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An V Du Président Macky Sall: Un Héritage Démocratique Sabordé

Le 31 décembre 1980, le président Léopold Sédar Senghor démissionnait volontairement de ses fonctions de chef de l’Etat du Sénégal, à l’âge de 74 ans, pour céder le pouvoir au premier ministre Abdou Diouf, âgé de 45 ans, en vertu de l’article 35 de la Constitution du Sénégal de l’époque.

Le 20 mars 2000, lendemain du scrutin présidentiel, au petit matin, le président Abdou Diouf, 65 ans, décrochait son téléphone pour appeler et féliciter son challenger Abdoulaye Wade, 74 ans, pour sa victoire, coupant ainsi l’herbe sous les pieds des ‘’faucons’’ du Parti Socialiste (…), prêts à tout pour conserver le pouvoir, et qui lui en ont alors voulu à mort.

Le 25 mars 2012, peu de temps seulement après la fermeture des bureaux de vote, alors que les premiers résultats étaient annoncés via les radio, les télévisions ou les réseaux sociaux, mais avec des tendances lourdes en faveur du candidat Macky Sall, le président Abdoulaye Wade, 86 ans, qui avait déclaré auparavant qu’il ne ferait pas moins que le président Abdou Diouf, a téléphoné à son challenger Macky Sall, 51 ans, pour le féliciter de sa victoire et soulager du coup tout un peuple.

Ces trois transitions démocratiques et transmissions pacifiques du pouvoir, alors que tout le monde craignait le pire pour le Sénégal, achèvent de convaincre les plus sceptiques sur la véritable stature d’hommes d’Etat des différents présidents de la République qui ont dirigé le Sénégal jusqu’ici, en dépit de leurs quelques travers, tolérables tout de même. Ce sont des humains avant tout, donc naturellement imparfaits. Ces dévolutions du pouvoir, sans effusion de sang, alors que les campagnes électorales ou les situations difficiles qui les ont précédés ont été lourds de dangers, (dé)montrent à suffisance la maturité du peuple sénégalais dont on dit même qu’il est très en avance sur les gouvernants.

Les avancées démocratiques significatives à mettre au crédit des présidents Abdou Diouf et Abdoulaye Wade sont nombreuses et multiformes. La limitation des partis politiques était l’une des principales critiques adressées par l’opposition au président Léopold Sédar Senghor. Dans un souci de démocratisation totale, son successeur, le président Abdou Diouf, en prend acte et l’abroge. Cette réforme qui instaure le multipartisme intégral (‘’Djakka djaa ngui nii ku mën na nodd’’) en 1981 fait sortir de l’ombre les multiples partis clandestins.

En 1988, au sortir d’élections tumultueuses ayant occasionné l’état d’urgence et le couvre-feu, le président Abdou Diouf tend la main ‘’au chef de l’opposition parlementaire’’ , Me Abdoulaye Wade, qui sera reçu au palais présidentiel, le jeudi 26 mai 1988, flanqué de son lieutenant Me Ousmane Ngom, pour un tête-à-tête avec le couple Abdou Diouf-Jean Collin pour ‘’parler de Tout avec un grand T’’ comme l’a fait savoir Me Abdoulaye Wade au sortir de l’audience. Un véritable dialogue entre le chef de l’Etat et ses opposants.

Le 7 février 1992, le président Abdou Diouf avait adopté un Code électoral consensuel, ?sans en changer une virgule?, ce qui permettra l’organisation des élections de 1993 dans une relative transparence. Et c’est le même Code électoral, resté en vigueur jusqu’en 2000, qui a permis l’alternance au pouvoir. Entretemps, dans le cadre des gouvernements dits de majorité présidentielle élargie, le président Abdou Diouf a expérimenté une formule originale consistant à associer le plus grand parti de l’opposition, le Parti démocratique sénégalais (Pds) à l’exercice du pouvoir. Ce qui n’a jamais empêché par ailleurs Me Abdoulaye Wade et les ministres Pds, de rendre leurs démissions du gouvernement, à l’approche d’élections majeures. Cette trouvaille avait l’avantage de ne pas installer le pays dans une campagne électorale permanente, d’initier et d’associer l’opposition à l’exercice du pouvoir, mais aussi de décrisper le climat politique. Puis vint le fameux coup de fil du président Abdou Diouf à Me Abdoulaye Wade en ce fameux 20 mars 2000, salué partout dans le monde.

