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Pourquoi Ce « Transfert D’agressivité » Sur Les Musulmans Dits Salafistes

Dans la vie de groupe, le « transfert d’agressivité » est un phénomène bien connu. Il y est courant de voir quelqu’un qui a des intentions belliqueuses envers un camarade à la fois contrariant et intimidant et pour lequel, il éprouve aussi un sentiment craintif et lâche. Dans de pareille situation, une tendance est souvent envisageable : il peut tenter d’influencer ou de manipuler un autre camarade, plus fort mais sympathique à son égard, pour qu’il agisse à sa place. Ainsi par de faux conseils composés de médisances, de ragots et de cancans, il essaie d’atteindre son objectif car à l’absence de piété, « la fin justifie les moyens. » (Machiavel)

Les occidentaux sont parvenus à affaiblir certains Etats africains à l’aide de méthodes semblables. Semer l’animosité, à travers les médias, entre des populations qui vivaient, au paravent, en paix et dans un respect mutuel. Cultiver le désordre entre les souverains africains et leurs populations. Les deux guerres civiles soudanaises de 1955 à 1972, puis de 1983 à 2005, le commencement de la crise ivoirienne avec la mort d’Houphouët en 1993, la génocide rwandaise en 1994, la guerre civile bissau-guinéenne en 1998, les trois guerres civiles centrafricaines en 2004, 2012 et 2013, la guerre civile libyenne en 2011, entre autres crises constituent des exemples très dévastateurs.

Pour arriver à de tels résultats, les néo-colons ont su exploiter l’égoïsme de certains dirigeants africains sans scrupule. De ce fait, par le réveil de quelques considérations d’ordre xénophobe, ils ont abouti à un dénouement conflictuel. Ne dit-on pas que « dans chaque homme, il y a une bête qui dort ? »

Toutefois au commencement, il s’agissait de groupes socioculturels qui vivaient dans une parfaite harmonie, malgré leurs différences. Ils avaient réussi parce qu’ils excluaient toute forme de rivalité entre eux. Ils appréhendaient leurs différences non pas comme une divergence, mais comme une diversité. De cette manière aucune opposition n’était possible entre eux et ils se complétaient mutuellement. Une telle société, quiconque aspire à l’anéantir n’a qu’à instaurer la rivalité entre les groupes qui la composent.

Au Sénégal, avec l’avènement de la seconde alternance en 2012, la coexistence pacifique centenaire entre les salafistes et les autres confréries musulmanes commence à connaitre une nouvelle tournure. Nous évoquons cette ancienneté de cent ans en nous référant à Thierno Younouss, un des précurseurs du salafisme dans notre pays, un contemporain de Thierno Seydou Nourou TALL né en 1862.

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Fort de ce constat, pourquoi les régimes précédents n’ont-ils pas impacté sur les relations d’obédience islamique ou obéissant à des règles religieuses ? La réponse est simple : parce qu’ils ont tous respecté l’article 24, alinéa 2 de la Constitution de la République du Sénégal qui stipule : « Les institutions et les communautés religieuses ont le droit de se développer sans entrave. Elles sont dégagées de la tutelle de l’Etat. Elles règlent et administrent leurs affaires d’une manière autonome. » Ici, l’Etat n’est censé intervenir qu’en cas de violation de l’ordre public.

Dans un tel contexte, comment jugez-vous un Etat qui semble constituer un facteur de violation de l’ordre entre des confréries qui vivaient, autrefois, en paix ? On dirait qu’au Sénégal, les nouvelles autorités n’aiment pas les salafistes et ne les supportent pas non plus.

Que faire quand quelqu’un n’aime pas son chien ? Il l’accuse de rage pour pouvoir s’en débarrasser légitiment. Mais quel alternative, s’il ne peut pas le faire soi-même ? Et bien, il demande à quelqu’un d’autre de le faire à sa place. Ceci n’est-il pas un « transfert d’envie » d’exterminer son chien ?

