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Dans La Tête De Oulèye Mané

Depuis une semaine, la polémique enfle dans la presse sénégalaise, l’affaire Oulèye Mané continue de déchaîner les passions sur les réseaux sociaux et dans la presse en ligne. A l’origine de la polémique, cet acte impudique d’une rare bêtise. Il s’agirait donc de Oulèye Mané, présentée comme journaliste, qui aurait «photoshopé» l’image d’un homme nu, en position couchée sur le dos, pour ensuite y greffer la tête de notre président de la République. Une vulgarité à en tomber de sa chaise qui vaut actuellement à quatre personnes d’être en détention préventive au Sénégal pour avoir fait circuler sur WhatsApp un photomontage obscène présentant le chef de l’Etat sénégalais dans la tenue d’Adam, autant dire dans le plus simple appareil. Attention image choquante ! Mais que s’est-il vraiment passé dans la tête de cette jeune fille ?

Le procureur de la République, Serigne Bassirou Guèye, a confié le dossier Oulèye Mané et Cie au Doyen des juges, Samba Sall. L’infraction d’offense au chef de l’Etat qui était d’abord agitée a finalement été abandonnée. A juste titre, car c’est tout le Peuple sénégalais qui a été offensé. Le Parquet a finalement requalifié le délit en «diffusion d’images contraires aux bonnes mœurs».

Ouf, je respire ! Mais de grâce, ne crions pas avec les loups, car cette jeune personne, aussi irréfléchie soit-elle, est-elle coupable de malveillance envers la plus haute institution du Sénégal, ou seulement victime d’une société incapable d’éduquer sa jeunesse et de lui transmettre ses savoirs culturels traditionnels ? Tout en admettant que ce photomontage ait pu heurter tous les citoyens normaux, ne devons-nous pas reconnaître qu’il existe aujourd’hui, dans notre pays, deux mondes distincts : celui des jeunes et celui des anciens. Les jeunes se retrouvent avec, entre les mains, des instruments qui les précipitent dans un monde dont ils ignorent les codes. Les régulateurs sociaux comme les marabouts ou parfois même les enseignants ne savent même pas ce que représentent les «réseaux sociaux» et sont bien incapables d’accompagner les jeunes dans ce monde nouveau. Ne parlons pas des familles dépassées par la révolution numérique, ni même de certains médias au sein desquels l’analphabétisme est encore la chose la mieux partagée.

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Désormais, l’ère numérique s’est installée dans notre quotidien et cet ancrage se vérifie surtout chez les adolescents, parfois même chez les plus jeunes enfants qui utilisent abondamment WhatsApp, Facebook, Snapchat, Instagram, ou encore Twitter pour communiquer entre «amis», sans toujours comprendre les mécanismes qui se cachent derrière ces géants du web ni les risques qui peuvent en découler. La portée de ces réseaux peut être telle que leur quotidien se voit totalement bousculé. Face à cette nouvelle donne, il est illusoire de croire que l’on puisse interdire l’utilisation de ces réseaux, sauf à vouloir empêcher les jeunes de vivre avec leur temps.

Nous autres, «adultes», avons bien mieux à faire que de censurer. Donner l’exemple et expliquer est notre devoir. Pour ça, nous avons tous un rôle à jouer, à commencer par les médias, dont certains sont mensongers, quand ils ne sont pas juste grossiers. Face à la multiplication des canaux d’information, on voit apparaître des effets qui vont à l’encontre de la mission première des médias qui est d’informer. La tendance à toujours rechercher le scoop ou à vendre sa plume rend la fiabilité du contenu souvent discutable.

Empêcher les messages insultants ou humiliants de connaître le succès sur les réseaux sociaux, c’est aussi le rôle de la cohorte médiatico-politico-intellectuelle qui, au lieu de verser dans la calomnie et les comportements dégradants, devrait encourager nos jeunes à porter notre économie nationale vers l’émergence afin d’éradiquer définitivement la pauvreté de notre cher pays le Sénégal.

Enfin et bien sûr, c’est le rôle de l’Etat de former et d’informer plutôt que de punir. De l’Etat et de son chef, dont il faut souhaiter qu’il accepte de se mettre dans la tête de cette jeune Oulèye Mané, afin en bon père de la Nation, serein et magnanime, de lui expliquer lui-même qu’une photo que l’on diffuse est une information. La truquer, la «photomonter» pour ainsi dire, c’est donc produire une fausse information comme l’a si bien rappelé l’excellent Jean Meïssa Diop. Oui, je plaide la clémence dans cette affaire, car c’est à sa compréhension envers sa jeunesse que l’on juge une société. Des condamnations à des peines sévères pour ces quatre jeunes gens seraient un aveu de faiblesse et de rupture de la part de notre système judiciaire.

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Le président de la République est une institution certes, dont on doit respecter la sacralité. Mais notre jeunesse aussi est sacrée et nous devons accepter ses erreurs et ses bêtises comme chacun d’entre nous en a fait. Il en va de notre crédibilité, car à l’évidence, ces jeunes ne sont pas des ennemis de l’Etat. Donc, faut se détendre…

Ne cherchons pas de ruse ni désir de nuire dans ce désœuvrement déplorable. Non, juste des jeunes déboussolés, bêtes et pas méchants et surtout soucieux de faire le buzz !

Oumou WANE

Présidente Africa 7

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