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L’affaire Barthélémy Dias Ou Le Procès D’une Résistance Citoyenne Et Politique

En France, des années après la victoire des Alliés, plusieurs résistants aux nazis et à leurs collabos ont été mis en cause. L’affaire Guingouin mit en cause un ancien chef Franc Tireur et Partisan qui fit face pendant 4 ans à la police vichyste et aux SS.

Comme en France, au Sénégal, après la réhabilitation politique de femmes et d’hommes au cœur de l’ancien pouvoir combattu, le nouveau pouvoir s’en prend à une figure de la résistance citoyenne : Barthélémy Dias.

Nous devons dire à Barthélémy Dias ce que De Gaulle avait dit, le 14 avril 1955, pour manifester son soutien à Guingouin: « Je n’ai pas oublié que Guingouin fut un combattant de la liberté et qu’il a maintes fois risqué sa vie pour la France ».

Barthélémy Dias est menacé aujourd’hui par ceux-là même qui sans la mobilisation des milliers de Barthélémy Dias, de Malick Noël Seck, de Fanta Diallo, de Fadel Barro, de Mor Talla Mané, de Abou Badji dit Bour, de Ngonè Ndiaye, de Aïda Sopi Niang, de Cheikh Bamba Sambe, de Seydou Goudiaby, de Ngolo Taméga et tous les résistants connus et anonymes de l’époque, organisés ou pas dans le cadre du mouvement du 23 juin, de Y en a marre…n’auraient pas accédé au pouvoir en 2012. La révolution citoyenne avec ses 17 morts dont Ndiaga Diouf, ses blessés…a sauvé le Sénégal de l’instauration d’une dynastie.

Sa volonté d’indépendance et son refus de satellisation du PS voilà le crime que doit expier le baudet du jour devant le lion qui dort devant l’UE, le FMI, la Banque Mondiale, l’OMC, le franc CFA, l’APE, les Franck Timiss…Avant lui Sonko et Pastef car constituant un problème qui remet en cause la bipolarisation de la scène politique en libéraux sociaux et sociaux libéraux inféodés à la Triade (Etats-Unis, Union Européenne, Japon) s’alternant sous le mot d’ordre de TINA (There Is No Alternative). Avant Sonko : Malick Noël Seck. C’est pour la même raison que le lion se réveille dès que son deuxième mandat est menacé également par une possible sortie du PS ou de larges franges de celui-ci de Benno Bokk Yaakar.

Le président Macky Sall est vassalisé au CAC 40 qui est satisfait de sa collaboration néocoloniale (Nécotrans, Sonatel, Senac, francophonie, APE…), même s’il souhaite avoir sa part de pétrole au Sénégal. Le PS français – socialiste en théorie et impérialiste en réalité -, bras armé du CAC 40, dit à son homme de main le président Tanor Dieng qu’il n’y a aucune raison de chasser Macky Sall puisqu’il garantit les intérêts français au Sénégal. Donc pas besoin de candidatures « socialistes » pour les prochaines élections législatives et présidentielle. En guise de compensation et consolation Tanor et ses souteneurs obtiendront la présidence du HCCT. Une candidature du PS sénégalais affaiblirait le candidat Macky Sall. Donc, même une candidature de Khalifa Sall qui ne remettrait pas en cause le franc CFA, l’APE, la filialisation de la Sonatel par France Télécom…serait aussi un saut vers l’inconnu, une aventure risquée pour le CAC 40. Risque que la France ne veut pas prendre. Tel est aussi l’autre sens de l’affaire Barthélémy Dias.

