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Centrale à Charbon : Bargny à L’autel Du Sacrifice !

Mais d’où sort Mouhamadou Makhtar Cissé, le Directeur général de la Senelec ? Qu’est-ce qui a bien pu se passer dans sa tête pour décréter, avec une arrogance notoire, du sort de toute une génération d’honnêtes et paisibles citoyens qui ne manifestent que son droit à un environnement sain ? Quand j’ai ouïe dire que les complaintes des populations autochtones de Bargny, contre la centrale à charbon le dérangeaient, je ne pouvais pas imaginer que, pour y répondre, l’enfant de troupe allait dégainer et renvoyer une décharge salivaire insoutenable.

Décidemment il a la gâchette facile car, clame-t-il, « malgré tout ce qui a été dit sur le charbon, j’ai décidé de relancer la construction de la centrale à charbon de Bargny ». Un projet qui, dit-il, dormait dans les tiroirs de la Senelec depuis 2013. Il se glorifie de l’avoir remis au goût du Prince. Cela pousse à se poser la question de savoir si sa lettre de mission est bien claire ou s’il fait dans l’excès de zèle qui frise, à n’en pas douter, l’ineptie. Comment accepter qu’une autorité de sa dimension puisse, un seul instant, penser que seul l’objectif de croissance quantitative peut permettre à notre pays d’arriver à un modèle de développement économique durable. Le niveau de qualité garantit l’épanouissement plein de l’Homme et la sauvegarde de son Environnement. Il constitue, en fait, le véritable pilier qui assure la durabilité et non le développement en tant que tel. C’est un enjeu de sécurité humaine des populations qui se trouve au cœur de la réflexion internationale, menée depuis les années 80 sur la notion de développement durable, plus précisément.

Quand le DG affirme que « dans le vocable du développement durable, le mot le plus important, ce n’est pas forcément durable mais développement» on comprend mieux les propos, développés par son acolyte Eric LHOMME, Administrateur général de la Compagnie d’Electricité du Sénégal, qui, répondant à une question de la journaliste Ihlame TAOUFIQI de TV5 Monde, sur les effets environnementaux et humains de la centrale, dans le reportage, titré Sénégal : l’Emergence à tout prix, disait : « En fait on ne regarde pas si on va polluer, on regarde le développement énergétique du pays » pour ne pas dire « On regarde l’avenir ! » pour paraphraser le Maire de Bargny, Gaye A. A. SECK quand la reporter lui a demandé « Si vous aviez à choisir est-ce-que vous auriez autorisé une centrale à charbon » ; une question, fort embarrassante, qui, semble-t-il, ne faisait pas partie du fil conducteur, préalablement, établi pour réaliser l’interview.

Ces propos dénotent du manque notoire de considération de ces autorités envers les communautés humaines, animales et végétales impactées. Ils dévoilent le grand mensonge qui entoure la construction de cette centrale qui rompt avec les principes élémentaires du développement durable et pire, avec la Constitution du Sénégal qui garantit un environnement sain. Quand bien même l’économie constitue une composante essentielle du développement, il ne faudrait pas l’envisager que sous l’angle quantitatif. Pour sa durabilité-soutenabilité, il faut nécessairement intégrer les dimensions humaine, environnementale et culturelle du développement.

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Pour avoir souscrit à l’Accord de Paris sur le Climat, la priorité devait porter sur une source d’énergie autre qu’un projet de centrale à charbon dont Zola ne serait pas du tout fier. Même si c’était la seule option, pourquoi l’implanter dans une zone qui jouxte des habitations, des aires de pêche, de transformation de produits halieutiques, une nouvelle ville, des cours d’eau qui servent d’abreuvoir au bétail, etc.

Notre pays recèle de beaucoup d’espaces qui se mesurent à perte de vue ; lesquels sont caractérisés par « autant de rien » qui pouvaient accueillir un tel monstre. Malgré nos lamentations, Makhtar et le Prince, appuyés par de vils courtisans, tapis dans l’ombre et dont les masques tomberont immanquablement, en ont décidé autrement et, de la manière la plus triste. Les raisons véritables viennent, en effet, de nous être révélées par un des « bouchers » que l’Omnipotent, dont le Seul Décret est infaillible, a mis à nu. Vu l’ineptie et la gravité de la conspiration, que lui et ses associés ont brodée pour Bargny, l’agressivité de sa voix ne pouvait que transgresser les quatre murs qui ne pouvaient guère la contenir.

En effet, dans un discours, prononcé à la cérémonie de clôture du weekend de la Presse, tenue récemment à Cap Skirring, Makhtar CISSE, DG de la Senelec, a, se prononçant sur la centrale à charbon de Bargny, lâché, je le cite : « … dans le cycle de réduction de la pauvreté, de combat de la pauvreté, de création de la richesse, il faut forcément régler la contrainte énergétique ». Il marque un bref silence avant d’asséner « Donc et ça, ne le publiez jamais, même si une génération de sénégalais doit mourir, comme cela se fait dans tous les pays, pour que la nouvelle génération puisse bien vivre, c’est le chemin par lequel il faut passer… Il y’a des gens qui sont morts pour l’indépendance mais il y’a d’autres qui vont mourir pour autre chose … c’est ça le cycle de la vie ».

En clair, selon le DG, la réalisation du futur désiré par les autorités va, inévitablement, passer par l’extermination d’une génération. C’est le prix à payer pour avoir de l’énergie en continue, en abondance, afin d’alimenter tout le Sénégal et en vendre, peut-être, dans la sous-région. D’ici, je comprends mieux pourquoi TV5 avait titré dans son élément sur la centrale : Le Sénégal, l’émergence à tout prix !

