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Mysticisme Et Mystification Au Sénégal

Le développement, dans quelque domaine que ce soit, ne peut se faire sans un changement de mentalité, un éveil de conscience des masses populaires maintenues dans l’ignorance et la naïveté.

Nous connaissons une bonne partie de la mythologie grecque et romaine, avec ses dieux, ses déesses, ses héros, ses légendes, ses mythes. On en parle encore, mais plus personne n’y croit. Au Sénégal, les légendes enrobées de mystification semble avoir de beaux jours devant elles. Racontez tout ce que vous voulez, il y aura des gens pour vous croire.

Allez dans n’importe quelle ville et dites par exemple : « Un jour, tel marabout voulait aller prier à la mosquée. Ses babouches étant sales, il dit à Dieu qu’un ange devait les nettoyer. Dieu lui envoya immédiatement cent anges qui cirèrent ses chaussures et les enduisirent d’un parfum qui embauma tout le pays pendant un an. » Personne ne vous demandera vos sources et personne n’osera vous démentir parce que vous nommez un saint reconnu comme tel, un marabout qui, pour « dix millions » de disciples, n’est pas un être humain, mais Dieu en personne. De bouche à oreille, tout le monde en parlera, affirmant que c’est une histoire vraie. Et à chaque fois que quelqu’un la racontera en y rajoutant son grain de sel, les fanatiques crieront « Ëskëy ! » en claquant des doigts.

Il suffit qu’un étranger arrive dans un quartier et se prétende fils ou petit-fils de tel marabout pour que des gens se mettent à genoux devant lui et lui donnent de l’argent.

Quand j’étais petit, j’aimais écouter les « firikat », ces gens qui font leurs prêches dans les rues. Ils débitent plein d’anecdotes sur les prophètes et les saints. Je les croyais sans me poser de questions, comme bon nombre de Sénégalais. Je me souviens du sabre avec lequel Seydina Omar aurait zigouillé des milliers de « yeéfër ». « Un jour, Allah fit descendre un sabre de sept mètres de long pour combattre les infidèles. Le prophète dit que seul celui qui le sortira de son étui pourra s’en servir. Tous les « saaba » essayèrent sans succès. Ils n’avaient pas les épaules assez larges. Quand arriva le tour de Seydina Omar, le prophète lui fit une tape dans le dos et sa poitrine s’élargit de sept mètres. » Ëskëy ! Mais d’où vient cette histoire ? Qui l’a lue dans un livre sur l’islam ? Tradition orale ne signifie pas raconter n’importe quoi. Le Coran et les hadiths sont écrits pour éviter que chacun invente ce qu’il veut. (Quant au Prophète Muhammad (Psl), il était certes illettré, mais il connaissait le Coran et le vivait à tel point que notre mère Aïcha dit de lui : « Son comportement était le Coran. » Quelqu’un qui ne peut pas réciter plus de 20 sourates et n’a pas un ange qui fait descendre des versets par son biais ne peut donc pas se comparer à lui.)

Mettez une crotte de chèvre dans un nœud et dites que c’est un grigri qui fait gagner au loto, des gens vont l’acheter, surtout si vous précisez que Serigne Bakhoum Al Bida Mouslamtara a prié et craché dessus. Beaucoup ne se demanderont même pas si ce marabout existe ou a jamais existé. Il ne vous restera plus qu’à lui coller le patronyme d’une grande famille religieuse et le tour est joué.

Vous souvenez-vous de l’affaire Abdou Xaalis (dans les années 70, je crois) ? Un monsieur s’était attribué le pouvoir de multiplier des billets de banque, du style vous lui donnez cent mille francs, il vous rend un million. Nombreuses furent ses victimes. Même quand il fut arrêté, les gens continuaient de croire à ses pouvoirs surnaturels. Au commissariat où il était détenu, il disait à la foule venue attendre des sous, sous le soleil ardent de Kaolack : « Debout ! Assis ! Debout ! Assis ! » Et les pauvres poires obéissaient dans l’humiliation la plus totale, devant les badauds ahuris. Il ricanait alors : « Maa am ndey ju ligéey, waay ! »

Pourquoi est-il si facile de leurrer nos populations ?