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C’est à l’initiative du Parquet, aux ordres du gouvernement sénégalais, qu’une procédure est engagée contre Barthélémy Dias 5 ans après les faits. Procédure mise en œuvre contre un résistant pour fait de résistance que l’on tente d’assimiler cinq ans plus tard à un acte criminel de droit commun. Au même moment, ceux qui réprimaient la résistance, ceux qui incarnaient l’ancien Sénégal duquel les citoyens cherchent encore à se débarrasser sont recyclés par la majorité présidentielle (Ousmane Ngom, Djibo Kâ, Awa « kuddu » Ndiaye, Khouraïchi Thiam, Abdou Khafor Touré…). Les citoyens se posent encore des questions sur les libérations de Thione Seck et de Taïb Socé. Luc Nicolaï vient d’adhérer à l’APR confirmant que ce n’est pas une vue de l’esprit quand le peuple dit que les politiciens échappent à la justice en adhérant au parti et à la coalition présidentiels. Pratiques qui font qu’on est amené à se demander si Honoré de Balzac ne parlait pas pour le Sénégal du 21e siècle lui qui a dit : « on reproche sévèrement à la vertu ses défauts, tandis qu’on est plein d’indulgence pour les qualités du vice ». Son compatriote aurait ajouté « Les jugements de la cour vous rendront blanc ou noir selon… ».

Les institutions sénégalaises (assemblée nationale, justice…) sont des institutions de classe au service de la bourgeoisie bureaucratique et de l’impérialisme. Pourquoi la majorité actuelle à l’assemblée nationale ne convoque pas sur des dossiers comme la Sonatel, le pétrole, le zircon, l’APE…elle dont le chef a été chassé de la présidence de l’assemblée nationale car il voulait convoquer le fils de l’ancien président de la république pour explication ?

Que vivent alors loin des lumières des média et sans la protection de l’écharpe et de l’immunité parlementaires les syndicalistes intègres, les travailleurs consciencieux, les paysans affamés pour avoir exprimé leur point de vue, déclaré leur désaccord ou tout simplement critiqué ?

Barthélémy Dias cherche un blanchiment complet, ce qui est légitime. Le Parquet cherche à l’intimider et à faire reculer Khalifa Sall. Jusqu’où cette tentative de briser un irréductible à travers l’intimidation ira-t-elle ?

L’on sait très bien pourquoi ce n’est qu’en 2016 que le maître des poursuites enrôle le dossier Barthélémy pour le 20 octobre, que le Procureur général près la Cour d’Appel de Dakar formule une demande de levée de l’immunité parlementaire de Barthélémy Dias en saisissant le 24 octobre dernier le ministère de la justice qui à son tour a transmis la correspondance au bureau de l’assemblée nationale.

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Nous sommes en face d’une justice politique. « Celle-ci, dans tous les pays du monde, est rendue pour servir le pouvoir soit en rendant un jugement d’une extrême indulgence, parce qu’il est politiquement utile d’épargner certaines causes ou certains justiciables, soit en prenant une décision particulièrement sévère afin d’éliminer un adversaire politique irrécupérable tout en le discréditant devant l’opinion publique ». Ousmane Sonko a fait les frais de cette justice politique à travers « une décision particulièrement sévère » de révocation de l’administration.

Les objectifs de ce procès contre Barthélémy Dias dépassent de très loin la personne de Barthélémy Dias. La justice politique sénégalaise va juger non seulement un résistant mais également l’histoire récente comprise entre 2011 et 2012 et la mobilisation citoyenne qui a frayé la deuxième alternance.

En 2011, dans la commune de Tambacounda, je rentre chez moi en moto. Il est 19h30. Entre le « Stop Abdou Cissokho » et l’ancien « garage Dakar », je suis poursuivi par des 4X4. Sur ces 4X4 avec des photos de campagne du candidat Abdoulaye Wade des nervis avec à leur tête le secrétaire général de l’Ujtl de la région de Tambacounda Abdou Ba (il vient d’adhérer à l’APR). Ils me rattraperont. Ils voleront ordinateur, appareil photo numérique, argent…Ils me roueront de coups et partiront pour revenir. Je passerai la nuit au commissariat de police de Tambacounda. Le matin j’irai à l’hôpital régional pour des soins. Si j’avais un pistolet pendant cette course poursuite où ma vie était en danger qu’en aurai-je fait ? Ma vie était en danger car j’aurai pu tomber de ma moto. Ma vie était en danger car, quand ils sont revenus et le responsable de l’Ujtl a dit à ses nervis : « tuer le ! ». Je ne dus mon salut qu’au commandant du corps urbain, Mané, qui m’exfiltra après leur avoir dit : « ça ne se fera pas devant moi ». Qu’aurai-je fait d’une arme en ce moment si j’en avais une ? Ce cas est loin d’être isolé dans le contexte de l’époque où par exemple avant chaque arrivée du candidat Abdoulaye Wade dans une localité ses militants, à l’aide de nervis, tiraient sur tout ce qui bougeait pour « sécuriser » leurs meetings. Je comprends Barthélémy Dias en cette folle matinée du 22 décembre 2011. Je suis Barthélémy Dias ! Le juge intégrera t-il ce contexte ?

