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La Tragédie De L’afrique

Enfin, Mamoudou Gassama est suffisamment entré dans l’Histoire…celle de la France ! Comme l’émotion est nègre, ce jeune Malien, sans papiers (nonobstant sa détention de papiers maliens considérés comme indignes), n’a pas pu résister au sort pathétique d’un bambin blanc de quatre ans abandonné par ses parents (pourvus de raison, mais sans émotion). Le destin de ce gamin, aussi pathétique qu’il soit, n’est pas parvenu à remuer la fibre rationnelle de ses concitoyens de la même race, si race humaine il y a, en plusieurs qui sont restés attentistes devant le quasi dramatique destin de cet enfant, alors que sa vie ne tenait qu’à un fil.

Pour couronner l’exploit de ce tirailleur sénégalais post-guerre mondiale, Mamadou Gassama obtient une nationalité française avec pompes – comme s’il était apatride – et un recrutement dans le corps des sapeurs-pompiers, avec comme ordre : «Sauver ou périr comme l’ont fait tes ancêtres durant les deux guerres mondiales». A quand la décolonisation mentale ? Sans pour autant oublier la réception ultra-médiatisée à l’Elysée par le Président français, comme le vieux nègre avec le commandant de cercle. Ce non-événement a également fait les choux gras de la presse française, avide de sensationnel et d’intoxication.

Pourtant, une actualité digne de ce nom se déroulait sous les gonds et les verrous de Paris, dans l’une des universités les plus prestigieuses de France, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Organisé par ledit temple du savoir le 28 mai dernier et remporté par un étudiant béninois, le concours national d’éloquence qui couronne les méninges – et non les muscles – a démarré en 2015, mais n’est ouvert aux Africains qu’en 2018, malgré l’implication de l’Orga­nisation internationale de la Francophonie, composée en majorité par des Africains. La raison est hellène.

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Ce jeune étudiant de 26 ans de l’Université d’Abomey Calavi de Cotonou est doctorant en biochimie, microbiologie et pharmacologie et a soutenu la version affirmative du sujet suivant : «La plume plutôt que le pavé». Autrement dit, la désobéissance civile plutôt que la violence. Pourtant, il s’est inspiré des précurseurs du mouvement de la négritude pour défendre sa thèse. Une manière de dire au poète sénégalais que la raison n’est pas exclusivement hellène, bien que l’émotion soit davantage nègre comme le prouve la volonté de ce jeune nègre, Mamoudou Gassama, de sauver à tout prix un petit caucasien. Cette réaction du jeune Malien est naturelle chez le Noir, d’autant plus que dans son œuvre autobiographique, Up From slavery, Booker Taliafero Wa­shington raconte comment ses parents, avec compassion, prenaient soins des fils de leurs maîtres blessés durant la guerre civile entre le sud et le nord des Etats-Unis, dans les années 1860, malgré les brimades et autres mauvais traitements que leurs infligeaient quotidiennement ces derniers.

Nonobstant cet exploit qui a pris au dépourvu même les organisateurs du concours qui se sont exclamés : «Trois étudiants ont été récompensés dont un Béninois». (Comme si ce dernier était moins qu’un étudiant à cause de la couleur de sa peau), Brice Boris Legba n’a eu droit ni à une publicité médiatique ni à une réception à l’Elysée par le Président français qui, quoi qu’on dise, a la mainmise sur l’Organisation internationale de la Francophonie (j’en veux pour preuve le départ imminent de la Canadienne, Michaël Jean, en rupture de ban avec l’Elysée), qui est partenaire du concours par le truchement de l’Agence universitaire de la francophonie, marraine du prix remporté par le jeune Béninois. Comme récompense, il s’en est sorti avec un séjour culturel et académique en 2019, pas plus : donc un séjour bien déterminé et encadré. Ce qui tranche avec la diligence avec laquelle le gouvernement français s’en est pris avec ce que la presse hexagonale a appelé «l’affaire Gas­sama», preuve que la France ne badine pas avec ses fils, aussi menus soient-ils. Qu’en est-il de l’Afrique, la pauvre ?

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Dans l’histoire de l’humanité, la capacité intellectuelle du Noir a toujours été sous-estimée et sa virilité, pardon, force physique magnifiée, comme l’illustre le célèbre film The great debators de Denzel Washington, qui montre qu’au pays de l’Oncle Sam, les universités noires ne participaient pas au même titre que celles blanches aux concours d’éloquence. Mais finalement, c’est une université noire qui est parvenue à battre à plate couture les universités les plus prestigieuses. René Descartes n’a-t-il pas raison de dire que «la raison est la chose la mieux partagée au monde» ? A moins qu’il veuille dire entre Blancs.

Elimane BARRY

Professeur d’Anglais

au lycée Maciré Ba de Kédougou

eltonbarry87@gmail.com

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