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La Presqu’île De Dakar : Corniches, éclats Et Paradoxes…

Où va la presqu’île de Dakar ?

Je reprends à mon compte la «question au sphinx» posée, il y a quelques années, par le philosophe français qui prônait l’alliance avec le cosmos, Pierre Fougeyrollas.

Un jour ou l’autre, cette question épineuse (la rose et ses épines…) sera posée aux Dakarois et surtout aux Dakaroises car, comme l’a écrit le poète Louis Aragon, «la femme est l’avenir de l’homme…»

L’avenir de Dakar sera ce que les Dakaroises voudront bien en faire car les Dakarois – j’en suis un – ne savent plus regarder leur ville…

Fort heureusement pour eux – pour nous – ils continuent à regarder les belles Dakaroises…

«Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre…» (Jean, 8).

Dakar est-elle encore une Dakaroise ?

Le doute est permis car Dakar, avant le critère esthétique, est confrontée à plusieurs problèmes qui ont pour nom : insalubrité, désordre, encombrement, et bientôt asphyxie…

«Vade Retro satanas…»

Des études de santé publique restent à faire ou à publier : la pollution sonore est devenue chronique et les «sirènes dakaroises» chantent toutes, bruyamment, avant le premier chant du coq mais – c’est notre chance – après les oiseaux, les oiseaux de l’aube…

L’insalubrité galopante était déjà «visible» à la fin du vingtième siècle : elle n’a fait, depuis lors, que «croître et embellir»…

S’agit-il seulement d’un problème de moyens ou s’agit-il plutôt d’un problème d’allocation des ressources : il faudra décider bientôt et surtout expliquer aux citoyens de toutes origines.

L’éducation – hygiène, propreté, sécurité – devra être renforcée dans les écoles et les lieux d’apprentissage, les apprentissages de base.

Un exemple nous est offert par la Corniche Ouest – ce n’est pas celle que je préfère – qui mêle beauté et laideur avec une balance qui aurait tendance à pencher, depuis quelques années, plutôt en faveur de la laideur…

La Corniche Ouest constitue un des axes majeurs de la presqu’île de Dakar (Axis Mundi ?) ; nous savons tous là où elle commence et là où elle finit, car nous sommes très nombreux à l’emprunter de jour comme de nuit…

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Il est vrai que je rencontre parfois tard la nuit – plutôt au début du jour naissant – un «ours blanc» sur un écran : qui l’eût cru ?

Cet «ours blanc» vient-il de la mer ?

Côté mer, côté terre, que choisir au réveil : une Corniche ou ses éclats, une Corniche ou ses paradoxes ?

Tous ceux de ma génération – la classe 55 – ont accouru un matin – c’était l’hivernage – sur la plage très propre de Fann Hock pour venir «contempler» le cachalot qui s’était échoué là, sur la plage, pour des raisons inexpliquées, peut-être mystérieuses…

La Pointe de Fann, peuplée dès le néolithique, est mystérieuse ; je suis un enfant de la Pointe de Fann – Made in Manouche – et je ne suis pas seul…

Qui se souvient encore du «cachalot de Fann Hock», ce grand cétacé qui nous avait tous éblouis et qui ne nous ressemblait pas, tant s’en faut ; sa période de gestation atteint seize mois…

La Corniche Ouest était, à cette époque, dans les années soixante, belle à regarder de près comme de loin ; elle a changé, sans vieillir pourtant et, seule compte aujourd’hui «la vision de loin» car la mer est loin et souvent sa couleur change avant le crépuscule…

La plupart des aéronefs qui doivent se poser sur la piste d’atterrissage de l’Aéroport Léopold Sédar Senghor «font le détour» par la Pointe de Fann, à l’exception de quelques-uns, dont celui du 29 août 1960…

Pointe de Fann, Pointe des Almadies, le chemin de la lumière est tracé, phare ou grotte, la Corniche est un chemin…

Au demeurant, le Président Léopold Sédar Senghor avait choisi de faire construire le Musée Dynamique entre deux phares : le phare du Cap Manuel et le Phare des Mamelles…

Corniche Ouest : ligne de lumière ?

