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Le Grand Dilemme De Khalifa Sall

Assurément, Khalifa Sall vit les moments les plus difficiles de sa longue carrière politique. En effet, il fait face à un grand di­lemme. Soit il abandonne toute velléité de rébellion et se range tranquillement derrière Tanor, attendant son heure, soit il claque la porte du parti et s’en va assumer son destin. Cependant, quel que soit son choix, celui-ci sera lourd de conséquences.

Mais d’abord, qui est Khalifa Sall ?

Il est un pur produit du Parti socialiste qui lui a permis d’accéder, très jeune, à des postes de responsabilité tant au sein du parti que dans l’appareil d’Etat.

Ainsi, après avoir occupé le poste stratégique de secrétaire national des Jeunesses socialistes, il deviendra membre du Bureau politique et responsable de la vie politique. Elu député en 1983, il restera à l’Assemblée nationale jusqu’en 1993. Au gouvernement, il sera nommé successivement ministre chargé des Relations avec les Assemblées, puis ministre du Commerce. Actuellement, il est le maire de la ville de Dakar, après avoir été le premier maire de la nouvelle Commune d’arrondissement de Grand Yoff.

C’est dire donc qu’il a un vécu et une expérience politique solide, mais surtout, il bénéficie d’une légitimité dans le parti que même Tanor et certains de ses affidés ne peuvent revendiquer. Mais depuis quelque temps, sa position dans le parti devient de plus en plus problématique. En effet, il ne peut pas imaginer que le Parti socialiste ne puisse avoir un candidat issu de ses rangs à l’élection présidentielle de 2019. Beaucoup de militants et sympathisants socialistes pensent comme lui, alors que la stratégie de Tanor semble être la suivante : laisser Macky Sall avoir un deuxième mandat et après on verra. Moustapha Niasse l’a clamé haut et fort tandis que Tanor, bien qu’il soit dans la même logique, donne l’impression de le penser tout bas.

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Cette lecture de la position de Tanor pousse depuis un certain temps quelques militants socialistes, qui se réclament de Khalifa Sall et qui voient en lui «le candidat naturel du parti», notamment Barth’, Bamba Fall, Idrissa Diallo et tant d’autres, à monter au créneau pour attaquer de manière virulente Tanor, pendant que leur «mentor», en militant rompu aux arcanes de la politique, se tient coi, ne manifestant ni son approbation ni sa désapprobation.

Cependant, le temps lui est compté, car 2019 approche à grands pas et il devra rapidement se déterminer et dire clairement ce qu’il compte faire. Mais il ne doit se faire aucune illusion parce qu’on ne lui fera pas de cadeau. Et il le sait. Déjà, dans son bras de fer avec l’Etat sur de nombreux dossiers, l’opinion n’a pas senti un soutien ferme et résolu de la part de ses camarades socialistes.

En restant dans le parti, Khalifa Sall sait que sa marge de manœuvre y sera de plus en plus réduite pour deux raisons :

– Premièrement, en politicien chevronné, Ousmane Tanor Dieng a verrouillé le parti en mettant ses «hommes et femmes de confiance» aux postes de décision, Serigne Mbaye Thiam, Aminata Mbengue Ndiaye, Wilane, pour ne citer que ceux-là,

– Deuxièmement, et c’est la raison qui, de loin, me semble la plus pertinente, Tanor sait qu’il ne peut plus être président de la République, parce qu’il prend de l’âge et son image passe difficilement chez nombre d’électeurs, ses scores qui déclinent à chaque élection le démontrent à souhait. Mais comme il a besoin d’exister comme tout homme politique sous tous les cieux, il lui faut une place de choix dans l’espace politique national et peut-être au-delà qui le rende visible et incontournable. Ses adversaires, au sein du Parti socialiste, notamment le groupe qui tourne autour de Khalifa Sall, crient au scandale et soutiennent volontiers que leur secrétaire général a «vendu» leur parti à Macky Sall.

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Son compagnonnage avec Macky Sall en est une preuve évidente. Pour beaucoup d’observateurs de la scène politique sénégalaise, il est étonnant voire incompréhensible de voir le plus vieux parti de ce pays, le plus structuré, le mieux implanté et qui l’a dirigé pendant quarante ans, être à la remorque d’un autre, fût-il celui du Président en exercice. Mais il faut reconnaître ceci : en retour, Macky Sall le rend bien au leader socialiste en ne manquant aucune occasion pour lui tresser des lauriers et surtout en créant pour lui, dans l’agencement constitutionnel de notre pays, une station digne de son rang et des «services» rendus : le Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct).

C’est dire donc que Khalifa Sall, s’il veut être élu président de la République du Sénégal, n’a apparemment plus aucun intérêt à rester dans le Parti socialiste. En effet, 2024 est très loin et à cette date, il aura soixante-huit ans. Et le fait que Tanor ait porté plainte contre X et que ce ne sont que les personnes qui se réclament de lui qui font l’objet de convocation à la Dic illustre le dessein de Tanor de vouloir faire le vide autour de lui avant de lui donner l’estocade. En effet, dans le passé, il y a eu des bagarres entre militants, avec mort d’hommes, sans que la justice y soit mêlée, parce qu’un problème politique qui a eu lieu dans l’enceinte du parti se règle politiquement dans le parti.

Khalifa Sall est donc aujourd’hui à la croisée des chemins et le moment de vérité pour lui est venu. Il doit faire un choix, un choix qui sera forcément douloureux, parce que mettant en conflit sa fidélité à un parti où il a consacré l’essentiel de sa vie politique avec ses hauts et ses bas, et la conviction qu’on lui prête de vouloir briguer le suffrage des Sénégalais. D’autres avant lui l’ont fait avec plus ou moins de bonheur, et le meilleur exemple en est Macky Sall qui, actuellement, préside aux destinées de ce pays. Il a eu le courage de «remettre» à Abdoulaye Wade tout ce qu’il lui avait confié pour aller parcourir le pays en croyant en sa bonne étoile, et la chance lui a souri.

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Abdoul Aziz THIAM

zizmalick@yahoo.fr

 

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