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Santé Au Sénégal : Ce N’est Pas L’appareil De Radiothérapie, Mais Le Système Qu’il Faut Arrêter

Le Sénégal c’est des réunions interministérielles chaque année pour valider des feuilles de route «Doing business». La réunion interministérielle du 18 janvier 2016 a adopté 34 mesures et celle du 6 février 2017 a adopté une feuille de route de 9 nouvelles mesures. Le pays de la Teranga pour Ide est, selon les projections du World Economic Forum, le 3e meilleur taux de croissance du continent avec 6,6% derrière la Côte d’Ivoire et la Tanzanie avec respectivement 8,5% et un peu moins de 7%. Le think-tank Legatum Institue a déclaré le Sénégal dans le top 10 des pays les plus prospères d’Afrique en 2016. L’indice Mo Ibrahim a classé le Sénégal 10e en matière de bonne gouvernance sur 54 pays. En 2015, le Sénégal était parmi les pays «intermédiaires inférieurs». En 2016, le Sénégal se retrouve parmi les «économies faibles». L’Africa Performance Index (Api) a classé, pour couronner le tout, le Sénégal 2e meilleur ministère d’Economie et des finances d’Afrique. Et après ?

Le seul appareil de radiothérapie du Sénégal est à l’arrêt. Cet appareil de seconde main acquis en 1989 a fonctionné pendant 28 ans. 28 ans, ce sont les 5 ans du président Macky, de l’Apr et de Bby, 12 ans du président Wade, du Pds et de ses alliés et les 11 dernières années du président Diouf et du Ps. Alors que les normes voudraient qu’il y ait un appareil de ce type pour 200.000 habitants, soit 70 appareils pour 14 millions de Sénégalais, le Sénégal n’avait qu’un appareil qui était devenu dangereux pour les malades, au point qu’il a été mis à l’arrêt.

L’arrêt de cet appareil de radiothérapie est un acte d’accusation contre les trois partis politiques, les quatre présidents et le système que les Sénégalais ont connu jusqu’ici : le néo colonialisme.

L’affaire de l’appareil de radiothérapie ne constitue malheureusement qu’un des éléments parmi d’autres, reflétant la grave crise du secteur de la santé.

Une santé malade*

89 médecins en spécialisation de la promotion 2015-2016  sont restés un (01) an sans percevoir de bourse d’un montant de 150.000 FCfa. Dans cette même promotion, 17 médecins ont bénéficié de bourses offertes par la Fondation Sonatel (15 bourses) et la Coopération technique belge (Ctb) (02 bourses). Des bourses vont être attribuées à 20 autres étudiants. Bourses octroyées cette fois-ci encore par la Belgique. A ces 89 médecins qui sont en deuxième année de spécialisation et dont le problème n’est pas encore réglé, il faudra ajouter les médecins de la promotion 2016-2017.

Sur les 2500 médecins spécialistes, les Sénégalais ne représentent que 37% de l’effectif. En plus de ce manque de médecins spécialistes dans un pays où la population augmente de plus de 3% par an, le Sénégal est caractérisé par une forte concentration  des médecins spécialistes dans la capitale (environ 70%).

Ainsi par exemple :

– le Sénégal n’a pas recruté d’ophtalmologistes depuis 5 ans et sur les 63 ophtalmologistes que compte le Sénégal, les 83% (57) sont dans la région de Dakar du fait d’une mauvaise répartition qui prive 8 régions d’oculistes. 26.000 à 29.000 personnes attendent d’être opérées de la cataracte depuis 2012.

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– le Sénégal n’a pas plus de  50 radiologues et en dehors de Dakar, il n’y a que Thiès qui bénéficie de radiologues en permanence. Dans les autres villes il n’y en a pas.

-Plus de 249 malades sont inscrits depuis 2014 sur la liste d’attente pour se faire opérer du cœur. Rien que pour le remplacement de la valve cardiaque, les patients doivent débourser entre 2 et 3 millions de FCfa.

Pour l’Oms, il faut 6 sages-femmes pour 1.000 naissances vivantes. Le Sénégal disposait en 2015 de 1716 sages-femmes soit 2 sages-femmes pour 1.000 grossesses. 37% des sages-femmes sont en zone urbaine et Dakar qui a 25% de la population a 33% des sages-femmes. Ainsi, il y a un gap de 4.000 sages-femmes à combler. D’où, seuls 59% des accouchements sont assistés par un personnel médical qualifié. Et à Ziguinchor, il y a 1 sage femme pour 3.335 femmes en âge de reproduction alors que la norme Oms est d’une sage-femme pour 300 femmes. Voilà pourquoi il y a plus de 27.700 enfants de moins de cinq ans qui meurent chaque année au Sénégal et 4 femmes au moins qui meurent quotidiennement d’une grossesse ou des suites d’une grossesse.

