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Dakar : Du Cap Vert Au «cap Désertique»

Dans l’analyse de la problématique urbaine à Dakar, la question de l’écologie ressort comme une préoccupation majeure. Hormis la zone des Niayes, dont l’écosystème est menacé de disparition, à cause d’une pression foncière insoutenable, le paysage de Dakar est caractérisé par un déficit d’espaces verts. Les rares exceptions de «points verts», qui contrastent avec le triste décor, portent l’empreinte du Colon. Il s’agit, notamment de Dakar-Plateau, du Parc forestier et zoologique de Hann créé en 1903, de la forêt de Mbao (1908), de la bande de filaos plantés le long de la grande côte.

Autrefois appelée Cap-Vert grâce à sa végétation luxuriante qui contraste avec l’aridité de l’arrière-pays, la capitale sénégalaise est devenue «un Cap désertique». Dans le Plan climat territorial intégré (Pcti) de la région de Dakar (2013), on parle de «Cap gris», en faisant allusion à la «forêt exclusive de ciment et de béton».

Dakar offre globalement une triste image fade «d’un amas de ciment et de béton», qui heurte le regard des amoureux de la nature et les urbanistes soucieux de l’environnement et du développement durable. Les risques sur la santé des populations sont particulièrement graves. Il faut une prise de conscience individuelle et collective profonde sur nos responsabilités face à ce «paysage choquant tout-béton» pour renverser la tendance à «la colonisation urbaine sauvage».

Une vue aérienne de l’agglomération dakaroise livre un paysage ahurissant ; la rareté de la végétation et des espaces verts publics frise le scandale. La plupart des artères ressemblent à des squelettes. Les architectures, en contradiction avec nos coutumes, ne laissent place à aucune lueur pour la photosynthèse d’une quelconque plante, indispensable à la vie humaine. L’exemple de la commune des Parcelles Assainies est particulièrement illustratif par rapport à l’absence d’intégration de la dimension écologique dans l’habitat. Les clichés sont partout gris !

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La dimension environnementale ou écologique est un élément fondamental du système urbain, surtout dans un contexte marqué par le changement climatique. Une ville où, i) le transport urbain explose ; ii) les espaces verts (pour la séquestration du carbone) sont rares ; iii) des politiques d’efficacité énergétique sont absentes, le cocktail de gaz dans l’atmosphère devient un facteur à risque pour la santé publique. La population de Dakar commence déjà à vivre cette atmosphère étouffante aux heures de pointe de la circulation. Le déficit de poumons verts limite les capacités d’absorption des gaz émis par le transport, le CO2 (Dioxyde de carbone), notamment.

Au-delà des vertus sanitaires, la verdure offre à la ville des qualités esthétiques et atouts pittoresques fondamentaux, que l’urbanisme doit prendre très au sérieux dans la planification.

Généralement, les Plans Directeurs d’Urbanisme (Pdu) ne prennent pas suffisamment en compte les espaces verts. Sinon les rares et quelques mètres carrés tracés dans les schémas se volatilisent subtilement comme de la magie au cours de la phase d’exécution.

Les acteurs de la ville que sont l’Etat, les municipalités, les promoteurs immobiliers privés, les populations, etc. doivent faire face à leurs responsabilités respectives pour la production d’un meilleur cadre de vie.

L’Etat et ses démembrements, notamment les collectivités locales, doivent avoir une véritable politique volontariste de création de villes durables plus respectueuses de l’environnement. Les actions conjoncturelles et spontanées sont budgétivores et inutiles. C’est pourquoi, les interventions sur la Voie de dégagement nord (Vdn) de Dakar doivent s’inscrire dans une stratégie d’ensemble bien structurée. Nos villes ont besoin de véritables plans d’aménagement, dont les objectifs et les actions sont clairement définis, avec la responsabilisation des spécialistes, des paysagistes.

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Les municipalités doivent également exercer pleinement leurs compétences en matière d’environnement et éviter la recherche effrénée de niches de taxes pour gonfler une assiette fiscale non maîtrisée, au détriment de la protection et de l’embellissement du cadre de vie. Certains observateurs ont même déjà donné l’alerte face ce qu’ils appellent la «cantinisation» dans nos villes.

Le contrôle sur l’intervention des promoteurs immobiliers privés doit être plus strict en matière de respect des règles d’urbanisme, aussi bien dans la planification de l’habitat que dans sa mise en œuvre. Le suivi sur le respect des normes et recommandations doit être systématiquement mené par les services de l’Etat, notamment la Direction de l’Urbanisme et de l’Architecture (Dua). La Direction du Cadre de Vie et des Espaces verts Urbains doit marquer sa présence par des interventions beaucoup plus structurantes et éviter de s’accaparer ou de disputer avec les municipalités des travaux pour lesquels ces dernières sont plus compétentes et disposent de ressources pour l’exécution.

Par ailleurs, chaque citadin doit également jouer sa partition dans un effort individuel et collectif de création d’une «ville verte» à la place de la «ville grise». Cela nécessite une importante phase d’éducation environnementale pour développer une conscience citadine éco-responsable. Vivement un programme qui serait intitulé «une concession, un arbre».

Le pôle urbain de Diamniadio devrait s’inspirer des tares de Dakar afin de proposer une nouvelle ville verte durable. Les paysagistes doivent être sur le site en même temps que les ingénieurs en génie civil, pour que les immeubles et la verdure poussent ensemble dans une parfaite harmonie.

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Momath Talla NDAO

Kaffrine momathtalla@yahoo.fr

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