Même les policiers avaient pris des libertés incroyables notamment en visant la tête de candidats à l’élection présidentielle en tirant des grenades lacrymogènes. C’est comme cela qu’un manifestant du M23 de Tambacounda a eu le crâne ouvert par une grenade lacrymogène lors d’une manifestation devant le commissariat de police de Tambacounda. Ces mêmes libertés ont conduit un policier à heurter avec le « dragon » notre cher et regretté Mamadou Diop. Comment dans un contexte pareil réagirions-nous face à une attaque comme celle de la mairie de Mermoz-Sacré Cœur le 22 décembre 2011 en fin de matinée avec 4 à 6 pick-up remplis de nervis, venant du siège du PDS ?

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Barthélémy Dias est un des parfaits boucs émissaires d’une politique anti citoyenne, anti résistance. Où était le président Macky Sall quand la CNTS résistait et qu’il fallait l’assimiler ou la casser ? Où était le président Macky Sall quand les sénégalais qui résistaient en participant aux Assises Nationale étaient menacés ?

Pourquoi avoir attendu tout ce temps ? Il fallait attendre pour deux raisons : continuer à disposer d’une épée de Damoclès qui pourrait mettre au pas un potentiel adversaire politique d’une part et tenter d’égarer le juge d’autre part car l’on sait que : « Le juge opère au présent. Il tend à s’égarer dans la durée historique’ ». « La justice contribue à l’Histoire, comme ce fut le cas à Nuremberg, lorsqu’elle s’inscrit dans le présent immédiat où il est possible d’apprécier réellement les actes dont l’accusé répond. Au contraire, la rupture entre le temps des faits et le temps du jugement est incompatible avec l’exigence d’un procès équitable, particulièrement lorsqu’il est de nature politique. »

Le juge caressera t-il les vainqueurs de 2012 dans le sens du poil ? Tentera t-il d’enrober avec du droit une décision politique de condamnation de Barthélémy Dias ? Osera t-il légitimer cette commande politique ? Faire de Barthélémy Dias un coupable, c’est innocenter l’expédition punitive envoyée à la mairie de Mermoz Sacré-Coeur et ses commanditaires politiques qui ne sont autres que le PDS à l’époque au pouvoir. Cette tentative de voler notre histoire en voulant faire passer l’agressé pour l’agresseur ne passera pas.

Avec l’affaire Barthélémy Dias, qui fait suite à celle d’Ousmane Sonko, Ce n’est ni Barthélémy ni Ousmane qui sont en cause. Il y a une tentative à travers eux de diffuser un message auprès de beaucoup de citoyens en pensant que cela les dissuaderait de s’impliquerait dans les luttes de résistances actuelles et à venir. Que nous restera t-il de notre mobilisation citoyenne si après sa trahison, on laisse s’attaquer à nos camarades de lutte ? Faisons face !

En attendant, n’oublions jamais que les Barthélémy Dias furent des combattants de la liberté et qu’ils ont maintes fois risqué leur vie pour le Sénégal.

Dakar, le 22 novembre 2016

 

Guy Marius SAGNA

email: guymarius_sagna@yahoo.fr Tèl: 77 524 94 41

 

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