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Halte à La Chasse Aux Sorcières En Casamance

Le samedi 6 janvier 2018 le massacre de 13 personnes dans la région casamançaise provoquait une onde choc tragique consternant le Sénégal et les Sénégalais. Ces derniers craignant en effet, la fin de l’accalmie à la suite de la rébellion qui avait fini de ternir et d’ensanglanter le visage de cette belle région du sud. La rébellion de la Casamance est née en 1982 suite aux réclamations indépendantistes du Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC). Ce conflit avait fini de faire des centaines de morts de part et d’autres des rebelles, des forces armées et tristement de la population civile qui payait comme dans toutes les guerres les dommages collatéraux dus aux affrontements entre les protagonistes, les mines anti personnelles, etc.

Entre 2000 et 2002, l’avènement du président Abdoulaye Wade et les négociations entamées avec le MFDC avaient apaisé les tensions. Cependant ces derniers mois ce conflit a commencé à faire une immersion progressive favorisée par plusieurs facteurs d’ordre économique, politique et même géopolitique avec comme toujours la sournoise ingérence des forces impérialistes dans les affaires africaines. Ce sont ces facteurs que nous allons développer ici.

Le trafic du bois

Renfermant la plus grande forêt du pays, la Casamance malgré sa richesse forestière est menacée aujourd’hui par le déboisement abusif causé par la Chine, avec la complicité des exploitants sénégalais et gambiens, depuis quelques années au su et au vu de tous. Ce scandale écologiste semble tomber dans l’oreille d’un sourd au niveau du gouvernement sénégalais marquant sa passivité dans cette situation malgré les dénonciations et les alertes  incessantes menées, depuis plusieurs années, par les médias, les associations de protection de la nature, les écologistes avec Ali Haidar, ancien ministre sénégalais de l’environnement. Ce dernier estimait  en 2016 que le Sénégal avait perdu plus d’un million d’arbres depuis 2010 tandis que les exploitants ou les trafiquants de ce bois empochaient une manne financière avoisinant les 140 milliards de francs CFA. Des journalistes d’investigation incriminent des hautes personnalités de l’Etat d’être des complices de cette catastrophe. Accusation confirmée par le Colonel Abdoulaye Aziz Ndaw dans son livre Pour L’Honneur de la Gendarmerie Sénégalaise où il expose comment des personnalités de l’Etat ont participé à ce trafic entretenant la persistance de ce conflit. D’ailleurs, certains pensent que le massacre du 6 janvier dernier est lié à ce trafic car les victimes étaient des coupeurs de bois.

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L’apparition du pétrole au Sénégal

La récente découverte de l’or noir a braqué les yeux de toutes les puissances occidentales impérialistes dépendantes de cette ressource pour la survie de leur système industriel, vers le Sénégal. Des scandales illustratifs ont suivi cette découverte du pétrole à l’intérieur même du Sénégal avec la suspension d’Ousmane Sonko, ancien Inspecteur des Impôts et Domaines et la démission de l’ancien Ministre de l’Energie Thierno Alassane Sall tous deux dénonçant respectivement les pratiques peu orthodoxes du gouvernement sénégalais dans la gestion de ce pétrole et l’attribution de la licence d’exploitation au profit de la France par clientélisme politique, allant, ainsi, à l’encontre des intérêts du peuple sénégalais.  C’est ainsi que le 23 juin 2017 dans le cadre de son émission « Billet Retour », la chaine française diffusa un reportage de 16 mn 52 consacré à la Casamance et à Salif Sadio, un des chefs emblématiques du MFDC, remuant de ce fait le couteau dans la plaie, faisant resurgir les affres douloureuses de cette page sombre de l’histoire du Sénégal post indépendance.

Face à cet acte sournois que les plus avertis inscrivent dans la lignée de la  politique manipulatrice  occidentale du « diviser pour mieux régner », pour pouvoir ainsi faire main basse convenablement sur les ressources pétrolières nouvellement découvertes et forestières de notre pays, l’Etat sénégalais s’est une nouvelle fois pitoyablement signalé par sa non réaction et la non défense de la souveraineté et de l’intérêt des Sénégalais.

la chute de Yaya Jammeh

Ce n’est pas un secret. On sait comment Yaya Jammeh entretenait le conflit casamançais  sous fond de chantage au Sénégal. Au lendemain de sa défaite face à Barrow, ces partisans se sont dispersés dans la région mettant en danger à un moment le gouvernement de Barrow heureusement protégé par les forces sénégalaises bien présentes dans le pays depuis les évènements post électoraux.

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La défaite de Yaya Jammeh, le 2 Décembre 2016, ouvrait une nouvelle ère pour les relations sénégalo-gambiennes et un pas vers la paix définitive en Casamance. Hélas ! Les événements tragiques du 6 janvier 2018 ont fini de replonger dans l’indignation et la tristesse le peuple sénégalais sabotant ainsi le processus de paix définitive enclenchée depuis plusieurs années.

En effet, la réaction de l’armée sénégalaise après ce massacre qui s’est mise dans une véritable chasse à sorcière en bombardant la région  pour débusquer les supposés tueurs (le MFDC rejette toute implication dans ce massacre) semble être un appel de guerre.

Ainsi, La responsabilité de l’État est engagée dans ce fait qui n’apporterait que le chaos et les dommages collatéraux dont les seules victimes seront la population casamançaise. Face à une telle situation, l’intelligence et la patience sont des atouts. Céder à la passion en créant du tic au tac un bouc émissaire responsable de cette tuerie est une bombe à retardement entre les mains du Sénégal.

Face à ce drame la prudence est de mise pour trouver d’abord les réponses à ces quelques questions : A qui profite réellement la déstabilisation de la Casamance? Le MFDC ne trahit il pas sa cause s’il était l’auteur de cette tuerie contre ceux qu’il voudrait leur indépendance? Comment ce mouvement qui était depuis de nombreuses années dans une léthargie totale peut d’un moment à l’autre faire resurgir la terreur dans la région?

Pour l’instant la meilleure arme pour une paix durable est la prudence et la concertation.

 

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Cheikh Ahmed Tidiane Mané

Doctorant en Histoire UCAD

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