaux.

 

Khalifa Babacar DIAGNE

Psychologue Conseiller

Master en droits humains

Maîtrise en interrelation population,

Développement et santé de la reproduction

DESS en gestion des projets

Assistant social Diplômé d’Etat

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