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Les Milles Maux D’un Pays Qui Se Croit Miraculé

Le dossier Joola est une incontestable nébuleuse, pour ne pas dire un échec monumental. Nous le savons tous. Mais il y a des milliers de « mini-Joola » qui circulent encore au Sénégal.

Commençons par nos routes qui tuent. Un mortel accident de circulation est devenu une banalité. On en voit si souvent. C’est seulement quand on y perd un proche qu’on se pose des questions. Pourquoi… ?

Je ne vais pas m’attarder sur les « cars rapides », le « petit train de banlieue » et les « Ndiaga Ndiaye », car beaucoup d’encre et de salives se sont déversées là-dessus. Pourtant le mal continue, les risques étant plus que jamais présents. Aux autorités de prendre leurs responsabilités et d’agir, si elles arrivent à percevoir le malaise des gens d’en bas.

Ce qui est très frappant et tout aussi effrayant chez nous, c’est l’état des routes. Quittez la Nationale 1 et vous regretterez d’avoir pris votre bagnole. Là où s’arrête l’asphalte qui parfois couvre à peine trois mètres, vous avez des « falaises » de plus de vingt centimètres, qui bousillent votre véhicule au moindre faux-coup de volant. Seulement, vous n’êtes pas seul sur la route. En face de vous arrive un camion, plus que surchargé, qui fonce à tombeau ouvert. Le chauffeur se prend pour le Tout Puissant. Tu es l’œuf, il est la pierre. Ces camions ont leur centre de gravité si haut qu’une ruade de cheval les renverserait. Et ils se mettent carrément au milieu de la route, à vous de vous débrouiller. Remarque, ils n’ont pas toujours le choix, les routes étroites dictant leurs lois. Il suffit qu’ils se mettent un peu trop à droite pour culbuter. La preuve, on en voit souvent couchés sur nos routes avec leurs chargements. Pourquoi ne pas prendre les mesures nécessaires ? Vous me répondrez qu’on attend qu’un de ces camions s’écrase sur des dizaines de vendeuses au bord de la route, pour dire : « Plus jamais ça ! » D’ici là… Prions le bon Dieu, car « lu am ndogalu Yalla la. » (Tout ce qui arrive est de la volonté divine.) C’est sans doute ce que se sont dit les familles des vendeuses de Ndangalma, fauchées, il y a quelques années de cela, par un car sans freins. « Dieu est Grand ! » On lit cette phrase sur beaucoup de ces véhicules à risque. Au moins, on est averti. Si vous n’avez pas cette forme de foi, ne prenez pas la route. Même les motards qui escortent nos dignitaires y « perdent leurs nez ».

Et surtout, ne roulez pas la nuit. Les voitures d’en face vous aveuglent avec leurs phares. Que voulez-vous ? Ils ont besoin d’une bonne vision.

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Et surtout faites attention à la voiture devant vous. Elle peut déboîter à tout moment, sans signal, et quand le clignotant est déclenché, cela peut durer des heures tout simplement parce qu’on l’oublie. Le seul signal valable est le klaxon, quand il n’est pas enrhumé.

Sur certaines routes, il n’y a pas de tracés, vous savez, les lignes blanches qui vous permettent de positionner le bolide qui fonce vers vous. Et là, des vies sont mises en danger comme si on jouait avec. Je me demande si c’est dû à une carence de peinture ou si on fait des économies pour acheter le kérosène de l’avion présidentiel.

Pour voyager au Sénégal, notez le, il est conseillé de rédiger d’abord son testament. Dans ce pays, le plus dangereux des conducteurs est celui qui respecte le code de la route. On n’applaudit pas dans une réunion de lépreux. Quand le monde est à l’envers, quiconque est debout, a tort. Sur nos routes, qui klaxonne le premier a toujours la priorité, retenez-le bien, si vous tenez à votre vie. Il n’y a pas d’autres lois.

Dans le domaine culturel, nous ne sommes hélas pas en tête de peloton. Chez nous, les gens n’ont plus le temps de lire, plus le temps d’aller au cinéma ou au théâtre, plus le temps d’aller aux exposions. « Ils ont d’autres préoccupations. » On allume la télé et on gobe tout ce qu’on y passe. Voilà un mini-Joola culturel. Reste que les boîtes de nuit se remplissent au point qu’on doit les fermer pour des problèmes de sécurité. Et la prostitution, encouragée entre autres par le tourisme sexuel, devient monnaie courante, et ce jusque dans les villages les plus reculés. On dirait que nous ne voulons plus penser, mais seulement nous amuser pour oublier nos tracas quotidiens. Et puis de toutes les façons les livres ne se vendent pas et les salles de cinéma disparaissent les unes après les autres. Quant aux artistes plasticiens, ils sont plus fréquentés, quand cela leur arrive, par les journalistes que par les amateurs d’arts. On voit son nom dans les journaux ou son visage sur le petit écran et le lendemain on se demande comment payer son petit-déjeuner. Qui dit que Senghor n’est pas mort ?

