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Initiatives D’un Monde Libre

Le monde vit une crise profonde qui se manifeste par le doute et une certaine perplexité quant à l’ancrage de la démocratie dans différentes sociétés, au caractère incertain de la justice internationale et souvent au manque d’efficacité du système des Nations Unies issu du règlement de la seconde guerre mondiale. En plus, l’humanité côtoie le risque au quotidien qui menace jusqu’à sa survie. Mais face à cette situation, le monde libre refuse de se replier sur une certaine fatalité et inertie. 

Ces derniers temps, nous avons pris part à deux processus extrêmement importants et sérieux qui tentent de jeter les bases d’une véritable résistance face à ces défis.

 En effet, du 6 au 9 mai 2018, s’est tenue à Dakar, la 9e Assemblée générale du Mouvement Mondial pour la Démocratie autour du thème « construire des partenariats stratégiques pour le renouveau démocratique ». Autour de près de 420 participants composés d’activistes de la démocratie, des praticiens, des universitaires et des donateurs en provenance  d’une centaine de pays, le symposium s’est tenu au Méridien Président. Il s’agissait surtout de s’auto-évaluer et d’offrir un espace de construction de relations plus solides pour défendre la démocratie.

Afin de jeter les bases d’une réaffirmation de l’universalité des valeurs démocratiques fondamentales, l’Assemblée n’a pas manqué de revenir sur la nécessité de défendre  l’information numérique et comment éviter les dérapages, sur la dialectique normes démocratiques et valeurs traditionnelles et enfin la définition des partenariats intersectoriels et transgénérationnels.

Il devrait revenir à Rachid Ghanouchi, le fondateur du Parti Enhadda en Tunisie de camper le débat sur normes démocratiques et valeurs traditionnelles. Finalement, il fut retenu dans son pays par les négociations autour de la formation d’une coalition pour les élections législatives qui étaient en cours.

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Nous allons nous arrêter un peu pour évoquer une discussion qui nous a particulièrement intéressé au cours de ce World Movement for Democracy ; il s’agit du phénomène du «crossover » ou mouvement de la société civile vers le gouvernement. Ce sujet fut largement discuté durant l’Assemblée générale d’ailleurs précédé d’un atelier de deux jours à OSIWA (Open Society Initiative for West Africa). La Fondation de Georges Soros campa le débat de manière fort appréciable : « la plupart des organisations de la société civile semblent encore  dédaigner, ou en tous cas continuer à discuter, l’éthique et le risque  que représenterait le fait de franchir le pas et d’aller vers la politique partisane marquée par des fonctions électives  et des postes pourvus en nomination au sein du gouvernement. » Or on doit se poser un certain nombre de questions : travailler au sein de l’Etat, signifie t-il aller à l’encontre des intérêts de son peuple ? Gérer un pays doit t-il indubitablement mener vers la corruption, la gabegie? Est-il possible de promouvoir éthique et gouvernance en même tempsn? 

Nous n’avons pas manqué d’expliquer au cours de ces rencontres que même si on peut noter une certaine ruse de la part des politiques pour casser les dynamiques de la société civile, le phénomène du crossover est irréversible en raison de :

– La fin du messianisme politique et la difficulté à asseoir un renouveau de la pensée politique ;

– La crise profonde des partis politiques, institutions du XIXe siècle.

Comme nous l’avons expliqué au cours de ces rencontres, pour reprendre Vaclav Havel et Pierre Ronsavallon, le pouvoir des crossover  dans un gouvernement s’identifie souvent « au pouvoir des sans-pouvoir. » Néanmoins ces dernières décennies, on a noté des  changements spectaculaires avec la création de Solidarisons en 1980 qui finit par porter Lech Walesa au pouvoir en Pologne en 1990. Ce mouvement s’appuya sur un grand penseur l’historien médiéviste,  Bronislaw Géremek ; il en fut ainsi de l’ élection de Vaclav Havel,  le héros de la révolution de velours de novembre 1989 en Tchécoslovaquie, une véritable rupture, et enfin plus près de nous, celle d’Emmanuel Macron en  mai 2017 et qui fut portée par un Mouvement citoyen trans-partisan, d’En marche. On peut aussi considérer dans la même veine le lancement des Assises nationales en juin 2008; d’ailleurs, elles gardent toute leur pertinence. 

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Notre plus grand regret reste, au cours de cette rencontre de dimension exceptionnelle que fut le World Movement, l’absence des autorités (gouvernement et institutions), des représentants des partis politiques pour partager le modèle sénégalais avec les participants. Seule la société civile sénégalaise releva de façon remarquable, le défi de la participation. Pourtant si le Sénégal a été choisi, après l’Afrique du Sud post-Apartheid pour abriter cette importante rencontre, c’est bien en raison de son expérience démocratique qui remonte à la période coloniale. En vérité le Sénégal doit toujours assumer et en toute circonstance, son rôle historique, en Afrique. 

La deuxième expérience que nous voulons partager est liée au prix 2017 de la Fondation Global Challenges pour créer les conditions d’une nouvelle coopération dans un monde incertain. De quoi s’agit t-il ? 

Un milliardaire suédois d’origine hongroise (comme Georges Soros), du nom de Laslo Szombatfalvy, aujourd’hui âgé de plus de 90 ans, a mis presque la quasi totalité de sa fortune, à la disposition de la promotion d’idées novatrices pour combattre les risques auxquels l’humanité fait face, en ce moment. Laslo, lui même a beaucoup travaillé sur les risques tels que le changement climatique, la gouvernance, la pauvreté, les conflits, etc.

Sur plus de 2000 propositions très intéressantes, seules trois ont été retenues par le jury où l’Afrique fut représentée par  la fille du prix Nobel Wangari Matai, Wanjira Matai. Les choix du jury ont surtout porté sur la gouvernance mondiale, la nécessité de réformer le système des Nations Unies, le rôle du secteur privé, etc.

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Le processus fut long, mais crédible. Les propositions ont été faites dans toutes les langues des Nations Unies. Pour les demi-finales, le monde fut divisé en sept régions et j’eus la chance de diriger le panel Ouest-africain et à dominance francophone, où furent examinées plus de deux cents propositions. A ce panel figuraient des personnalités comme Alioune Tine, Fatima Harrak du Maroc, Zeinab Haddari du Niger, Giles Yabi, Christain Pout du Cameroun, Francis Akindès de la Côte d’Ivoire et d’autres ambassadeurs.

Le prix d’une valeur de près de 2 millions de dollars fut partagé entre trois propositions et décerné, le 29 mai dernier au cours d’une soirée de gala à Stockholm. Dans les mois à venir, les idées sorties de la rencontre de Stockholm  vont continuer à être discutées à Paris, lors d’un forum qui sera lancé par le Président Emmanuel Macron.

 

Ce qu’il faut surtout retenir de ces deux expériences, c’est que le monde libre ne reste pas inerte et dépourvu de propositions nouvelles face aux blocages du système actuel car seule la pensée demeure révolutionnaire !

pmbow@

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