Les Dakarois et les Dakaroises mais surtout les Dakaroises peuvent changer ensemble le visage «troublant» de la Corniche Ouest et lui redonner sa beauté d’autrefois voire même «accroître cette beauté» car nous sommes entrés dans le vingt et unième siècle, le siècle des possibles, des alternances de toute nature et des alternatives…

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Il est vrai que certains parmi ceux et celles que nous aimions ont quitté le convoi terrestre pour rejoindre le convoi céleste, le seul qui connaisse la fin du chemin de l’homme pour le fils de l’homme…

«Réapprendre la Corniche Ouest» devrait être notre nouveau défi : comment et quand lui rendre sa beauté perdue ?

Regardons-la ensemble : le Bloc des Madeleines, le futur Mémorial de Gorée, la sculpture aérienne du «Footballeur», la Porte du Millénaire, la Mosquée Al Hajj Omar, le Cimetière musulman, le Village artisanal, le Musée Dynamique, la Place du Souvenir, la sculpture du Président Poète, le Musée Léopold Sédar Senghor, la Mosquée de la Divinité, le Monument de la Renaissance africaine, le Phare des Mamelles, le Phare de l’Espérance, la Grotte de la lumière : tous les symboles du littoral sont là et ils s’offrent à nos yeux et surtout à notre esprit…

N’oublions pas que l’atelier de céramique le plus imposant de l’Afrique de l’Ouest se trouvait à l’intérieur du Village artisanal de Soumbédioune et que le «Maître de l’argile» le regretté Alpha Sow du Village des arts de Dakar, y officiait ainsi que celui qui fut son élève, le regretté Souleymane Kéita, le «Maître de Gorée» (SK est resté à Gorée…).

Plusieurs pistes existent et les urbanistes, les architectes, les sociologues, tous ces professionnels compétents que j’avais pourtant interpellés en 1997 dans un texte publié et intitulé «Dakar : architecture et désordre» seront mis à contribution pour nous proposer, en relation avec les autorités en charge de la gestion de la ville de Dakar, de bonnes solutions, des solutions durables, respectueuses de l’environnement, des solutions esthétiques.

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Une mobilisation s’est faite déjà et elle a produit plusieurs fruits autour de la défense du littoral : la cause est noble, elle le restera et elle mérite d’être soutenue.

Une mobilisation de même nature, citoyenne, est possible pour rendre à la Corniche Ouest son lustre du premier matin de la presqu’île…

«Je ne sais en quel temps c’était, je confonds toujours l’enfance et l’Eden, je mêle la mort et la vie, un pont de douceur les relie…», écrivait le poète des bolongs du Sine, Léopold Sédar Senghor.

Je l’ai écrit il y a quelques mois, dans un message fraternel adressé à un ami lointain : il est rare, voire surréaliste, d’observer sur une voie routière adossée à la mer, des automobiles côtoyer des pirogues…

Cette rencontre étonnante devrait – aurait dû – nous faire penser à la création d’une belle «gare piroguière» à Soumbé­diou­ne et tous les artistes qui décorent les pirogues, celles qui prennent la mer et celles qui restent sur la terre ferme, rivaliseront d’ingéniosité et de créativité pour donner à ces embarcations qui affrontent la mer tous les matins, des couleurs qui nous ressembleront et un visage «dakarois» qui se transformera pour tous les touristes de la capitale en un inoubliable «souvenir dakarois… »

«Un chemin, une route, une mer…» : telle est la définition d’une corniche.

Toutes les corniches ne se ressemblent pas mais, comme les cœurs, toutes les corniches se touchent…

Dakarois, Dakaroises – surtout Dakaroises – unissons nos cœurs, unissons la terre et la mer et changeons notre ville, changeons notre Corniche Ouest…

Demain la mer, demain toutes les mères de la terre et du ciel…

Les masques tombent toujours, un jour ou l’autre, près de la mer : le mien est tombé et d’autres masques tomberont près de la mer…

«Ne fixe pas la route, suis la… » (Fernando Pessoa)

 

Jean Michel SECK

Alias Vovo Bombyx – BP 231 – Dakar

 

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