Au niveau de la santé, c’est encore plus grave. Nous n’allons prendre qu’un exemple : la cigarette. Vous me direz que je me répète car j’en avais déjà parlé, mais ce n’est pas tout le monde qui lit quotidiennement les journaux au Sénégal. Il s’agit d’un poison légalisé par ceux qui le fabriquent et nous le vendent. Elle tue environ cinq millions de personnes par an, la moitié de la population sénégalaise. Les pays producteurs prennent des mesures et font des campagnes de sensibilisation sans se décider de l’interdire purement et simplement. Rien que de l’hypocrisie dont l’Afrique paye un lourd tribut. Si certains de nos journalistes appellent le yamba « L’herbe qui tue », comment donc doivent-ils qualifier la cigarette ? Combien de personnes meurent par année à cause de « l’herbe qui tue » ?

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La cigarette, voilà, de toute évidence, la fumette qui tue. Le monde tout entier le reconnaît. Des millions de morts pour des millions de dollars. Les vrais dealers et tueurs de surcroît sont les fabricants de cigarettes. Et nous légalisons la mort qu’ils vendent. Les « mini Joola » sont légion. De même qu’on fait des campagnes contre le sida, on doit en faire contre le tabac. Je ne suis pas Bob Marley ni Peter Tosh, je ne fais pas l’éloge du yamba que je décrie tout autant. Soyons clair là-dessus, mais dénonçons l’hypocrisie et arrêtons de nous voiler la face. Si les pays riches produisait le yamba, il serait aussi légal que le tabac et l’alcool qui sont de loin plus nocifs. La Hollande, un pays développé que je connais a résolu ce problème, la conscience tranquille. On y achète un sachet de yamba de même qu’on achète un paquet de cigarettes. Quel pays africain aurait osé faire cela ? Par contre, d’autres pays développés sont en train de se demander si ce n’est pas un exemple à suivre. Et nous, nous attendons qu’ils nous disent quelle décision prendre.

Les pays africains doivent se mettre d’accord pour taxer ce produit mortel, comme le font les pays producteurs, eux-mêmes. Le paquet de cigarettes qui coûte 3000 francs en France est acheté à 500 francs au Sénégal. En plus, nous avons le luxe de les acheter à l’unité, 25 francs pour une dose de poison. Et nos Etats ferment les yeux. Bientôt, les pays producteurs nous vendront des patchs, des « Sy-Ngom » et des tablettes pour arrêter de fumer, et nous les achèterons, bien sûr. Comme disait l’autre, « ils créent les maladies et les remèdes. » Nous devons payer pour les deux. Pauvres de nous ! On nous facilite l’accès à la maladie et à la mort, mais les médicaments, si on parle du sida par exemple, sont à la disposition des pays riches qui ne baissent pas leurs prix pour nous, les plus touchés. Au lieu d’augmenter sans cesse les prix du riz, du sucre, du pain et autres, augmentons les taxes sur le tabac et l’alcool. L’argent ainsi récolté pourrait servir à acheter des médicaments pour nos dispensaires où, parfois, on ne trouve même pas de coton. Des maladies éradiquées d’Europe depuis le temps des grands-pères font encore des ravages chez nous. Voilà un autre mini Joola.

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Et que dire de l’énergie solaire qui chez nous ne sert pratiquement qu’à sécher le linge alors que la SENELEC s’embourbe ? Le développement n’est vraiment pas pour demain, malgré les discours prometteurs de nos dirigeants.

Pour ce qui est de l’enseignement, un instituteur qui arrive en classe en se demandant comment payer son loyer a du mal à motiver ses élèves. Cela va de soi. Nous parlons de la valeur de l’éducation sans nous atteler à la tâche. Revalorisons d’abord le noble métier d’enseignant et nos enfants, nos pays par conséquent, auront un avenir plus radieux.

Venons en maintenant à nos villes. Là, on a le droit de se demander à quoi servent certaines mairies. A Kaolack, par exemple, les habitants des quartiers défavorisés où l’obscurité règne la nuit, disent : « Ils ne changent les ampoules que quand il y a des élections ou d’autres événements politiques. » C’est vraiment prendre les citoyens pour des moutons. Mais peut-être qu’avec le nouveau maire… A Diourbel, ville bien située pour être la deuxième capitale, c’est encore plus lamentable. Là-bas, la lumière, on ne connaît pas, pour ainsi dire. Faites un tour la nuit, au centre-ville. Aux abords d’une des routes, vous avez le poste de police d’un côté et de l’autre, la gendarmerie et le trésor public. Je vous dis qu’il y fait si sombre que vous ne voyez même pas vos jambes. Et on nous parle de sécurité sur la voie publique. Pour qui nous prend-on ? Un malfaiteur poursuivi n’a qu’à se réfugier dans ces ténèbres. Quand on n’est même pas capable de changer des ampoules, on ne peut pas changer un pays. Le « sopi » qui fut un beau rêve, semble, aujourd’hui, se muer en cauchemar. Hélas !

Pour que ce texte ne soit pas trop long, nous parlerons des paysans, pêcheurs et autres, une autre fois. Nos maux sont innombrables, ce qui m’empêche de trouver les mots, mais notre cher Président voyage assez pour, je l’espère, les soigner avant la fin de son mandat, peut-être renouvelable.

 

Bathie Ngoye Thiam

Bathie Ngoye THIAM

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