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La République Abîmée

Un pays de mensonges et d’hypocrisie ; un pays de connivences et de complicités ; un pays de « maa tey » pour les uns et de l‘embastillement pour les autres. Nous sommes ce pays-là, qui a depuis longtemps oublié ce qui était ses valeurs : « jom, kersa, jub ». Et ce sont nos gouvernants qui sont, en première ligne dans cette entreprise de dilution, de dissolution de nos valeurs. Mais le dire aujourd’hui, fait de vous un grincheux archaïque, une relique du siècle dernier. La mode, c’est de dire, de chanter à tue-tête, que tout cela est inévitable, dans cette époque de la mondialisation triomphante. Bon dos la mondialisation, cette mère maquerelle qui avilit tout, sans aucuns contre-feux, ni garde fou civique.

Cette entreprise, de délitement de nos valeurs, s’appuie sur des cohortes de « producteurs idéologiques » , véritables parasites des pouvoirs, dont la fonction est de distiller à longueur d’articles de presse, de sorties radios et télés la « vision » quasi-messianique du Prince, son programme salvateur qui fera émerger notre pays dans les quinze, vingt prochaines années. Et l’opposition au Prince du moment, des envieux sans programme, des spécialistes du « ôte-toi de là que je m’y mette ». Seuls les nihilistes inguérissables ou des opposants envieux et haineux peuvent, osent douter que le « messie-president » conduit  inexorablement, son peuple, vers un paradis qui aurait, bien sûr, une couleur beige-marron.

Mensonges et hypocrisie. Qui dans ce pays n’a pas la conviction, voire le sentiment intime, que notre justice est dévoyée, défigurée par des pratiques et actes qui en dénaturent la fonction ? Le dire, cette intime conviction, ferait de vous un terroriste anti-institution judiciaire. Et donc un hôte virtuel de Rebeuss où vous retrouverez des voleurs de poules. Faites remarquer que le Prince, dont on ne peut, ni ne doit, douter de la parole, a fait au monde entier des confidences renversantes : « Si vous saviez le nombre de dossiers sur lesquels j’ai mis sous mon coude »…

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Ces dossiers sous le coude pesant du président, on sait qui ils sont, d’où ils viennent, et où ils ont fini par atterrir. L’impénitent qui fera la remarque du pourquoi d’un tel traitement, on vous répondra doctement, comme à un demeuré, que « le temps de la justice n’est pas celui de …. », et patati patata. Osez demander, non, s’interroger à voix haute, pourquoi aucun Procureur, sensé être au service du peuple, n’intente aucune action, ne s’auto-saisit contre ces délinquants au col blanc, on vous répondra que « chaque chose en son temps » . Celui de l’enterrement oui ! N’essayez pas de savoir pourquoi nos juges ne font pas de ces cas, des affaires d’Etat, prioritaires pour un pays qui rêve d’émerger, voire de décoller, on vous opposera les célèbres mimiques du singe – qui ne voit rien, n’entend rien, muet comme une taupe, et se bouche les narines pour ne pas respirer ces effluves nauséabondes. Dire cela, fait-il de vous, quelqu’un qui manque de respect à l’institution judiciaire ? Dire cela, fait-il de vous quelqu’un qui manque de respect à la République ?

Dites haut et fort qu’il y en a marre de meurtres de citoyens dans nos postes de police ou de gendarmerie, et vous mettrez en danger votre liberté de citoyen. Essayez de manifester pour dire stop à ces abus intolérables en République, un Préfet, voire un sous-préfet, imbu de son impunité, vous interdira les trottoirs de Dakar, parce que, voyez-vous, vous risquez de « discréditer » l’institution policière ! Vouloir rappeler aux policiers et aux gendarmes que leur fonction est de « protéger et servir » et non de réprimer à outrance et de tuer à l’occasion, votre convocation à la Dic, puis devant le Procureur, est prête, avant d’atterrir chez un juge. Demander où en est l’affaire Fallou Sène, c’est faire montre d’un insupportable irrespect à « nos forces de défense et de sécurité » !

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N’est-ce pas un crime de lèse-majesté que de dire au président de la République, que le Palais n’est pas le siège de l’Apr ; que la salle des banquets est celle des banquets de la République et non l’auberge-beige-marron-apériste et des transhumants de la nuit. Pourquoi s’obstine-t-il à continuer à dénaturer les symboles de la République d’une manière si peu républicaine ? Lui qui se targue (et l‘écrit) d’avoir des « convictions républicaines ». Lui qui est né avec les premiers pas de la République indépendante, pourquoi s’acharne-t-il à l’affaiblir, à l’avilir, à l’abîmer ?

Le clamer (qu’on a des convictions républicaines) ne suffit pas, encore moins l’écrire, dans un pays où l’analphabétisme est le signe distinctif et le marqueur indélébile. Il faut pratiquer et faire vivre la République et ses principes partout et toujours. Le Palais, c’est pour recevoir les hôtes de la République dont il incarne les attributs par la grâce du peuple qui l’a élu et confié la garde pour un temps.

Je me rappelle les années 90 où, chaque semaine (avant que la presse privée ne devienne quotidienne) les médias pilonnaient le président Diouf, son régime, son gouvernement, son parti (Ps) pour avoir transformé le Palais en « Pac Lambaye » alors qu’il avait « sa Maison » à Colobane, construite du reste, avec des deniers publics. Aujourd’hui, abîmer les symboles de la République est devenu le sport le plus prisé par nos hommes politiques, ceux du pouvoir en premier lieu. Mais qui s’en soucie aujourd’hui ? Cela ne fait plus la Une des journaux ni l’objet de débats et d’analyses pertinentes d’éminents professeurs comme Monsieur Kader Boye à l’époque dans Sud et d’autres spécialistes constitutionnalises dans la presse de l’époque. Aujourd’hui, ils se glorifient d’être « des tailleurs constitutionnels » de classe mondiale ! Mœurs pernicieuses et perverses, époque délétère, époque de connivences et de complicités honteuses ! Époque de reniements !

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Qui disait encore « République bananière » ou « y a bon banania » ? Chaque jour, ils abîment un peu plus la République. Y mettre un terme, est devenu un devoir… républicain ; une urgence citoyenne ; une question pour la survie de la République et ses principes. Il me semble que c’est ça, être républicain. Avoir des convictions républicaines.

 

Demba Ndiaye

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