L’extérieur pour combler les besoins

Les coordonnateurs de programmes nationaux de santé se plaignent tous de la faiblesse de leur budget. Le ministre de la Santé et de l’action sociale ainsi que les députés demandent tous les ans l’augmentation significative du budget de l’action sociale. Dans les localités, ce sont les organisations non gouvernementales étrangères qui financent les activités. La grave dépendance de notre système de santé est aussi illustrée par les 80% du budget du programme de lutte contre le Vih et 70% du budget du programme élargi de vaccination (Pev) provenant de l’extérieur.

Quand il est permis au capital international de prendre 97% de l’or d’un pays, de piller dans des proportions similaires le zircon, les ressources halieutiques et les autres ressources ; de privatiser les entreprises nationales (chemin de fer, eau, téléphone…) ; que des pans entier de son économie soient contrôlés par le capital étranger (banques, assurances, ports…)…où l’Etat prendra t-il l’argent pour financer la sortie du sous-développement et donc la santé ? A cela s’ajoute un train de vie indécent de l’Etat semi-colonial imposé par les différentes bourgeoisies bureaucratiques qui se sont succédé au pouvoir. Par exemple, les 3 présidents de la République, de l’Assemblée nationale, du Haut conseil des collectivités territoriales se partagent chaque année 9 milliards de fonds secrets.

Quand les gouvernements se signent au nom du Fmi, de la Bm et de l’Omc ça ne peut donner que cette crise structurelle de la santé dans un pays. Rafael Corrèa a raison, parlant à l’Espagne et aux autres pays européens en crise, de dire : «si vous voulez éradiquer le chômage, n’écoutez pas les conseils du Fmi. Nous n’avons pas vu de missions du Fmi depuis que je suis président et on se porte mieux que jamais. On parle du «miracle équatorien» nous sommes le pays avec plus de croissance, qui a le plus réduit la pauvreté, les inégalités, le chômage. (…) Nous avons fait le contraire de ce que disait l’économie orthodoxe, du Fmi (…)».

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Les quatre présidents, le Ps, le Pds, l’Apr et leurs alliés n’ont aucune excuse.

En 2014, l’Oms qualifiait le système de santé cubain «d’exemple à suivre». Pourquoi ?

«D’après l’Onu, la mortalité infantile à Cuba est de 4,2 pour 1000 soit le taux le plus faible du continent américain, Usa compris, alors qu’elle s’élevait à 69,8% pour 1000 avant la révolution. L’espérance de vie est de 79,4 ans, soit 0,3 ans de plus qu’aux Etats-Unis. Meilleur chiffre du continent américain derrière le Canada et le Chili, il correspond à la moyenne des pays riches de l’Ocde.»

Au Sénégal, l’espérance de vie est de 56,6 ans (chiffres de 2003) la mortalité infanto-juvénile est de 78,7 pour 1000 alors qu’à Cuba rappelons-le elle est à 4,2 pour 1000. A lui tout seul, ce chiffre résume la différence abyssale de la santé des populations cubaines et sénégalaises. Cette différence est aussi le résultat d’une différence d’option et de système.

Des hommes moins intelligents que

les bêtes ?

Le «(…) Sénégal est le plus gros bénéficiaire de ressources financières de l’Ida, jamais octroyées à un pays en une année». Cuba, c’est 77% de la population nées sous un blocus qui dure depuis plus de 50 ans.

Le Sénégal, c’est des réunions interministérielles chaque année pour valider des feuilles de route du «Doing business». En 2016 la réunion interministérielle s’est tenue le 18 janvier et a adopté 34 mesures et en 2017 elle s’est tenue le 6 février et a adopté une feuille de route de 9 nouvelles mesures. Le pays de la Teranga pour Ide, c’est selon les projections du World Economic Forum, le 3e meilleur taux de croissance du continent avec 6,6% derrière la Côte d’Ivoire et la Tanzanie, avec respectivement 8,5% et un peu moins de 7%. En 2015, le Sénégal était parmi les pays « intermédiaires inférieurs » en 2016, le Sénégal se retrouve parmi les «économies faibles».