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Ces propos, trop choquants, trop dures, dénotent des exactions dont certains individus sont capables dès lors qu’une petite parcelle de pouvoir leur est octroyée.

Apparemment Makhtar Cissé, qu’on peut qualifier de Sisyphe des temps modernes, ne perçoit pas encore l’effet boomerang de son projet. Comment la future génération dont il parle pourrait s’épanouir dans le périmètre et les zones environnantes où est bâtie « sa machine à tuer » si on sait que sa centrale porte en elle-même les germes de la destruction de cet avenir désiré. Ses prédécesseurs, dotés d’un brin d’humanité, avaient bien fait de ne pas exécuter ce qui deviendra avec lui, le projet génocidaire, appelé plan d’action prioritaire de la Senelec (Yessal Senelec).

Jugez de la légèreté des justificatifs de son projet, quand, comme las d’expliquer pendant longtemps pour se faire comprendre par son auditoire, le Dg de la Senelec, qui vraiment en a trop dit,  renchérit : « Pour faire simple, au Sénégal depuis la naissance on est dans la pollution,… le baptême ca ne se fait pas avec du « matt » (bois mort),…dans les chambres, il n’y a pas de  « curaay » (encens) et si vous avez un père fumeur en plus dans votre propre chambre de bébé… Cette fumée là, elle est plus dangereuse que la fumée d’une centrale dont la cheminée est à 100 mètres ».

A l’écouter parler, on pourrait croire qu’il a raison sur ce point. Selon lui si, depuis notre enfance, nous avons traversé et résisté à toutes ces fumées de bois mort, mégots de tabac de notre parent « Père Maheu » et l’encens de notre mère « La Maheude », il n’y aurait pas de raison que nous n’en fassions pas autant, ou plus, avec la fumée de sa centrale. Le problème c’est que la fumée de Makhtar a pour « projet économique de tuer » et non de célébrer encore moins d’adoucir. Il nous aurait invité à une mort naturelle que nous serions preneurs mais, avec son projet, il ne s’agit pas de la nature qui tue mais d’un groupe d’individus qui veulent créer un danger à l’Homme et à son Environnement.

Sûr que de leurs vivants, les Braves Femmes de Nder ne seraient guère fiers de leur fils qui a ourdi le plan de liquidation d’une génération à travers différents scénarios « Bargny en flammes », « Bargny en cendres ».

Force est de reconnaitre que le charbon constitue un réel danger que des personnes averties, dans les domaines de l’environnement, la santé et l’économie n’ont pas manqué de dénoncer. Parmi elles, notre Édile qui, en sa qualité d’Aménagiste, déplorait, il y’a moins de 4 ans, le fait qu’avec cette centrale, je le cite : « la vue qui devait être dégagée et qui est magnifique sur cette partie du littoral sera bien évidemment polluée par cette centrale si demain elle voit le jour », que « la centrale est nuisible pour les populations de Bargny, nuisible pour la nouvelle ville de Diamniadio ». Aujourd’hui, je me désole de constater que ses propos, techniquement objectifs et sincères, aient été, malheureusement, pollués par la carte du Parti.

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Quand ils sont en manque d’arguments objectifs, ceux qui nous dirigent ont tendance à verser dans le genre « Les chiens aboient mais la caravane passe » ; ce qui les conduit à adopter des comportements qui frisent l’arrogance voire la paranoïa. Le Devenir du Sénégal est l’affaire de tous les bargnois comme celui de Bargny l’est pour tous les sénégalais. Quel qu’en soit le prix, « notre  Développement » ne doit pas être bradé ou bâti sur le mensonge ; « la croissance quantitative n’en vaudrait pas celle qualitative ».

La question véritable qui se pose est de savoir comment on est arrivé à une situation telle que des personnes censées servir et protéger leur Communauté en sont venues à les standardiser ? Pourquoi chercher à effacer les habitudes culturelles des populations, volontairement, impactées par la centrale pour les intégrer dans une nouvelle zone d’accueil ? Par quels moyens garantir à ces populations, la perpétuation, la conservation de leur identité, attitudes et aptitudes en les déménageant loin de leur terroir d’origine ? Quid du projet qui soutiendrait une possible reconversion des populations concernées si tant est qu’il existe ?

Autant de questions, inspirées des propos du Maire de Bargny et son collaborateur, qu’Ihlame TAOUFIQI de TV5 qualifie de « sentence ». Parlant du relogement des pêcheurs impactés, ces derniers disent : « vous savez, ça a évolué, ils n’ont pas besoin d’avoir la proximité immédiate de la mer d’autant plus qu’avant d’aller pêche, il faut bien vivre et avoir un logement décent », « de toute façon, ils peuvent se reconvertir pour ceux qui en ont envie, être loin de la mer ne les empêche pas de pratiquer leurs activités »,  « D’ailleurs la pêche artisanale, il n’en reste plus vraiment rien ».

Cette propension qu’ont certains responsables à dire et se dédire n’honore guère notre pays. Elle montre, tristement, à quel point notre société souffre du recul des valeurs socioculturelles qui constituaient le fondement de notre « Commun vouloir de vie commune ». L’arrogance freine la croissance spirituelle et mène vers des attitudes qui pourraient faire penser que notre société n’est pas capable de produire des citoyens au comportement intelligent pour l’intérêt de tous. De notre passage sur Terre, on ne retiendra que les actions, posées. Fussent-elles bonnes ou mauvaises, elles constituent le Patrimoine immatériel, le chant « bakk » qui ferait  enorgueillir notre descendance ou la confondre.

Aliéner cet héritage fait s’effondre, progressivement, notre société.

 

Abdoulaye SENE

Conseiller culturel, spécialisé en Management et entreprenariat culturels

satysene.crac@gmail.com

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