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Caisse D’avances De La Ville De Dakar : Le Problème Ce N’est Pas Khalifa Sall, C’est La « Loi » !

Quand on s’autorise à parler de « fonds politiques », dans l’affaire « caisse d’avances » c’est que, dans les deux cas, il s’agit d’argent public dont l’usage est dispensé de certains des plus importants principes de la comptabilité publique. La régie d’avances déroge au principe traditionnel de la séparation ordonnateur / comptable (le premier est autorisé à engager et à liquider les dépenses ; le second est celui qui, concrètement, paie). La caisse d’avances déroge à un principe majeur de la comptabilité publique qui exige que l’Etat ne paie qu’après un service effectué.

Pour le cas de la caisse d’avances de la ville de Dakar, on peut résumer en disant que le processus de décaissement des fonds commence par l’établissement d’une facture fictive par un fournisseur et s’achève par l’utilisation discrétionnaire par le maire des sommes décaissées, notamment à des « fins sociales » (l’opération globale ayant fait intervenir Fournisseur de facture ; le Préfet et son gestionnaire ; Percepteur ; Comptable). Dès lors, la désignation sur la facture ne peut pas, par définition, correspondre à l’usage qui a été fait du montant en cause. C’est donc la réglementation elle-même qui cautionne ce mécanisme, en permettant de couvrir la vraie utilisation desdits fonds.

Ainsi exposé, on voit bien qu’au-delà des termes utilisés, le régime juridique de cette caisse est très proche de celui des fonds spéciaux prévus, à l’échelon supérieur, pour « l’Etat central », avec cette fois-ci une souplesse et une « discrétionnarité » extrêmement marquées. Le fonctionnement de la caisse d’avances est, à cet effet, négligeable si on le compare à celui des fonds spéciaux (fonds politiques).

Concernant les fonds politiques, le Premier ministre répartit librement les fonds entre les ministres, ceux-ci rendent compte (oralement ?) de l’emploi des fonds au chef du gouvernement et en reçoivent quitus, le Premier ministre informe à son tour (oralement ?) le Président de la République de l’utilisation qui a été faite des fonds. Aucune pièce justificative ! Aucune trace !

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Une erreur d’analyse quand on traite, dans le contexte politique sénégalais, de la gabegie, du détournement de deniers publics, de la gestion publique, c’est de s’arrêter sur des mots (en disant que l’on ne peut pas parler de fonds politiques parce qu’un fonds de cette sorte n’existe pas pour une collectivité locale…). Certes, pour une stricte analyse juridique ou, plus précisément, en matière de finances publiques, il est bien d’être rigoureux. Mais pour éclairer le citoyen, il est bon d’aller à l’essentiel et aussi de coller à la problématique qui caractérise le contexte politique dans lequel celui-ci vit !

Ce dont nous parlons ici vise alors un obstacle majeur à notre démocratie, à notre émergence. Un obstacle à la bonne gestion et utilisation des deniers publics. L’obstacle qui fausse, de manière insidieuse, les règles du jeu démocratique : il s’agit de la souplesse excessive à pouvoir mobiliser certains fonds publics. Appelez cela comme vous voulez : « fonds spéciaux », « fonds secrets », « dépenses diverses », « régie d’avances », « caisse d’avances », etc.

Quand on expose clairement le régime juridique de toutes ces notions au Citoyen, ce dernier identifie systématiquement le problème : le risque d’une utilisation arbitraire de l’argent publique en raison de la facilité à mobiliser cet argent. La souplesse à décaisser de l’argent publique doit être justifiée par un motif de la plus haute importance (la sécurité de la collectivité nationale) ou par une situation d’extrême urgence (catastrophe). Au-delà, l’extrême rigueur doit être de mise parce que notre honnêteté devient la proie d’une tentation (pour le reste on se connait entre Sénégalais !).

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Alors pourquoi les politiques ne dénoncent pas cela plutôt que de s’attarder sur la personne d’un Khalifa ou d’un Macky ? (notons en passant que la pratique bien ancrée est que ces fonds sont toujours intégralement dépensés avant la passation de pouvoirs au successeur).

Les minorités parlementaires, comme l’opposition en général, ne s’obstinent jamais à essayer de lever la discrétion qui entoure l’usage de ces fonds. Sans doute, ils sont « inspirés par le sentiment que, leur tour venu, ils seraient heureux de profiter à leur tour d’une réciproque discrétion… »

Louis Andrieux, se référant à son expérience personnelle, résume très bien cette douloureuse solidarité politique (douloureuse seulement pour le citoyen ordinaire) : « D’autres avant moi auraient dû peut-être projeter quelques rayons de lumière sur la caisse des fonds secrets : les uns sont ministres, d’autres l’ont été, les autres espèrent le devenir, tous ont peur de « gâter le métier » ». (la France, dont on a hérité ces mécanismes, a rompu avec cette pratique depuis 2001 : les fonds spéciaux ne couvrent plus que certaines opérations relatives à la sécurité nationale).

Voilà la vérité de la situation du Sénégal. Tant qu’une lumière ne sera pas jetée sur certains pans de ces fonds où l’usage discrétionnaire et le secret ne sont pas nécessaires, notre démocratie sera minée, notre « émergence » reportée.

La morale de cette affaire est donc que le citoyen ordinaire (et même le partisan, pourvu toutefois qu’il enlève sa « rationnelle » casquette de « militant » pro K. Sall, pro M. Sall, pro K. Wade, pro I. Seck…) devrait saisir l’occasion pour s’intéresser à l’urgente problématique de certaines règles de la gestion publique et devenir plus exigeant dorénavant. A leur côté, les spécialistes devraient être animés par « la conviction de répondre aux plus légitimes questions des concitoyens cherchant, pour fonder plus lucidement leurs comportements politiques, à s’éclairer sur un grand défi porté à la démocratie ».

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Le problème c’est donc, d’ABORD, les fonds politiques ! mais cela c’est trop sensible pour l’homme politique qui veut faire fortune à partir de l’argent public ou qui veut utiliser cet argent pour gravir les échelons ! C’est aussi trop sensible pour le dignitaire qui compte sur le soutien financier des politiciens pour renforcer sa légitimité sociale ! C’est aussi trop sensible pour le ou la jeune militant(e) qui ne gage sa réussite sociale que sur le succès de son leader ! REVEILLONS-NOUS !

NB : Quant à la justice sélective, nous n’avons jamais cessé de dire qu’elle est vécue de plein fouet par les Gens Ordinaires, sans que l’on s’en offusque outre mesure. Pourtant, qui dira que leur liberté vaut moins que celle de l’Homme politique ? Notre mal est profond, alors creusons plutôt que de nous indigner à la surface !

En voyant notre signature, certains diront que cet article est partisan. Qui veut croire à un mensonge, c’est son droit ! Qui veut esquiver la vérité, c’est son droit ! Mais notre engagement politique est assumé ! Et la teneur de ce mot n’est pas fonction de la pratique du « politicien » !

 

FRONT AU SERVICE DES SÉNÉGALAIS

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