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Procès Khalifa Sall Et Gouvernance Des Ressources Publiques : Manque D’éthique Et Décrépitude Des Valeurs

Le procès de Khalifa Sall et consorts vient de prendre fin. Le verdict sera rendu le 30 mars. En attendant celui-ci, un des premiers enseignements qu’on en tirer, sans préjuger de la décision qui sera rendue par le juge, est l’image désastreuse donnée par notre Administration des finances au plan de l’éthique et des valeurs. Ce procès a permis aux sénégalais de découvrir, avec stupéfaction et indignation, la décadence, voire l’effondrement de l’Administration des finances au regard des règles d’éthique et de certaines valeurs qui fondent tout fonctionnement d’une mission de service public.

En effet, en plus de comparaître libres lors du procès, les inspecteurs du Trésor, Mamadou Oumar Bocoum et Ibrahima Touré, ne sont pas suspendus de leurs fonctions. Pourtant, des charges excessivement graves pèsent sur eux : ils ont été inculpés pour détournement de deniers publics, de faux et usage de faux en écritures privées de commerce, d’escroquerie portant sur des deniers publics et de blanchiment de capitaux sur un montant de 1,8 milliards de notre CFA dévalué. Cela leur a valu d’être placés sous contrôle judiciaire en plus d’un renvoi devant le tribunal correctionnel. Au moment de leur comparution devant le tribunal, Mamadou Oumar Bocoum et Ibrahima Touré n’étaient ni suspendus, ni relevés de leurs fonctions et continuaient à exercer tranquillement leur fonction d’Agent comptable des grands projets du PSE pour le premier et de Percepteur municipal de Dakar pour le second.

Nous laissons aux juristes le soin de mener le débat sur l’incongruité que constitue le fait de les inculper pour complicité de détournement de deniers publics et de les placer sous contrôle judiciaire alors qu’en de pareils cas le mandat de dépôt serait requis pour tous les auteurs et complices de tels faits. Ceci étant, la question qui mérite d’être posée est de savoir dans quelle république, qui se voudrait organisée, démocratique, sérieuse et soucieuse de l’intérêt de ses citoyens, un comptable public peut-il être poursuivi et traduit devant un tribunal correctionnel pour des faits de détournement de deniers publics tout en continuant à exercer ses fonctions comme si rien n’était ? Si on voulait porter un coup fatal à l’image de la gouvernance publique des ressources publiques, on ne s’en prendrait pas autrement ! Pourtant, Macky Sall et sa bande nous ont tympanisés, un moment, avec leur slogan, devenu creux et sans objet aujourd’hui, de « gouvernance sobre et vertueuse ».

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De graves accusations qui nécessitaient la prise de mesures conservatoires

Il est important de rappeler que lorsqu’un juge inculpe ou met en examen une personne, c’est qu’il existe des indices matériels suffisamment graves et concordants qui font soupçonner sa culpabilité relativement à l’infraction ou aux infractions pénales dont elle est accusée. Cela devient plus grave lorsque le juge décide de renvoyer cette personne devant le tribunal correctionnel pour la faire juger. C’est le cas des inspecteurs du Trésor Mamadou Oumar Bocoum et d’Ibrahima Touré.

Nul besoin d’être un expert pour comprendre et admettre que les accusations de détournement de deniers publics, de faux et usage de faux en écritures privées de commerce, d’escroquerie portant sur des deniers publics et de blanchiment de capitaux, autant d’infractions pénales mises sous le dos des deux inspecteurs du Trésor, constitueraient des fautes graves si elles venaient à être confirmées. Même si les prévenus bénéficient de la présomption d’innocence, la gravité de ces fautes présumées rend impossible leur maintien dans les fonctions de comptables publics. En attendant que le tribunal correctionnel se prononce, la prise de mesures conservatoires s’imposait. Minimalement, messieurs Bocoum et Touré devaient être relevés de leurs fonctions provisoirement en attendant que justice se fasse. Cela n’a pas été le cas. Pourquoi ? La réponse coule de source, car ils sont surprotégés. Par qui ? Inutile de s’attarder là-dessus, étant donné qu’il revenait au Ministre des Finances, Amadou Ba, de prendre ou de faire prendre ces mesures conservatoires. S’il se montre carrent, comme c’est le cas, le Président de la République, Chef suprême de l’Administration publique ou son Premier ministre devait l’obliger à le faire ne serait-ce que pour sauvegarder les apparences.

