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Opinions, Idées et Débats des Sénégalais

Rébellion Au Parti Socialiste Ou Quête D’une Restauration De La Démocratie Interne ?

En ma qualité de militant socialiste, responsable de département et membre du Bureau politique, j’ai décidé de prendre ma plume après avoir lu le point de vue exprimé par l’analyste politique Yoro Dia : «Le Ps est actuellement le seul parti po­litique au Sénégal… ; Ce qui se pas­se au Ps est normal, mais le respect des décisions de la majorité s’impose», paru dans «L’Ob­servateur» du mardi 25 octobre 2016.

Et si j’interviens dans le débat qui traverse notre parti, en tant que Socialiste engagé et dans tous les combats depuis 2000 aux côtés du Secrétaire général, le camarade Ousmane Tanor Dieng, c’est moins pour répondre à l’analyste politique que pour éclairer les Séné­galais qui, comme lui, peuvent être abusés par les artifices et autres manœuvres de la direction du Parti socialiste. En effet, à la lecture de l’avis de M. Dia et du journal L’Obs du 25 octobre 2016, c’est comme si dans notre parti il y avait d’une part une majorité de Socialistes autour de Tanor, très respectueuse des textes du parti (statuts et Ri) et d’autre part une minorité de Socialistes autour de Khalifa et Cie, dissidente et indisciplinée, refusant de respecter la volonté du plus grand nombre.

Il n’en est rien. La vérité est que depuis que le 15ème Congrès des 6 et 7 Juin 2014 à Dakar, la «nouvelle direction», sous la houlette du camarade Ousmane Tanor Dieng, réputé un homme équilibré, privilégie le «centralisme, diktat d’une minorité» sur la «démocratie, le plus grand nombre» et viole de façon consciente les textes fondamentaux du parti.

Une stratégie délibérée pour ne pas réunir les instances du Parti socialiste aux périodes fixées par nos textes et une volonté acharnée de ressusciter le centralisme démocratique.

Le 15ème Congrès du Ps a procédé à des modifications importantes au niveau des statuts et du règlement intérieur, notamment par la restructuration des instances de direction :

  • La suppression du Conseil na­tional, le renforcement des prérogatives et l’augmentation des ef­fectifs du Comité Central (Cc) qui doit se réunir au moins tous les quatre (4) mois en session ordinaire sans compter les sessions ex­traordinaires ;
  • L’élargissement des effectifs du Bureau politique (Bp) qui, désormais, doit se réunir chaque mois au lieu de chaque semaine, avant juin 2014 ;
  • Et la création d’un Secrétariat exécutif national (Sen), structure légère et restreinte, devant se réunir tous les 15 jours, comme instance de préparation des réunions du Bp et du Cc.

Après la tenue de ce congrès or­dinaire en juin 2014, le Secrétaire général est resté plus de six mois avant de convoquer la première session du Comité central (20 décembre 2016). Progressivement, il a été constaté un fonctionnement irrégulier des instances, voire un quasi gel des réunions du Bureau politique et du Comité central. A la place, il est organisé des réunions du Secrétariat exécutif national qui est devenu, par la volonté du Se­cré­taire général, l’instance de direction du Parti socialiste.

Donnons quelques chiffres en guise d’illustration :

  • Le Comité central qui devait être convoqué tous les quatre mois s’est réuni seulement deux (2) fois sur sept (7), alors «qu’il est entre deux congrès l’instance de direction et de prise de décisions» (Art. 28 des statuts de 2014) ;
  • Le Bureau politique devait se réunir tous les mois. Si l’on prend la référence décembre 2014, il de­vait se réunir vingt-deux (22) fois, il ne s’est réuni que six (6) fois ;
  • Le Secrétariat exécutif national qui est «l’instance de préparation des réunions du Bp et du Cc» – Art. 30 des statuts de 2014, s’est réuni quant à lui 35 fois sur 44, faisant mieux, un peu plus régulier que les autres organes. Mais dans la pratique, on peut noter que le Sen, instance de préparation des réunions du Bp, quand il se réunit 35 fois, si l’on suit la logique de nos textes, le Bp devrait se réunir au moins de moitié, soit 18 fois. Il ne s’est réuni encore une fois que 6 fois. Le Sen s’est mis ainsi dans la logique de se substituer au Bp et au Cc, de tenter de confisquer les attributions du Cc et du Bp, d’étouffer la démocratie interne et d’exercer ainsi une gestion solitaire et autocratique du Parti socialiste.

Sénégalaises et Sénégalais, c’est cette situation impensable, ina­c­ceptable et intolérable que vit le parti de Senghor, situation que dé­noncent et combattent les camarades catalogués à dessein dissidents, tous les Socialistes de cœur, épris de justice et de fonctionnement démocratique.

De 2000 à 2012, le Parti socialiste s’est illustré dans tous les combats contre la corruption, la gabegie et le népotisme d’Etat, et pour le respect des libertés publiques, la gestion vertueuse de nos ressources et une République des valeurs. Ce Parti socialiste était en effet au-devant de tous les combats pour la démocratie et le développement du Sénégal, publiant régulièrement des communiqués pour dénoncer les dérives de toutes sortes du pouvoir de l’époque.