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Le président Abdoulaye Wade, successeur de Diouf en 2000, n’a pas été en reste. Il a eu à lancer au total, pas moins de 19 appels au dialogue politique pendant les 12 années de son magistère.

Et puis, dans l’histoire de l’Assemblée nationale, de 1966 à 2000, la règle pour créer un groupe parlementaire était au moins de disposer du 1/10ème du nombre de députés. En 2001 ou 2002, lors de la première magistrature du président Abdoulaye Wade, le Pds a fait baisser le nombre de députés requis de 10 au lieu du 1/10ème. En ramenant à dix le nombre de députés pour constituer un groupe parlementaire, la majorité détenue à l’époque (2002) par les libéraux, avait permis, au Ps et à l’Afp d’avoir leur propre groupe parlementaire. Avec la nouvelle Constitution du 22 janvier 2001, le président Abdoulaye Wade a fait intégrer la marche pacifique dans l’arsenal des droits fondamentaux faisant que ce mode d’expression démocratique n’est plus soumis à une autorisation mais assujettie à une simple déclaration auprès de l’autorité administrative de la localité concernée. La libéralisation des médias avec l’encouragement de l’initiative privée est aussi à mettre à l’actif du régime libéral. Les journaux foisonnent, la presse privée se déploie.

Portée sur les fonts baptismaux le 21 juin 2003 par El Hadji Ndiaye, la télévision privée RTS2S portera plus tard le nom de 2Stv. Fondé par Youssou Ndour en septembre 2003, le Groupe Futurs Médias investit avec force l’espace médiatique avec le quotidien L’Observateur, la Radio Futurs Médias (RFM) et la Télé Futurs Médias (TFM), lancée en septembre 2010. L’aide à la presse atteint des niveaux jamais égalés.

La nomination d’un ministre sans coloration politique (Cheikh Guèye), chargé des élections, à la place du ministre de l’intérieur de l’époque (Me Ousmane Ngom) qui était contesté et récusé par l’opposition était un vrai signe de bonne volonté. Puis vint le mémorable coup de fil passé par le président Abdoulaye Wade, le soir même du scrutin à Macky Sall, quoiqu’en ait pu dire après un certain Me Ousmane Ngom.

C’est connu, la marche d’un Etat, est une suite d’avancées ou de progrès réalisés au fur et à mesure que les régimes en place se succèdent et posent des actes à même de conduire les destinées du pays dans la bonne direction. A cet égard, ayant pris les rênes du pouvoir par la volonté du père de l’indépendance du Sénégal, en l’occurrence le président Léopold Sédar Senghor, le président Abdou Diouf a consolidé les fondements de l’Etat et posé les premiers jalons d’une démocratie gestationnelle dans une Afrique alors dominée en majorité par des régimes totalitaires, avec des présidents à vie qui, parfois, s’autoproclament ‘’Maréchal’’ ou ‘’empereur’’.

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Avec la survenue de la première alternance en 2000, la cadence de la marche en avant de la démocratie sénégalaise n’a pas faibli. En revanche, nous avons beau chercher, mais il nous est difficile de trouver des actes posés par le président Macky Sall dans le sens de la consolidation de la démocratie, ne serait-ce que pour fructifier l’œuvre de ses devanciers. De fait, le président Macky Sall, qui a hérité d’une démocratie debout, que toute l’Afrique nous envie, n’a pas le droit de faire moins que ses prédécesseurs. Autrement, on sera obligé de reconnaître avec le député Aminata Diallo du Parti Socialiste, la mort dans l’âme, mais avec lucidité et franchise que : ‘’Macky Sall est le pire président du Sénégal’’.

Hélas, aujourd’hui, on ne peut s’empêcher de parler de recul démocratique au regard des coups durs portés à la démocratie sénégalaise et à la remise en cause d’acquis importants et qui étaient considérés comme définitifs. Ce n’est pas pour rien que le président Macky Sall, qui jure de ‘’réduire l’opposition à sa plus simple expression’’, s’acoquine avec un Ousmane Tanor Dieng qui, du temps de sa splendeur, au plus fort du règne du Parti Socialiste, déclarait sa volonté de ‘’démanteler le Parti démocratique sénégalais’’. Qui se ressemble s’assemble. Les deux font la paire. Ce duo, (…) (Macky-Tanor), ne pouvait que faire chemin commun.