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Autre question intéressante à se poser : pourquoi ces deux hauts fonctionnaires sont-ils surprotégés ? Certains avancent l’hypothèse qu’ils auraient accepté de servir de bras armés aux desseins funestes de Macky Sall en chargeant lourdement Khalifa Sall pour aboutir à sa condamnation qui équivaudrait à son éviction de la course à la présidence. D’autres affirment que la partisannerie politique ainsi que l’énorme et discrète influence qu’aurait l’un des inculpés, en l’occurrence Mamadou Oumar Bocoum, seraient à la base de cet état de fait déplorable et préjudiciable à l’image de l’administration des finances. Dans tous les cas, l’Administration des finances paraît être la seule perdante dans cette affaire tant l’impact de celle-ci sur la gestion de ses ressources humaines serait important.

Dans tous les pays démocratiques ou la gouvernance des deniers publics n’est pas un vain mot, l’intégrité et l’honnêteté des comptables publics sont érigées en rempart contre toute atteinte au bon fonctionnement et à l’image de l’administration publique, particulièrement celle des finances. Tout manquement à l’intégrité et à l’honnêteté de la part d’un agent public entraîne, sans faiblesse ni partisannerie coupable, l’application de sanctions disciplinaires sans préjudice des sanctions pénales.

Manque d’éthique et décrépitude des valeurs : l’effet Macky Sall et Amadou Ba

Les fonctionnaires des finances doivent agir avec honnêteté. Plus important, ils sont tenus de sauvegarder une apparence d’intégrité et d’honnêteté hors de tout doute compte tenu de leurs fonctions de fiduciaires des ressources publiques qu’ils exercent. Ce qui implique, au-delà du fait qu’ils doivent être incorruptibles et imperméables à toute sorte de trafic d’influence, leur nom ne devrait être associé à aucune affaire louche notamment de détournement de deniers publics, de faux en écritures et de blanchiment de capitaux. Qu’on ne vienne pas ici nous dire que devant l’absence de règles administratives claires à appliquer aux cas d’inculpation pour détournement de deniers publics ou complicité de détournement de deniers publics, il était justifié de les laisser continuer à exercer leurs fonctions de comptables publics. Cet argument ne saurait prospérer étant donné l’impact négatif que cette inculpation a pu avoir sur l’image et la crédibilité de l’Administration des finances auprès de l’opinion publique.

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L’absence de mesures conservatoires à l’encontre des sieurs Bocoum et Touré prouve, si besoin est, la profonde déchéance dans laquelle notre administration financière est plongée depuis qu’un certain Amadou Ba est à sa tête avec l’onction de Macky Sall. Une telle situation serait inimaginable au temps de Mamadou Lamine Loum ou celui de ses illustres devanciers. L’administration des finances a toujours été soucieuse de sa crédibilité et de son image auprès du public. Par exemple, par le passé, ses propres services internes (l’Inspection générale des finances) réussissaient à mettre hors état de nuire certains de ses propres éléments considérés comme véreux ou impliqués dans des affaires nébuleuses. L’affaire des inspecteurs du Trésor survenue vers la fin des années 90 et au début des années 2000 en constitue une preuve. Les inspecteurs du Trésor qui traînaient des casseroles ou empêtrés dans des affaires judiciaires étaient systématiquement mis au frigo. Certains ne s’en relevaient jamais, jusqu’à leur retraite ou leur départ définitif. Tel ne semble plus être le cas avec Macky Sall et Amadou Ba. Ils donnent l’impression que leur intérêt personnel et celui de leur parti priment sur tout. Même sur l’intérêt du peuple.

 

Ibrahima Sadikh NDour

ibasadikh@gmail.com

 

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