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Hydrocarbures : Enjeux Et Défis Pour Le Nouveau Ministère Du Pétrole Et Des Énergies

Le Sénégal est en phase d’intégrer le cercle des pays producteurs de pétrole et de gaz.

La rente y apparaît comme abondante au vu de  l’importance des découvertes annoncées par les compagnies qui s’y opèrent et l’Etat.

Il s’agit d’un pétrole de qualité. Ce qualificatif revêt un caractère déterminant car plus l’or noir est de qualité (facilité d’extraction et de raffinage), davantage il se vend sur le marché à des prix compétitifs.

Quant au gaz, le Sénégal dispose des réserves les plus importantes en Afrique de l’ouest.

Mieux encore, d’aucuns considèrent que le pays peut se targuer de revendiquer une place située entre le 5ème et le 7ème rang mondial pour ses réserves de gaz.

Rappelons que le gaz représente plus de 20% de la consommation mondiale d’énergie.

Par ailleurs, selon la quasi totalité des prévisions la demande mondiale en gaz devrait continuer de croitre. Il s’agit donc d’un marché international dynamique dont le Sénégal devrait se faire une place de choix à l’avenir.

Ce tableau reluisant démontre l’énorme potentiel de développement que représentent les hydrocarbures pour le Sénégal.

Aux fins de se préparer à l’exploitation de ces ressources, le pays s’est doté de deux nouveaux instruments stratégiques considérés comme majeurs :

  • le COS-Petrogaz (Comité d’Orientation Stratégiques du Pétrole et du Gaz).
  • le Ministère du Pétrole et des Énergies (département ministériel dans le nouvel attelage gouvernemental rendu public le 7 septembre).

Si le COS-Petrogaz a une portée essentiellement stratégique, le rôle du Ministère du Pétrole et des Energies sera davantage opérationnelle.

Ainsi, à l’image des pays qui l’ont précédé en matière d’exploitation des hydrocarbures, ce nouveau département Ministériel devra intégrer parmi ses missions plusieurs responsabilités fondamentales :

  • la conception, la mise en œuvre et le suivi de la politique du Gouvernement en matière d’hydrocarbures et d’accès aux énergies
  • la coordination et le contrôle des activités de recherche, d’exploration et d’exploitation du pétrole et du gaz
  • l’élaboration et la garantie du respect du cadre institutionnel et légal régissant le secteur des hydrocarbures (en particulier le pétrole et le gaz)
  • le suivi des contrats signés entre l’Etat, les compagnies et autres sociétés privées
  • la collecte, le traitement et la diffusion de l’information relative aux secteurs des hydrocarbures et des énergies
  • la sécurisation des approvisionnements, du transport et de la distribution des énergies dont dépend le pays.

Cependant au delà de ses missions opérationnelles, il conviendra pour l’institution nouvelle de tenir compte d’une particularité cruciale dans le cas sénégalais. Celle-ci est contenue dans la dernière modification de la constitution et consacrée par le Référendum du 20 mars 2016.

Désormais le texte fondamental qui rythme la vie de la nation pose un principe substantielle : « les ressources naturelles appartiennent au peuple et sont utilisées pour l’amélioration de ses conditions de vie ».

Cette donnée inédite dans la constitution sénégalaise confère ainsi le droit à chaque citoyen ou groupe de citoyens de commenter l’utilisation des ressources, de surveiller leur gestion mais aussi de réclamer sa part des recettes en terme d’impacts des politiques publiques mises en œuvre par l’Etat et le Gouvernement.

C’est aussi cela l’esprit de la nouvelle constitution.

Les récents scandales présumés sur le pétrole dénoncés par un pan de la société civile et une partie de la classe politique ont démontré que la vigilance citoyenne conserve toute sa vitalité.

L’œil du citoyen demeure ouvert malgré que les premiers éléments du débat public se heurtent à une volonté inavouée d’ériger des barrières à l’entrée en considérant, a tort, qu’il s’agit d’un secteur exclusivement réservé aux « experts » !

Il faut dire ici que tout citoyen a toute légitimité d’intervenir dans ce débat car il s’agit de ressources publiques nationales. Les gouvernants en sont redevables.

Par conséquent, et quels que soient ses attributs, le nouveau Ministère du Pétrole et des Énergies aura le devoir de contribuer à assurer assumer cette mission régalienne d’information juste, ponctuelle, fiable et fondée sur la transparence et la bonne gouvernance.

Cela est d’autant plus important à souligner que mis à part quelques exceptions, les hydrocarbures (le pétrole en particulier) n’ont pas fait que des heureux ailleurs.

L’or noir qui demeure encore aujourd’hui une ressource très convoité a même pu, sous d’autres cieux, accentuer les inégalités, diviser les citoyens, classes politiques et sociétés civiles.

A la lumière des expériences observées en Afrique et dans le monde, il est donc impératif d’optimiser la gestion des ressources et ainsi en limiter les risques.

Pour ce faire, afin d’assurer une gestion saine et pérenne des hydrocarbures, un certain nombre d’impératifs seront incontournables pour le Sénégal

  • le développement de filières connexes aux hydrocarbures (pétrochimie, industrie de l’énergie)
  • le réinvestissent des recettes issues de la rente vers des secteurs productifs.
  • la stimulation d’un entreprenariat local générateur d’emplois significatifs et durables (c’est le seul gage pour réaliser une croissance inclusive pérenne)
  • la réalisation d’infrastructures sociales et éducatives répondant aux évolutions des besoins des populations
  • la mise en place d’un fonds dédié aux futures générations et administré de manière pragmatique
  • la limitation des risques et méfaits sur l’environnement que pourrait engendrer l’exploitation pétrolière et gazière
  • la promotion d’une solidarité franche entre les générations comme projet commun et socle de la nation.

Très souvent citée en exemple pour sa stabilité et l’esprit républicain de son peuple, la nation sénégalaise se retrouve face à des défis à la fois majeurs et nouveaux.

Elle devra ainsi démontrer sa capacité à transformer les dons exclusifs de la nature, en atouts productifs avec des retombées significatives pour le bien être de son peuple.

L’intelligence collective, l’engagement et la bonne gouvernance seront les moteurs de cette transformation.

Enfin, le grand piège serait de négliger les efforts de diversification, certes inachevés mais somme toute entamés, pour l’économie sénégalaise car même abondante, la rente finira un jour par tarir.

 

Daouda Tall

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