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Auchan, Les Commerçants Et Nous !

Le mot d’ordre de boycott lancé  par un groupe de commerçants, préoccupés plus que tout par des bénéfices à réaliser au grand dam des consommateurs sénégalais, n’a pas été suivi. Les arguments avancés, le slogan « Auchan dégage » cachent mal l’égoïsme, la xénophobie même  d’opérateurs économiques, de commercants dont certains n’hésitent pas à mentir sur l’origine et la qualité de  leurs produits ou à jurer au nom de tous les saints sur le prix de revient de leurs marchandises ; proférant ainsi des mensonges juste pour gagner la confiance de leurs victimes et réaliser des bénéfices exorbitants. Des musulmans qui mentent, oubliant que « le mensonge est l’usure extrême. Gare à vous de mentir car le mensonge est incompatible avec la foi ». Ces propos du propos du prophète(PSL) sont rapportés par Al-Wasa,il et Ahmad et Abû-l-chaykh dans Al-tawbikh .

Des commerçants véreux, mauvais payeurs, receleurs, usuriers accusés souvent de fraude ou poursuivis pour non déclaration de marchandises importées, on en trouve dans le pays de l’importateur de sucre Moustapha Tall, de son homologue  Bocar Samba   Dieye  et de l’homme d’affaire Aziz Ndiaye, accusé lui et son frère Massata en janvier dernier, de recèle de marchandises et lui même mis à la disposition de la justice encore pour escroquerie parce que, selon une nouvelle accusation, il aurait menti sur la qualité de l’huile servie au sénégalais.

Les nombreux sénégalais qui ont ignoré le mot d’ordre en continuant de fréquenter les surfaces de vente Auchan sont dégoutés par ces pratiques qui viennent  de  frères et compatriotes, qui aujourd’hui sentant leur chiffre d’affaire menacé, s’érigent en défenseurs de l’emploi. L’Unacois, une structure très engagée dans le combat contre le groupe français, très divisé aussi pour des intérêts partisans, aurait dû pour être plus convaincant donner des statistiques sur les emplois que ses membres ont créés. Souvent c’est une entreprise familiale : les employés sont des membres de la famille, des neveux, nièces et quelques dockers aux emplois très précaires qu’on n’hésite pas à renvoyer à la moindre faute ; pour qui on ne verse aucune  cotisation sociale parce qu’on n’a paraphé aucun papier ou contrat pour eux.

C’est la confiance qui est rompue  entre les consommateurs que nous sommes et les commerçants. Ces deniers nous ont habitués à chaque fête, surtout celles religieuses, qui devraient être des moments de partage, de solidarité, de «yeurmandé» le mot, est très fort en wolof, d’augmenter les prix des denrées et de mentir encore sur une prétendue hausse des taxes ou d’une pénurie de la marchandise qu’ils ont eux-mêmes provoquées. Et l’Etat, souvent aux abonnés absents, laisse souvent ces malhonnêtes  commerçants « nous couper la tête » parce qu’on ne sévit pas, le contrôle n’est pas régulier. Les rares agents chargés du contrôle, on ne les voit pas dans nos quartiers où le boutiquier à la porte de nos maisons vend des produits avariés, chips, biscuits et bonbons surtout, à nos enfants qui courent chez le boutiquier dès qu’une pièce leur tombe  dans la main. D’ailleurs, chaque année ce sont des centaines de tonnes de marchandises impropres à la consommation qui sont retirées des rayons et détruites par les services de l’Etat et sûrement une partie importante de marchandises avariée est servie dans nos plats. C’est le commerçant sénégalais qui empoisonne le consommateur en écoulant en connaissance de cause des produits bons pour la poubelle.

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Personne  n’est dupe : dans ce pays chacun défend ses intérêts,  personne ne pense à l’intérêt de l’autre ou à l’intérêt général.  Les consommateurs que nous sommes ne sont défendus par personne, même pas par l’Etat, ni par l’association des consommateurs de je ne sais quel usurpateur. Il ne nous reste qu’à, individuellement, nous défendre, voir où se trouvent nos intérêts. Et cela personne ne doit nous le reprocher. Personne ne nous reprochera d’entrer dans une boutique Auchan où les employés sont recrutés dans la zone d’implantation avec des contrats en bonne et due forme ; où l’accueil, le service et les produits sont de qualités ; où   on me vend le pot Gloria à 375frs au moment où le boutiquer me le cède à 500 frs, le pot Nescafé moyen à 1400 frs  quand mon commerçant me le cède à 2000frs, le sac du riz  de la vallée à 6000frs au moment où le boutiquier du coin et même le grossiste au marché le cède au fonctionnaire qui se ravitaille chez lui depuis  plusieurs années à 8000frs ; parce que ce pauvre fonctionnaire qui, ne peut payer cash sa ration, qui a un bon de caisse  à régulariser à chaque fin du mois, s’endette  en acceptant le diktat  de son commerçant  sur les prix des denrées, souvent bien au-dessus de ceux fixés par le service de commerce.