Ce tandem est même complété par un troisième, Moustapha Niasse, pour former un trio infernal, avec la particularité pour l’actuel président de l’Assemblée nationale d’exceller dans ‘’l’insolence et la vulgarité’’, pour paraphraser un journal de la place. Les écarts de langage du dauphin constitutionnel du chef de l’Etat, président d’une Assemblée nationale dont il était à deux doigts d’en fracasser les vitres et de les faire voler en éclats à l’aide d’un gros caillou qu’il tenait d’une main ferme et la mine renfrognée, un certain 23 juin 2011, a fait siffler nos oreilles chastes et pudiques par des grossièretés du genre : ‘’Aucun imbécile, aucun salopard, aucun djinn ne peut rompre ce qui nous lie Macky Sall et moi’’ ou encore : ‘’Si cela déplaît à certains, Maa tey’’ et enfin : ‘’Fii kufi cëpp cëppi, man nga fiy fekk’’ . Excusez du peu !

(…)Allergique à la critique et recroquevillé sur lui-même et autour de son clan allaité à l’ostracisme, le président Macky Sall a toujours refusé tout dialogue politique avec l’opposition, qu’il a régulièrement snobée, au meilleur des cas, s’il n’a pas tout simplement jeté en prison la plupart de ses responsables, notamment ceux du Pds. Ayant prêté serment le 3 avril 2012, le président Macky Sall a trainé les pieds jusqu’au 28 mai 2016, soit 4 années après, pour daigner lancer un appel à un dialogue politique national auquel il n’a d’ailleurs jamais cru. Un stratagème pour diviser l’opposition, semer la zizanie dans ses rangs et desserrer l’étau autour du pouvoir au moment où le climat était très tendu, le pays bloqué et divisé en deux camps antagonistes suite à un référendum de toutes les déchirures.

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Ce pseudo-dialogue, c’était pour se donner un bol d’air le temps de panser ses blessures et repartir de plus belle dans le massacre des opposants. En effet, passée la cérémonie d’ouverture du prétendu Dialogue national, au palais présidentiel, les commissions mises en place pour poursuivre le travail ont fait long feu car, à la base il n’y avait rien de sérieux. Le président Macky Sall s’est bien joué de ses adversaires politiques, étonnamment naïfs, pour ne pas être fichus de déceler le jeu de dupes et la comédie qui leur ont été servis.

Jusqu’à quand comprendront-ils finalement qu’il faut toujours prendre les paroles de Macky Sall ‘’wax waxeet’’ avec des pincettes ? Combien de fois faudra-t-il leur répéter qu’avec le président Macky Sall tout s’arrache ? C’est le seul langage qu’il connaît, comprend et respecte. Puisque le président Macky Sall ne leur fera aucun cadeau, le mot d’ordre qui devrait être de mise à son endroit est : ‘’Pas de quartier ! ‘’. (…) Cela devrait commencer par l’humiliation de Benno Bokk Yaakaar aux élections législatives du 30 juillet prochain devant aboutir à une nouvelle majorité parlementaire pour imposer une cohabitation inédite au président Macky Sall. Ce faisant, les deux ans qui nous séparent de 2019 devraient être mises à profit pour préparer méthodiquement l’estocade finale. Le cas échéant, Dieu fasse que le président Macky Sall ait la grandeur et le fair-play de décrocher son téléphone pour appeler et féliciter le vainqueur de l’élection présidentielle. (…)

Maintenant, quand le président Macky Sall essaie de dédramatiser et de minimiser en parlant d’épiphénomène ou en disant qu’’’on n’arrête pas la mer avec ses bras’’, il se méprend de la force de la lame de fond qui viendra à brève échéance le balayer proprement lui et son régime. Pour ce qui est de ses fanfaronnades, on en a vu d’autres. N’est-ce pas le président Abdoulaye Wade qui, dans des circonstances similaires parlait de ‘’simple brise’’ ? On connaît la suite. Ceci dit, pour la gouverne de son répondeur automatique, l’inénarrable Seydou Guèye, qui a fait pouffer de rire à tout le monde en débitant des inepties du genre : ‘’Macky, je dirai au peuple que tu as bien travaillé’’ , nous relevons simplement que cette façon d’infantiliser le peuple sénégalais comme si ce denier n’était pas de taille et très fondé à apprécier de lui-même et en toute liberté, dans un sens ou dans un autre, les états de service du président Macky Sall. (…) C’est le chant du cygne d’un régime dont les jours sont comptés et que peu de Sénégalais regretteront véritablement.

Pape SAMB

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