Nous voulons garder les croyances de nos ancêtres tout en nous disant musulmans. « Xërëm » et « xaarbaax ». Les deux ne vont pas de pair. On ne peut pas être dans le faux et dans le vrai en même temps. Nous flottons entre les deux, ouvrant les portes aux escrocs de tous bords qui en profitent sans modération.

Prenons la lutte comme exemple. Quel lutteur entre dans l’arène sans ses « deebaadeeb » ? Ils y croient et refusent de voir que ça n’a aucun effet sur le combat. Un gringalet n’a qu’à se barder de grigris, s’arroser de « saafara » et aller affronter Yekini. C’est pareil pour le football. On gaspille des fortunes en « xondiom » et on ne remporte pas la coupe du monde. Même pas la coupe d’Afrique.

Beaucoup de Sénégalais croient que les « dëmm » existent et d’aucuns accusent d’autres de l’être, sans la moindre preuve. Nous ne voulons pas de preuves. Nous préférons « J’ai entendu que… », « Il parait que… »

Des ministres, des PDG, des paysans, des gens de toutes classes sociales ont recours à des charlatans qui leur ordonnent de sacrifier un poulet de telle couleur ou d’offrir des noix de cola, du lait, des œufs de pintade… Plus c’est étrange et gros, mieux ça passe. Pour trouver une femme, un mari ou un emploi, pour se débarrasser d’un rival ou pour se protéger, ces musulmans estiment Dieu insuffisant. Ils sont légion, ceux qui versent des « saafara » devant les portes de leurs bureaux avant d’y entrer. S’ils ont peur de quelque chose, ne peuvent-ils pas se contenter de dire « Bismillahi rahmani rahimi » ? « Mais plutôt ils dirent : “Nous avons trouvé nos ancêtres sur une religion, et nous nous guidons sur leurs traces. » (Sourate 43 : 22)

Le « maslaa », le « mándu » et la croyance aveugle nous empêchent de raisonner, transformant ainsi nos cerveaux en meubles.

Les nombreux oustazes à la radio mettent un pansement sans au préalable nettoyer la plaie. L’apparence est correcte, mais à l’intérieur, ça continue de pourrir. Séparons le bon grain de l’ivraie.

Comme le dit Jésus (Psl) : « Personne ne déchire d’un habit neuf un morceau pour le mettre à un vieil habit ; car, il déchire l’habit neuf, et le morceau qu’il en a pris n’est pas assorti au vieux. Et personne ne met du vin nouveau dans de vieilles outres ; autrement la fermentation fait éclater les outres, et l’on perd à la fois le vin et les outres. A vin nouveau, outres neuves. » (Luc 5/36-37).

Le Saint Coran dit qu’Abraham, après avoir détruit les idoles de son peuple, proclama : « Je tourne ma face exclusivement vers Celui qui a créé les cieux et la terre, et jamais je ne considérerai que Dieu a des égaux. » (Sourate 6 : 79).

La Sainte Bible rapporte : « Jésus entra dans le temple et chassa tous ceux qui vendaient et achetaient dans le temple ; il renversa les tables des changeurs et les sièges de ceux qui vendaient les colombes et il leur dit : « Il est écrit : Ma maison sera appelée maison de prière. Mais vous, vous en faites une caverne de voleurs. » (Matthieu 21 : 12-13)

Quand en 630, le prophète Muhammad (bénédiction et paix sur lui) détruisit les idoles de la Kaaba, Allah révéla : « Et dis : « La Vérité est venue et l’Erreur a disparu. Car l’Erreur est destinée à disparaître. » (Sourate 17 : 81).

Pour suivre l’islam comme il se doit, il faut commencer par faire table rase de nos habitudes païennes ou animistes et surtout arrêter de prendre nos marabouts pour des Seigneurs en dehors de Dieu, l’Unique, l’Absolu qui se suffit à Lui-même et n’a point besoin d’associés.

Travailler pour Dieu, c’est faire ce qu’Il nous recommande et éviter ce qu’Il nous interdit. Ce n’est pas donner son argent à untel ou untel. Il n’y a, à ce niveau, ni « secret » ni « baatin », juste le droit chemin (siraatal mustaqim).

 

Bathie Ngoye Thiam

bathiesamba@hotmail.com

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