On reproche au groupe français de tout vendre, nanas, persils, poisson fumé, charbons de bois, j’en passe, et qu’il menace ainsi, les intérêts des pauvres dames  qui ont leur étal au marché où elles  tirent leur source de revenu de la vente des produits susmentionnés, mais ce qu’on ne dit pas Auchan achète  chez des cultivateurs de la vallée du fleuve Sénégal, à des jardiniers de la zone des niayes, aux nombreux aviculteurs des régions  dont les récoltes, les produits pourrissaient sur place faute d’acheteurs. Le riz, le niébé, le bissap,  les pommes de terre, la salade, les œufs, qu’on retrouve dans les surfaces de vente Auchan ne sont pas des produits importés. Et son personnel est recruté sur place : plus de 50 personnes sont employés dans les deux boutiques Auchan installées dans la commune de Thiès, au moment où à Bambey, un richissime commerçant n’a même pas recruté de comptable parce qu’il ne fait confiance qu’à son fils.

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Le groupe Auchan, selon certaines indiscrétions, a débloqué des centaines de millions pour acheter le riz de la vallée qu’il a mis  à la disposition des consommateurs à un prix raisonnable, durant le mois de ramadan. Et des commerçants, pensant faire  une bonne affaire,  ont garé des camions pour acheter des tonnes de riz au  prix promotionnel proposés par le groupe pour le garder et le vendre  plus cher après. Il a fallu l’intervention de la direction d’Auchan à Mbour pour arrêter cette rapine en donnant l’ordre de ne pas vendre plus de deux sacs aux clients.

L’homme d’affaires sénégalais ou l’opérateur économique, au moment où le toubab achète les produits de nos braves sœurs et frères organisés en GIE, préfère importer des produits d’Europe, de Chine, de Dubaï  pour faire plus de bénéfices. J’ai eu très mal quand j’ai entendu un jeune exploitant laitier très ambitieux du nom de Bathily  confier que la bouteille de lait exploitée au fouta et qui arrive à Dakar est plus taxée que le litre de lait  importé de la Hollande.

Ceux qui seraient tentés de dire que le groupe français a des facilités et des moyens financiers que nos commerçants n’ont pas  doivent se demander s’il y a, avant l’arrivée d’Auchan, des initiatives allant dans le sens de permettre au sénégalais moyen d’entrer dans une surface de vente et d’accéder à des produits de qualité  et à bas prix. Si les membres de l’unacois s’étaient organisés en s’associant, ils pouvaient le faire, mais on préfère investir son argent dans l’immobilier en toute discrétion,  où il y a moins de risques, où on gagne et on gagne seul.

Bref ce que ce groupe de pression, ce lobby mercantiliste, peu préoccupé du sort des consommateurs, reproche au groupe français, on peut le lui reprocher.

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J’ai eu l’occasion de séjourner, pour les besoins d’une formation, en France et ce que j’ai appris au-delà des compétences acquises, c’est que ceux que nous snobons ou tentons de dénigrer  sont très organisés et ont un profond respect pour la personne en tant qu’être de droit ; ils incarnent  de principes  et de valeurs humaines. Un système de solidarité est de mise : organisé par l’Etat, les plus riches sont plus taxés pour assister les plus démunis. Partout dans les transports, les centres de santé, le commerce, les écoles et universités, les plus démunis sont assistés, les personnes vulnérables sont privilégiées dans la distribution des services. Les agents en service sont justes, honnêtes et bienveillants. Dans tous les pays du monde, il y a le racisme, mais il y a du respect, de la discipline  dans les échanges: de petits mots aimables en témoignent « merci, s’il vous plait, pardon, excuse-moi… ».

Chez nous c’est tout le contraire, même si on  reproche aux occidentaux de manquer de foi, de ne pas croire en  notre prophète, ils restent attachés à un nombre de valeurs morales, culturelles et spirituelles que nous enseigne pourtant la religion musulmane, mais que nous ne respectons pas dans nos rapports ; ils ont quelque chose surtout qu’une communauté ne saurait manquer, selon André- comte Sponville, dans son ouvrage l’esprit de l’athéisme, des liens forts. Pour le philosophe français, qui se considère comme un athée non dogmatique et fidèle, une société suppose la communion des esprits, le partage, un pouvoir de liens, que rappelle d’ailleurs , l’étymologie du mot religio, du verbe religare, relier ; la fidélité, du latin fides, un attachement partagé commun à ce qui nous a été transmis dont des valeurs cardinales que nous devons transmettre, qui devraient nous inspirer, nous guider, pour  nous rendre,  nous sénégalais, moins égoïstes et plus solidaires.

 

Bira Sall

Professeur de Philosophie au lycée Ababacar Sy de Tivaouane

Chercheur en éducation, spécialiste petite enfance

Bira SALL

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