Aujourd’hui, le Parti socialiste ne s’illustre plus dans le débat sur la situation nationale. Un exemple pour illustrer le mutisme inquiétant de la direction du parti sur les questions nationales. Depuis qu’on parle du scandale du pétrole, l’affaire Pétro-Tim, le Parti socialiste a adopté la stratégie du silence. En vérité, la nouvelle «direction», le Secrétariat exécutif national déroule sa stratégie de collaboration et de contribution sans désemparer de­puis le dernier congrès du Parti socialiste. Le Bureau politique est muselé par sa fumeuse invention de «Bureau politique thématique» transformé en centre de formation où on discute de tout sauf de questions politiques. Que les responsables du Parti ne s’y trompent point, cette trouvaille n’est rien d’autre que le moyen d’empêcher tout débat politique et démocratique sur la volonté de la direction de notre parti qui a été prise d’inféoder et de remorquer le Parti socialiste aux intérêts de l’Apr et de son chef, ainsi que l’atteste le soutien aveugle qu’elle a apporté au reniement du Président Macky Sall sur la réduction du mandat.

Cette situation de non débat, no­tre grand frère, le Sg Ousmane Ta­nor Dieng, que je respecte beaucoup, en est très conscient. Il n’est plus à l’avant-garde du combat pour la démocratie, il se contente simplement de tenir son chrono en réunions de bureau politique (5 mars 2016 ou 30 juillet 2016), «Top ! Vos deux minutes sont é­pui­sées.» C’est l’absence de démocratie qui explique que, privés d’espaces de débat dans les instances régulières du parti, des responsables prennent des positions publiques dans la presse ou que des militants dé­boussolés par les positions de la direction viennent envahir une réu­nion du Bp pour tenter de s’y opposer.

Sénégalaises et Sénégalais, c’est cette situation impensable, inacceptable et intolérable que dé­noncent et combattent les camarades catalogués à dessein dissidents, tous ces Socialistes de cœur, épris de justice et de fonctionnement démocratique du parti de Senghor.

Une violation volontaire des textes fondamentaux du Ps

Le congrès des 6 et 7 juin 2014 avait aussi pour mandat de modifier les statuts et le règlement intérieur. Il n’avait pas fini de valider les statuts et le règlement intérieur. C’est là le point de départ des violations répétées des textes fondamentaux du parti. En effet, c’est une commission d’harmonisation des textes, mise en place par le Sen en février 2015, qui a introduit les mo­difications qui ont été validées par le Bureau politique (voir communiqué du fameux Bp du 5 mars 2016 et lettre du ministère de l’Intérieur N° 004662 en date du 6 mai 2016).

Cette validation des textes du parti par le Bureau politique est contraire aux statuts du Ps qui, en leurs articles 46 (statuts de 2014) ou 45 (statuts de 2007) disposent : «Les présents statuts ne peuvent être modifiés que par le congrès sur proposition du Cc.» C’est une première violation que dénoncent les camarades Bar­thélemy et Cie.

Ensuite, il a été constaté un autre glissement, comme l’a précisé d’ail­leurs le Professeur Ablaye Elimane Kane lors des réunions, entre les modifications arrêtées par le con­grès et celles répertoriées par la com­mission d’harmonisation du 31 mars 2015 au 5 mars 2016. Par exemple, le Sen a été retenu par le congrès comme structure légère et restreinte du Bureau politique, comme une instance de préparation de réunions (voir article 30 des statuts), mais la commission d’harmonisation rajoute dans le règlement intérieur (Art. 20) que «le Secrétariat exécutif national peut statuer sur toutes les questions relatives à la vie du parti et de la Nation, entre deux sessions du bureau politique». Cela a été une grande déviation qui fait du Sen un organe de direction qui valide les propositions du Sg. En effet, il s’agit d’un grand coup d’Etat savamment orchestré, dans la mesure où l’essentiel des membres du bureau politique et du secrétariat exécutif sont coptés par le Sg, à telle enseigne qu’ils sont devenus majoritaires dans ces instances, au détriment des responsables de coordination, d’U­nion départementale et d’Union régionale, dépositaires de la volonté de la base du Parti socialiste.

Voilà la triste réalité de ce qu’est devenu le Parti socialiste actuel, le parti de Léopold Sédar Senghor.

Par ailleurs, le congrès de juin 2014 n’a jamais parlé de bureau politique thématique. C’est le camarade Alioune Badara Faye qui en a parlé pour la première fois, à la session inaugurale du Bp du 7 février 2015 (voir Pv du Bp du 7 février 2015) et cela a été intégré dans les nouveaux statuts et est utilisé par la nouvelle «direction» comme nouvel outil pour museler le parti et empêcher l’expression libre et plurielle des responsables.

