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Le SÉnÉgal Dans Une Nouvelle Ère

Charte fondamentale du pays, la Constitution ne peut être en contradiction avec une loi qui vient l’intégrer. Le règlement intérieur de l’Assemblée nationale ne peut, non plus, pas être au-dessus de cette Constitution. Mais plutôt en conformité avec elle pour être valable. Et pourtant, c’est ce à quoi nous avons assisté hier, à l’Assemblée nationale, lors de l’examen de projet de loi portant réforme de la constitution. Or, il est prévu, dans des situations pareilles, pour modifier la Constitution, d’avoir recours à un référendum ainsi qu’en dispose son article 4. Le souci est de verrouiller la Constitution pour qu’elle ne devienne pas un torchon susceptible d’être tripatouillé à tout va. Ceci a été fait suite à la tentation de modifier en 2011 une loi constitutionnelle devant profiter au Prince. La motivation à la base de cette loi constitutionnelle qui verrouille la Constitution, était dictée par le souci de ne plus permettre au Prince de la modifier pour les mêmes raisons.

Seulement, les mêmes causes entraînent les mêmes effets au Sénégal. En 2011, on avait voulu modifier une loi constitutionnelle en s’appuyant sur une majorité mécanique à l’Assemblée nationale, à huit mois de la présidentielle. Et, aujourd’hui, c’est à dix mois des élections que le président de la République a actionné sa majorité mécanique et aveugle pour se tailler une charte fondamentale à sa juste mesure en faisant voter, sans débat, un projet de loi portant révision de la constitution. Or, c’est ce que voulait éviter le législateur au sortir du référendum constitutionnel de 2016.

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Ainsi, le projet de loi adopté hier sans débat par la majorité mécanique à l’Assemblée nationale transforme notre charte fondamentale en une nouvelle Constitution comme celle de 2018. De ce fait, la Constitution qui gouverne désormais le Sénégal est une charte sans débat. En d’autres termes, le Sénégal est sorti des pays démocratiques pour sombrer dans une dictature, basée sur une Constitution sans débat.

Le consensus entre le temporel et le religieux a été cassé à l’occasion. Tout comme celui avec la société civile. Leurs points de vue, qui voulaient que ce projet de loi soit suspendu afin de permettre d’établir un dialogue, ont été ignorés. C’est ainsi que le chef de l’Eglise catholique, Mgr Benjamin Ndiaye, dont la déclaration implique toutes les religions car convergeant vers le même objectif, c’est-à-dire la cohésion nationale, a été snobé. Cela, malgré tout ce que les religieux représentent dans ce pays sur le plan sociologique. De même que la société civile qui a fait le déplacement à l’intérieur du pays pour consulter les autorités religieuses et qui a sorti une déclaration demandant l’ajournement du vote de ce projet de loi pour donner une chance à un large consensus. Idem pour l’opposition parlementaire qui a voulu qu’il y ait un débat sur le projet de loi, ce à quoi le ministre de la Justice avait toujours appelé. Comme son collègue de la Justice, le ministre de l’Intérieur a toujours dit son souhait qu’il y ait un débat de fond. Seulement, quand il a fallu le faire, le président de l’Assemblée nationale a pris seul la responsabilité de passer au vote et d’écarter le débat.

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Avec le vote du projet de réforme constitutionnelle, la constitution de 2018 est venue annoncer une nouvelle ère pour le Sénégal. Celle consistant à ne pas prendre en considération les suggestions des autorités religieuses qui sont, pourtant, un partenaire important, pour ne pas dire essentiel, dans la gestion de la cité. Ne parlons même pas des suggestions de la société civile qui, elle aussi, a été un bon partenaire à côté de la classe politique, ou celles de l’opposition expérimentée et responsable, dotée d’une culture de politique avérée, qui ont été dégagées en touche pour instaurer un Etat sans débat, avec une Constitution à l’appui. Et cela semble annoncer d’autres tripatouillages des lois électorales à venir, qui seront faits sur la base de la Constitution de 2018 (sans débat). Ainsi le 19 avril 2018 est une date que le Sénégal retiendra comme un moment de régression et de démantèlement de tous les acquis démocratiques de ce pays qui le mène vers des lendemains incertains.

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