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Cas Assane Diouf : Où Est Donc Passé Mon Peuple ?

Discutant avec moi sur l’ambiance d’injures qui s’est installée dans le pays ces derniers temps, un ami a estimé que cela participait du combat que mène le peuple sénégalais contre les autorités actuelles accusées de dilapidation de nos ressources, d’incompétence et de tout un chapelet d’autres maux. Le même ami, pour assoir son argumentation, invoqua un hadith du Prophète (PSL) disant :

« celui d’entre vous qui voit une chose répréhensible la corrige de sa main. S’il ne le peut pas de sa main, qu’il la corrige avec sa langue. S’il ne le peut avec sa langue que ce soit avec son cœur. » J’ai été assez surpris par l’invocation de ce hadith d’autant plus que dans mon esprit, il est clair que le Prophète (PSL) n’a jamais recommandé les insultes, quelle que soit la nature de l’injustice à combattre.

À y regarder de plus près, il semble que le peuple sénégalais qui, en 2000, avait réussi l’une des alternances politiques les plus brillantes d’Afrique subsaharienne avant de se débarrasser du régime de Wade en 2012, n’est pas le même peuple que Macky Sall a en face de lui.

En effet, s’il est avéré que l’actuel régime reproduit les mêmes travers à la tête de notre pays, les mêmes causes produisant les mêmes conséquences, on peut se demander pourquoi l’on ne sent pas se lever le même ouragan qui avait emporté les deux précédents régimes.

S’il faut, dans cette bataille, mettre en application la recommandation du Prophète (PSL), il apparait clairement que la première étape – corriger le répréhensible avec sa main – est parfaitement à notre portée. Elle l’est d’autant plus que c’est la même arme qui avait été utilisée par le passé pour en finir avec des régimes perçus comme néfastes pour notre pays.

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Or qu’observe-t-on ? Un peuple qui semble tétanisé, les yeux écarquillés, regardant faire une équipe qu’un grand nombre de citoyens considèrent comme inapte à gérer notre pays. Cette situation de latence collective transforme en écho assourdissant le moindre petit bruit.

C’est la lecture qu’il faut avoir de l’engouement médiatique fulgurant suscité par les gesticulations de certains compatriotes, y compris quand elles ne s’inscrivent dans aucune vision et quand la méthode utilisée heurte les règles de notre décence. Le cas Assane Diouf en est la plus parfaite illustration.

Ce compatriote a surgi à un moment où l’opposition politique est réduite à sa plus simple expression, un moment où les organisations de la société civile sont inaudibles, un moment où la moindre critique frontale contre l’État peut conduire son auteur en prison, un moment où certains grands médias se sont rangés dans la botte de l’exécutif, ce même moment où les élections le plus chaotiques de l’histoire du pays ont été organisées sans qu’aucune conséquence n’en soit tirée ni par l’opposition ni par le pouvoir.

Le phénomène « Assane Diouf » est intervenu dans ce même contexte où, suite à ces élections dont on peut douter de la régularité, aucune excuse n’a été présentée à ces milliers de Sénégalais qui ont été empêchés d’exprimer leur choix. Toutes ces frustrations cumulées ont développé chez une frange de la population les germes d’un fatalisme très amer.

Le sieur Diouf a donc trouvé en face de lui un peuple orphelin de tout soutien de grande envergure, un peuple délaissé par ses « combattants » d’hier, qui sont découverts aujourd’hui, dans les grâces du pouvoir, comme de parfaits opportunistes.

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Un peuple qui ne croit plus aux « idées » tant ceux qui en ont défendu de très nobles hier sont les mêmes qui soutiennent le contraire aujourd’hui. Bref, un peuple qui a cessé de croire que la solution à ses problèmes viendra un jour de la classe politique.

C’est dans le cœur meurtri de ce peuple orphelin que le discours de M. Diouf a su avoir un écho retentissant. Non pas parce que ce peuple cautionne la démarche, mais parce qu’il a enfin trouvé un exutoire à ses souffrances multiformes auxquelles l’élite est restée sourde.

Ce peuple semble si désespéré qu’il est prêt à aduler le premier venu qui ose en découdre avec le système, y compris avec des insultes crues que réprouvent pourtant aussi bien notre morale publique que notre cadre pénal.

Une certaine frange du peuple a trouvé en M. Diouf un héros qui dit ce que lui ne peut pas dire et qui prend des risques que ceux qui, hier, prétendaient défendre la Nation n’osent plus prendre aujourd’hui.

Cette période de latence a presque fait oublier au peuple souverain qu’il a été aux commandes quand, en 2000 et en 2012, il a fallu mettre fin à deux régimes successifs. Il est d’ailleurs saisissant de constater qu’à défaut d’avoir un président de la République qui révèle le génie de son peuple, nous avons un insulteur qui agite, avec un certain succès, la fibre la plus indécente de notre être.

La nature a en effet horreur du vide. Faute d’avoir pu être ce leader qui tire son peuple vers le haut, l’actuel président a ainsi créé, par une succession d’actes maladroits, des « héros » ordinaires d’un nouveau genre dont A. Diouf est la figure de proue médiatique.

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Quel triste destin que celui d’un peuple dont l’Histoire regorge de valeureux bâtisseurs et qui en arrive à porter son espoir de changement sur un individu qui, malgré la force de sa détermination, n’a qu’un seul projet : celui de « dézinguer » les tenants du système à coup d’injures et de menaces.

Il est à espérer que ce peuple renouera très vite avec sa superbe d’antan afin d’agir positivement sur son destin sans se contenter d’exutoires temporaires.

 

Seydina Omar Ba

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