Sénégalaises et Sénégalais, C’est cette situation impensable, inacceptable et intolérable que dé­noncent et combattent les camarades catalogués à dessein dissidents, tous ces Socialistes de cœur, épris de justice et de fonctionnement démocratique du parti de Senghor.

Les exemples de violation des textes du parti sont nombreux, mais ne pouvant pas les citer tous, je vais en donner le tout dernier : le processus de consultation des coordinations par lettre circulaire.

Le bureau politique et le secrétariat exécutif ont pris la décision de poursuivre le partenariat avec l’Apr au sein de la coalition Benno bokk yaakaar et de consulter les coordinations sur trois questions concernant les perspectives électorales. A première vue, le procédé peut paraître démocratique et émerveiller les observateurs qui se réjouissent de voir enfin un parti politique qui consulte sa base. Mais quand on y regarde de plus près, on relève une entorse des règles du Parti socialiste : d’abord, la direction actuelle a volontairement omis de recueillir le point de vue du comité central qui, «entre deux congrès, est l’instance de direction du Parti socialiste» (Art. 28 des Statuts de 2014). Sur des questions politiques aussi importantes, c’est le comité central qui est habilité, le Bp, encore moins le Sen, ne peut pas demander à des coordinations de décider de rester ou pas dans la coalition Bby, c’est une consultation jugée illégale en raison de la violation des règles de procédures et de fond. Les résultats de cette consultation ne sauraient engager les militants socialistes épris de justice et de démocratie. En effet, quand les principes de base (statuts) d’un parti politique sont bafouillés, il ne devrait plus avoir de loi de la majorité. Cette dernière n’a de sens que, quand les principes volontairement arrêtés par tous sont respectés. Dans ce cas, quand le texte fondamental est respecté, on peut être d’accord avec l’avis de l’excellent analyste politique M. Yoro Dia : une minorité qui se soumet à la décision de la majorité.

Sous un autre registre, quand on analyse le déroulement de cette consultation et les résultats qui ont été publiés, on constate de la nouvelle «direction» de la précipitation, un manque de sérénité et des scores annoncés, dignes de l’ère des régimes de dictature. D’abord, la circulaire N°002/SG/PS/­02/­08­/­2016, donc datée du 2 août, fixe le démarrage des opérations de consultation le 1er août, un jour avant sa propre signature, je cite «la période de réunion des commissions administratives des coordinations du 1er au 30 août 2016 et demande qu’un observateur délégué, désigné par le Sg de l’Union régionale, puisse signer le Pv de dépouillement, entre autres». Ensuite, non seulement le Se­crétaire national aux élections, le camarade Serigne Mbaye Thiam, s’est volontairement trompé dans sa déclaration liminaire sur la période de consultation de la circulaire N°002, en indiquant du 2 au 31 août 2016 au lieu du 1er au 30 août, mais le délai de consultation a été prolongé jusqu’au 17 septembre 2016, sans circulaire additive du Sg.

Ainsi, beaucoup de questions peuvent se poser. Combien de procès-verbaux ont été reçus le 30 août 2016, considéré comme délai de rigueur par la circulaire N°002 ? Les Pv reçus entre le 31 août et le 17 septembre 2016, soit après l’expiration du délai fixé par la circulaire N°002, sont-ils recevables ? Qui a désigné les observateurs délégués des régions de Saint-Louis et Kaolack qui n’ont pas encore de Sg, puisque c’est de notoriété publique que ces deux régions n’ont pas encore installé leur union régionale ? Autant de questions qui montrent que les résultats annoncés ne sont pas sincères et ne traduisent pas la volonté de la majorité des militants de notre parti. En effet, quand on enlèvera du décompte tous les Pv qui sont reçus après le 30 août et ceux des deux régions de Saint-Louis et Kaolack dont la procédure a été viciée, il est certain que la question «le Ps reste dans Bby» n’obtiendra pas 10 mille voix sur les 27 mille 200, soit moins de 37%, au lieu des 16 mille 227 voix pour le Bby sur 27 mille 200 Socialistes du collège de ces grands électeurs des 136 coordinations lé­galement constituées dont se glorifie le secrétaire national aux élections, le camarade Serigne Mbaye Thiam. Manifestement, avec tous les cas de figure, on arrive à des ré­sultats de consultation des coordinations non sincères, corrompus et entachés de beaucoup d’illégalités.

Sénégalaises et Sénégalais, c’est cette situation impensable, ina­c­ceptable et intolérable que dé­noncent et combattent les camarades catalogués à dessein dissidents, tous ces Socialistes de cœur, épris de justice et de fonctionnement démocratique du Parti socialiste.

Que la nouvelle «direction» du parti ne s’y trompe point, tous ces militants socialistes qui sont plusieurs dizaines de milliers sont déterminés, comme Senghor et les pères fondateurs de notre parti, à travailler à l’avènement d’un projet de société socialiste et ce, par la conquête légitime et l’exercice du pouvoir né de l’expression du suffrage universel, comme le rappelait si bien le préambule des statuts de 2014 du Parti socialiste.

 

Saliou SARR

Membre du Bureau Politique – Parti Socialiste

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