Cuba c’est le refus des ajustements néo-libéraux et l’incarnation de ce que l’historien américain Arthur Schlesinger appela le «danger d’un bon exemple». Le Sénégal, c’est la vitrine politique de la françafric, le bon élève et chouchou du Fonds de la Misère Instantanée (Fmi) comme l’appelait avec raison Pouemi.

Il en est de la santé comme de l’éducation.

« En 1961, soit deux ans après la révolution, Cuba fut l’un des rares pays à avoir éradiqué l’analphabétisme. Le taux d’alphabétisation des 15-24 ans atteint aujourd’hui les 100% et celui des adultes 99,8% ce qui place Cuba parmi les cinq pays les plus alphabétisés du monde. En 1959, Cuba ne comptait qu’une seule université. Aujourd’hui l’île compte 52 établissements d’enseignement supérieur. » Au Sénégal, 57 ans après l’indépendance le taux d’analphabétisme est de 54,6%.

Après la 1ère guerre mondiale, la commune coloniale de Fatick, (Sénégal) a participé à la reconstruction de la commune de Pelves (dans le département du Pas-de-Calais dans le Nord de la France) en versant 8.000 francs. Cela n’a jamais cessé. Fatick continue de venir à la rescousse du reste du monde. Résultat : 67,8% des populations de Fatick sont pauvres. Le Sénégal se trouve dans la même situation à cause de femmes et hommes politiques qui appliquent des politiques néo coloniales.

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Comment ne pas résumer la tragédie du peuple sénégalais, et partant de tous les peuples africains, comme l’avait fait la Communarde Louise Michel après la défaite de la Commune de Paris : «Quand un essaim d’abeilles, pillé par les frelons, n’a plus de miel dans sa ruche, il fait une guerre à mort aux bandits avant de recommencer le travail. Nous, nous parlementons avec les frelons humains, leur demandant humblement de laisser un peu de miel au fond de l’alvéole, afin que la ruche puisse recommencer à se remplir pour eux. Les animaux s’unissent contre le danger commun; les bœufs sauvages s’en vont par bandes chercher des pâtures plus fertiles: ensemble, ils font tête aux loups. Les hommes, seuls, ne s’uniraient pas pour traverser l’époque terrible où nous sommes ! Serions-nous moins intelligents que la bête ? » (L’ère Nouvelle 1887).

Il y a de quoi s’interroger comme Fodé Rolland Diagne. «Nous autres Africains, sommes nous «moins intelligents que les bêtes» comme n’ont cessé de le propager les esclavagistes, les colonialistes et les néocolonialistes et que nos libéraux pour des intérêts de classes bourgeoises vassalisées ont intégré ?».

Comme d’autres peuples à travers le monde l’ont réalisé, les peuples africains se libéreront de l’oppression néo coloniale. Cette libération passera par :

1) L’édification d’une grande organisation patriotique autour d’un programme anti-libéral et anti-impérialiste de souveraineté nationale. Ce processus est en cours entre le Front National de Salut Public Moom Sa Réew, Pastef, le Rnd, Taxaw Temm et Yoonu Askan Wi/Mouvement pour l’autonomie populaire. La non-concrétisation dans les meilleurs délais de cette fusion ne fera qu’éloigner le moment de l’émancipation et donc faire durer encore les drames auxquels les Africains sont confrontés. Toute divergence qui ne serait pas programmatique, dans ce processus, ne serait que vétille et infantilisme au vu de ce que les peuples attendent des révolutionnaires sénégalais ;

2) La présentation au Sénégal d’une candidature et d’une liste propre à la Présidentielle et aux Législatives 2017/2019 par la promotion d’un mouvement d’autonomie populaire. La Coalition Samm Li Nu Bokk contribue à l’édification de cette unité ;

3) La mobilisation de larges mouvements populaires contre la stratégie du chaos des impérialistes et l’adhésion des gouvernements serviles africains au piège de la «lutte contre le terrorisme» des Usa/­Ue/Otan/Israël/Monarchies des pétrodollars/terroristes wahabo-takfiristes ;

4) Développer la solidarité panafricaine des peuples contre les guerres impérialistes en Afrique ;

5) Œuvrer à la solidarité internationaliste avec les peuples des Etats impérialistes agresseurs victimes aussi des régressions sociales et anti-démocratiques.

Guy Marius SAGNA

*Les intertitres sont de la Rédaction. Ndlr.

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