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La Différenciation Inclusive, La Dernière Chance De Notre école

Vu le niveau actuel de la recherche et des découvertes, la pédagogie inclusive reste la mieux adaptée au contexte de pauvreté et de perte de sens que nous vivons au Sénégal. L’éducation inclusive peut être comprise comme un système d’éducation où tous les apprenants ayant des besoins éducatifs spéciaux reçoivent des enseignements basés sur leurs forces et leurs besoins. La « différenciation inclusive » apparaît donc comme une synthèse à mi-chemin entre la pédagogie de la différence et l’éducation inclusive. Cette théorie aurait pu également porter l’appellation d’ « inclusion différenciée ». Elle fait référence à une prise en charge globale et intégrative de tous les enfants dans une école ouverte au genre, aux spécificités corporelles, psychosociales et cultuo-culturelles. Dès lors, l’inclusion scolaire constitue, à notre avis, la forme la plus achevée de l’intégration.

Pour le cas des déficients, par exemple, les enfants ayant des besoins éducatifs spéciaux doivent être dans les mêmes classes, avec les mêmes maîtres pour apprendre le même programme que ceux de l’école ordinaire (ou normale). Le principe fondamental de l’inclusion scolaire est que l’école doit s’adapter aux différences et non l’inverse. Bien naturellement, ce modus vivendi commande la mise en place ou la création d’un environnement convivial favorable à une égalité d’un enseignement pour tous. En d’autres termes, il s’agit d’adapter le cadre éducatif à la spécificité des apprenants. Mais, cette pratique n’est pas parvenue à régler le problème d’une classe ou école enregistrant plusieurs enfants à besoins éducatifs spéciaux différents. Comme le pensent certains acteurs du système éducatif sénégalais, la pratique de l’éducation inclusive n’a pas encore fourni les réponses escomptées. Que nenni !

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Pour ma part, nous ne sommes pas dans un schéma ambivalent où on a, d’une part, une pédagogie inclusive et, d’autre part, une pédagogie coopérative. Même si cette dernière reste un mode d’enseignement répondant aux besoins variés des enfants et favorisant l’interdépendance, la collaboration et le respect des différences, il n’en demeure pas moins que cette approche se préoccupe de trouver, développer et mettre en valeur les talents et la richesse de la diversité. Or, toutes ces caractéristiques réunies ne lui permettent pas de pouvoir agir efficacement dans le cadre d’un groupe-classe renfermant plusieurs handicaps différents. L’inclusion pédagogique qui ne saurait se passer de l’adjonction d’un autre mode d’enseignement se trouve, du même coup, défaillante. D’ailleurs, ma conviction est que cette pédagogie n’est vraiment faite que pour les « têtes blondes » (l’expression désigne les apprenants des systèmes éducatifs occidentaux) pour parler comme Emmanuelle Opezzo, de « La maison Keller » à Paris. Il nous faut donc pousser jusqu’au bout de notre audace pour mettre en place un mode d’enseignement qui cadre parfaitement avec la gestion et l’optimisation des ressources colossales (plus de 20 % du budget national) injectées dans notre système éducatif.

Dès lors, il s’agit d’opérer un simple dépassement pédagogique pour pouvoir prendre en compte cette nouvelle donne. C’est-à-dire que, dans la démarche d’inclusion, il faudra impérativement appliquer le tri et la distinction pouvant permettre de prendre en charge les différences, mais toutes les différences ! Il faut donc une inclusion différenciée. Jusqu’à présent, le constat révèle que les enseignants des classes intégratrices traditionnelles (exemple du Centre verbo-tonale) ne gèrent qu’un seul type de déficient. Avec « la différenciation inclusive » ou « inclusion différenciée », le maître d’école préalablement bien formé pourra, en plus des différences qu’il aura à gérer dans sa classe, accueillir des sourds-muets, des aveugles, des lépreux, des handicapés moteurs, des surdoués. La pédagogie de « la différenciation inclusive » intègre, de ce fait, les principes de l’intégration et de l’inclusion scolaire. La pédagogie différenciée y sera de rigueur.

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A mon sens, cette façon de voir en l’apprenant du cycle fondamental, simplement un enfant et non « l’enfant de tel », est celle qui colle le plus à nos réalités socioculturelles et à nos valeurs traditionnelles négro-africaines. L’application d’une pédagogie de la « différenciation inclusive » permet non seulement d’opérer un retour aux sources africaines, où toutes solutions étaient recherchées aux problèmes de chacun en présence de tous, mais aussi en tenant compte des spécificités des uns et des autres. Il est d’ailleurs intéressant de relever que l’environnement juridique qui exige une telle pratique existe déjà depuis des lustres. L’article 23 de la Convention relative aux droits de l’enfant, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies ; l’article 12 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, adoptée par les chefs d’Etats et de gouvernements à Addis-Abeba, en Ethiopie, en juillet 1990 ; l’adoption des Règles universelles pour l’égalisation des chances des personnes handicapée par l’Assemblée générale des Nations unies en 1993 (Règle 6) ; etc. Quant à la Conférence de Salamanque (juin 1994), elle a remis au goût du jour les Besoins éducatifs spéciaux comme une condition sine qua non de l’atteinte des objectifs de l’Ept. Sur le plan national, le Sénégal a ratifié toutes les conventions et chartes internationales et participé et abrité de nombreuses rencontres visant à atteindre l’éducation pour tous.

Dès cet instant, tenant compte du principe d’éducabilité de tous, point nodal de la pédagogie inclusive, selon lequel « tous les enfants sont capables d’apprendre quelles que soient leurs difficultés », les enseignants que nous sommes, devons oser l’opération transcendantale sur ce mode d’enseignement qui débouchera sur la pédagogie de « l’inclusion différenciée ».

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Lamine NDIAYE

Inspecteur de l’éducation et de la formation

Militant Apr Thiès nord

lamineaysa@gmail.com

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