En effet certains discours de hauts responsables de ce pays semblent correspondre à un « transfert d’agressivité » : une incitation à une confrontation dont l’Etat serait incapable de contrôler les conséquences. Dans un article diffusé par « Seneweb », le 19 décembre 2015, le Président de la République, en violation des dispositions de l’alinéa 2 de l’article 24 de la constitution susmentionné, s’attaque au salafisme en ces termes : « ici au Sénégal, on n’a pas besoin qu’on vienne nous enseigner un islam nouveau ou un Dieu nouveau. Tout pays qui ouvre ses portes à ce genre de pratiques court à sa perte. Donc, nous, Etat, nous y avons notre part de responsabilité car c’est nous qui gérons la sécurité publique. Nous assumerons nos responsabilités pleinement quoi qu’il arrive. »

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En l’espace de huit jours, un chef religieux se lève et hausse le ton dans un article de « Dakaractu », paru le 27 Décembre 2015 : « nous n’accepterons jamais que ces salafistes nous imposent leur propre vision de l’Islam. » Cependant les salafistes n’utilisent jamais de contrainte. Le Saint Coran ne dit-il pas : « il n’y a pas de contrainte en religion… » ? En réalité, ils sont des non violents. Par contre, la pertinence de leur argumentation soutenue par des preuves authentiques persuade tout interlocuteur objectif.

Le 10 février 2016, dans une interview accordée au journal « Le Monde », le Docteur Bakary SAMB se noie dans un individualisme religieux très partisan pour faire une propagande scientifiquement impertinente et très stérile. Il dit : « le soufisme doit se renouveler pour séduire les jeunes attirés par le salafisme. » En revanche il serait plus judicieux et impartial, en tant que Docteur, d’étudier le charme qui attire ces jeunes et même des « vieux » vers le salafisme qui n’est rien d’autre que la pratique de la Sounnah authentique du Prophète Mouhammad (PSL).

Néanmoins il se reprend, avec une subjectivité similaire, dans un autre article, publié le 07 avril 2016 par le site web « la-croix.com » : « le soufisme constitue une ressource essentielle pour lutter contre l’extrémisme religieux en Afrique. » Et le salafisme, quel est son rôle dans une telle lutte ? A moins que vous ne l’assimiliez à un extrémisme religieux.

Dans une autre déclaration faite lors du « Dialogue National » organisé le 28 mai 2016, le Président de la République insiste encore en disant : « … j’appelle les chefs religieux… de conscientiser les populations. Car cet islam est différent de celui que nous avons toujours pratiqué depuis des siècles. Il faut émettre un message clair sur les recommandations de Dieu et du Prophète et sur ce qu’ils interdisent afin que nos enfants ne soient pas détournés… »

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Pourquoi tant de haine et d’acharnement contre d’honnêtes citoyens de cette République ? Les salafistes d’ici sont-ils des sénégalais avec toutes les dignités requises ? Pourquoi doivent-ils être l’agneau du sacrifice ? Vous les accusez sans preuve et les agressez sans défense. Vous les qualifiez de terroristes et d’extrémistes alors que vous connaissiez bien les véritables transgresseurs de ce pays :

vous êtes tous témoins du meurtre des six policiers, le 16 février 1994, sur le Boulevard Général De Gaule (ex-Centenaire) ;

vous connaissez bien les responsables du saccage des locaux du groupe Walffadjri, le 25 septembre 2009 ;

vous connaissez aussi ceux qui ont saccagés les cent vingt trois (123) véhicules et brisés les vitrines d’autant de commerces, le 22 octobre 2012, de la Place de l’Indépendance vers Sandaga et ses alentours ;

vous savez sans aucun doute que les auteurs des innombrables actes de vol, de viol et d’agression, commis chaque jour au Sénégal, ne sont pas des salafistes…

Donc vous êtes conscients que nous ne sommes pas des extrémistes, ni des terroristes. Nous sommes d’honnêtes citoyens de la République comme vous et partageons les mêmes droits que vous. Par conséquent nous voulons jouir pleinement de notre citoyenneté. Cessez de nous importuner. Arrêtez de nous maltraiter. Enfin méditons sur ce verset du Saint Coran qui dit : « Ceux qui font subir des épreuves aux croyants et aux croyantes, puis ne se repentent pas, auront le châtiment de l’Enfer et le supplice du feu. » (Sourate 85, Verset 10)

Assane Bocar NIANE

Parcelles Assainies, Dakar

assanebocarbaydi@yahoo.fr

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